LA PREMIÈRE BATAILLE - Chants II-VII de l'ILIADE d'HOMERE
Publié le 22/03/2011
Extrait du document
Zeus a promis de venger Achille, qui s'est retiré sous sa tente. Il faut donc présumer que l'action se développera par une bataille, en laquelle Agamemnon et les Achéens recevront une leçon, le premier pour avoir outragé le plus brave de ses alliés, les autres pour n'avoir pas protesté contre cet affront. Une grande bataille va s'engager en effet, qui ne remplira pas moins de six chants (II-VII inclus). Nous aurons à nous demander si, par la manière dont elle est conduite, elle répond parfaitement à l'attente que le premier chant a fait naître en nous. Presque dès le début du IIe chant, nous éprouvons quelque surprise. Zeus passe la nuit dans un demi-sommeil qu'obsède la pensée de la promesse faite à Thétis. Pour s'y conformer, il envoie à Agamemnon un songe qui l'engage à livrer bataille, et lui inspire l'espoir de prendre Troie. Il est clair que, dans l'esprit du poète, ce songe doit être trompeur, Réveillé, Agamemnon réunit d'abord le conseil des Anciens, ensuite l'assemblée de toute l'armée. Devant le conseil, il narre le songe, et propose, en termes assez singuliers d'éprouver les dispositions des soldats en feignant de renoncer à une entreprise qui a trop duré et en recommandant le retour en Grèce. Si, comme il le craint, les Achéens accueillent avec joie la proposition, les autres chefs reçoivent mission de les retenir.
«
Cet avis, qui peut paraître superflu, semble avoir pour objet de préparer le catalogue des forces achéennes qui vabientôt suivre.
Agamemnon clôt la délibération par une exhortation ardente.
Tandis que l'assemblée se disperse, iloffre ensuite un banquet aux chefs, et invoque Zeus, qui, nous rappelle le poète, ne doit pas exaucer sa prière.Quelques mots de Nestor mettent fin au banquet et donnent le signal pour les préparatifs du combat.
Quatrecomparaisons brillantes décrivent, l'une, l'éclat des armures, l'autre, le bruit des divisions en marche, la troisième, lamultitude des soldats, la quatrième, l'action des commandants, qui mettent en ordre les bataillons.
Toute cette première partie du chant, à part la feinte proposition d'Agamemnon qui peut soulever des difficultés, estune suite naturelle du chant premier.
La seconde, qui comprend le double catalogue des forces achéennes ettroyennes est au contraire suspecte.
On peut d'abord s'étonner que ce catalogue nous soit donné, quand noussommes déjà à la dixième année de la guerre.
Mais ce n'est point là un argument décisif pour y voir uneinterpolation.
Nous constaterons que d'autres épisodes, dans les chants qui suivent immédiatement, prêtent à lamême objection, et il n'est pas impossible d'imaginer que le poète primitif, s'il voulait composer non une Colèred'Achille mais une Iliade, ait cru qu'il pourrait faire accepter à ses auditeurs une convention, dont le dernierarrangeur de l'Iliade en tout cas et tous les lecteurs jusqu'à d'Aubignac et Wolf se sont accommodés.
Mais ce quiest beaucoup plus grave, c'est que les données du catalogue ne sont pas toujours d'accord avec le reste dupoème.
Il n'y a donc guère de doute que nous ne soyons en présence d'une addition.
Cette addition doit être elle-même assez ancienne, et l'état politique de la Grèce qu'elle décrit est; dans l'ensemble, sinon dans tous les détails,celui qu'on peut présumer antérieurement à l'invasion dorienne.
Le Catalogue a d'ailleurs été accepté par les Grecs,même par Aristote, comme un document historique ; c'est Aristote [Rhétorique, XV), qui nous dit qu'il fut invoquépar les Athéniens pour défendre leurs droits sur Salamine.
Le troisième livre est celui où le poème annoncé par le Ier chant sur la Colère d'Achille se développe décidément enune Iliade.
Est-ce le poète primitif qui a voulu ce développement ? Nous avons dit que l'objection tirée du fait queles deux épisodes essentiels du troisième chant seraient plus naturellement placés au début de la guerre, n'est pasdirimante.
On peut admettre une convention.
On est plus surpris de voir que la première bataille est d'abordheureuse pour les Achéens ; la promesse de Zeus y semble longtemps oubliée.
Sans doute les nouveaux défenseursde l'unité peuvent dire que, dès que le poème devient une Iliade, il devient naturel aussi que le poète nous présented'emblée le plus grand nombre possible de héros grecs, et leur attribue des exploits.
Cependant la manière franche,directe du poète qui a écrit le Ier chant, faisait attendre plus de logique et de rapidité.
Ces réflexions valent pourl'ensemble qui nous conduit jusqu'à la fin du VIIe chant.
Nous nous expliquerons dans la suite sur chaque épisode.
Les deux armées vont se rencontrer.
Alexandre alias Paris) sort des rangs troyens et vient provoquer les Achéens.Aussitôt Ménélas s'avance contre lui : la victime et l'auteur du rapt qui a causé la guerre se trouvent en présence.La situation est très heureusement placée au début d'une Iliade, à laquelle ce qui va suivre ne convient pas moins.Alexandre apparaît comme un fanfaron.
Il a provoqué les héros achéens.
Dès que Ménélas approche de lui, il prendla fuite, ce qui lui vaut une dure réprimande d'Hector, après laquelle il reprend un certain empire sur lui-même etpropose de surseoir à la bataille générale qui allait s'engager, pour y substituer un duel avec Ménélas dont lerésultat décidera du différend entre les Achéens et les troyens.
S'avançant entre les deux armées, et arrêtant lesAchéens d'un signe, Hector leur fait entendre, d'une voix forte, la proposition.
Ménélas l'accepte, à la grande joiedes deux peuples.
Tandis qu'Hector d'un côté, Agamemnon de l'autre, préparent le sacrifice qui va sanctionnerl'accord, Iris, déguisée sous les traits de la femme d'Hélicaon, fils d'Anténor, va prévenir Hélène que son ancienépoux et son ravisseur vont régler son sort par un duel.
Ainsi est amenée une des scènes les plus fameuses dupoème.
Hélène et tes vieillards sur la tour.
(139-180).
La déesse, par ces mots, jeta doucement dans le cœur d'Hélène le regret de son premier époux, de sa patrie et deses parents.
Aussitôt elle se voila d'un blanc linon, et sortit de sa chambre en versant de tendres larmes.
Elle n'étaitpas seule; deux servantes l'accompagnaient, Aethra, fille de Pitthée, et Clyméné aux yeux bovins.
Prestement, elless'en vinrent au lieu où était la porte Scée.
Or, auprès de Priam, de Panthoos et de Thymœtés, de Lampon, de Clytios, d'Hikétaon, rejeton d'Arès, Oucalégon etAnténor, tous deux hommes de sens, anciens du peuple, étaient assis, à la porte Scée ; leur vieillesse les dispensaitdu combat, mais ils étaient bons discoureurs, pareils aux cigales, qui, dans le bois, perchées sur un arbre, fontentendre leur voix de lys.
Tels étaient les chefs troyens, assis sur la tour.
Lors donc qu'ils virent arriver à la tour.Hélène, doucement ils échangèrent leurs sentiments et donnèrent le vol à ces paroles : « Comment s'indigner queles Troyens et les Achéens aux bonnes jambières souffrent depuis si longtemps pour une telle femme ! Ne croirait-onpas vraiment voir une des Déesses immortelles ? Et pourtant, si belle qu'elle soit, qu'elle remonte sur leurs vaisseaux,et qu'elle ne reste pas ici plus longtemps, pour notre dam et celui de nos enfants ! »
Ils dirent, mais Priam appela de la voix Hélène : « Viens ici, ma chère enfant, et sieds-toi près de moi, pour voir tonpremier époux, tes parents et tes amis.
Je n'ai rien à te reprocher ; la faute est aux dieux.
Ce sont eux qui m'ontinfligé cette guerre achéenne, cause de tant de larmes ! Mais dis-moi le nom de cet homme imposant.
Quel est-il,cet Achéen, ce héros si beau et si grand ? Il en est d'autres, il est vrai, qui le dépassent de la tête.
Mais jamais jen'ai vu de mes yeux quelqu'un d'aussi beau ni d'aussi majestueux ; il a vraiment l'air d'un Roi.
»
Hélène lui répondit, Hélène divine entre les femmes : « Mon respect pour toi, mon cher beau-père, est mêlé de.
»
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