La Poésie peut-elle aider à mieux comprendre le monde qui nous entoure ?
Publié le 16/03/2011
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A plus petite échelle, un poème peut également permettre de mettre des mots sur des sentiments confus et intenses pour ainsi permettre au lecteur une meilleure compréhension de ses semblables et du monde humain en général. Le lyrisme, registre privilégié de l’expression des sentiments personnels est selon Paul Valery « le développement d’une exclamation «. C’est le cas chez Victor Hugo qui après la mort de sa fille Léopoldine entreprit d’écrire la seconde partie de son recueil « Les Contemplations « nommée ‘’Aujourd’hui’’ et portée sur la mort, la destinée humaine et la tristesse qui étreint le poète quand il pense à la disparue. Dans le poème intitulé « Trois ans après « écrit en Novembre 1846, Hugo fait part de sa profonde blessure et prend Dieu à parti en expliquant qu’il veut à présent se retirer du monde et vivre dans la solitude et le retrait : « Je ne demande désormais / A la création immense / Qu’un peu de silence et de paix ! «. Terrassé par le deuil et la souffrance, le poète nous livre à travers ce long poème un exemple criant de ce que la poésie peut devenir dans la peine : le lecteur, normalement sensible face un tel chagrin ne peut que compatir et admirer le talent de cet homme brisé. Ce genre de poésie peut aussi être une façon de mieux comprendre les autres et des sentiments forts – cela peut tout aussi bien être la joie ou l’enthousiasme - que nous n’avons peut-être pas encore connu.
Pourtant, bien que la poésie puisse dans certains cas aider le lecteur à comprendre le monde et les autres, elle peut également attacher à se divertir, se consoler ou s’évader le temps de quelques vers.
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De plus – et c'est un point essentiel – chaque poète à un univers et une perception des choses qui lui sont propres, inhérents àson être et donc non valables pour tous.
On peut évidemment citer Baudelaire qui évoluait dans un univers complètement à partet pour qui le maniement savant d'une langue était la pratique d'une « sorcellerie évocatoire ».
Cette vision quelque peu spécialedu monde et de l'art transparait beaucoup dans ses écrits qui se trouvent imprégnés de cette sorte de grâce malsaine à laquelleon ne peut échapper en lisant ses œuvres : il disait par exemple ne pas connaître « un type de Beauté où il n'y ait du malheur ».Dans un de ses poèmes intitulé « Destruction » du recueil « Les Fleurs du Mal », Baudelaire parle d'un Démon qui le pourchasseet prend parfois la forme « de la plus séduisante des femmes » pour le conduire « au milieu des plaines de l'Ennui, profondes etdésertes ».
Ce genre de poème, écrit sous le coup d'un malaise profond et véritable ne peut être pris de la même façon par tousles lecteurs et – même s'il est merveilleusement beau et bien écrit – reste malgré tout une forme de poésie ‘'expiatoire'' plusqu'une véritable aide à la compréhension du monde.
Dans la même idée, puisque chaque artiste perçoit les choses d'une manièrepersonnelle, ces perceptions des poètes par rapport au monde qui les entourent peuvent parfois être différentes voireradicalement opposées comme c'est le cas de celles de Laforgue et de Lamartine.
En effet, si Lamartine dans son poème « Levallon » voit en la nature une admirable protectrice toujours présente et à l'écoute, Laforgue, lui, pense que « tout hurle en cœur» et livre avec « Intarissablement » dans le pessimisme sacré en soutenant que de « chaque atome monte une voix solennelle ».Ces divergences d'opinions sont bien la preuve que les visions des poètes ne peuvent être prises pour vérités établies puisque leurpoésie est profondément imprégnée de leurs idées et de leurs propres convictions.
Ces différents ressentis de mêmes élémentspeuvent s'expliquer de par l'expérience de la vie de celui qui écrit : Laforgue, après une vie malheureuse et ponctuée d'échecs enveut à la terre entière, d'où sa vision négative de la vie et de la vieillesse.
A son instar, les sentiments d'Hugo changèrentradicalement suite au décès de sa fille, d'où la séparation des « Contemplations » en deux parties distinctes, preuve que l'écritureprend compte de l'état et des humeurs de celui qui tient la plume.
A fortiori, certains poèmes sont le fruit de visions créées par l'absorption de produits illicites tels que l'absinthe, le haschisch ouencore la marihuana, drogues très en vogue dans les milieux artistiques.
Les poètes, s'évadant alors dans un universcomplètement parallèle et inventé transcrivent sur papier le résultat de leurs hallucinations de haut vol.
Ce fut le cas de Rimbaudet de son désormais très célèbre « Voyelles » écrit pendant une de ses nombreuses divagations.
En effet, le poète parle d'un « E,candeurs des vapeurs et des tentes » ou d'un « U, cycles, vibrements divins des mers virides ».
Ce langage étrange, enapparence sans aucun sens ni logique, a suscité de nombreuses interprétations sans qu'aucune ne soit pleinement satisfaisante.Mais ces vers si bariolés et lumineux doivent-ils obligatoirement être compris pour pouvoir être appréciés ? La part de mystèredont ils sont inondés n'est-elle pas plus belle si on la laisse intacte ? Pour moi, Rimbaud les écrivit dans un état second, loin dumonde et de tout ce qui s'en approche, ce qui laisse à penser que ce type de poèmes relèvent plus de la fresque imaginaire quedu présent immédiat.
C'est également le cas des poèmes avec lesquels les écrivains ont voulu créer un monde nouveau, une sorte« d'autre réalité » plus colorée, musicale et odorante, telle une échappatoire.
La poésie, alors clé d'entrée de cet autre univers, nepeut plus être considérée comme explicative du monde qui nous entoure mais plutôt comme un moyen de s'évader et de rêverd'horizons plus beaux.
Ainsi, la poésie est un art si protéiforme et changeant qu'elle naît toujours là où on ne l'attendait pas pour briller telle un soleilverbal.
Quelle s'attache à la compréhension du monde qui nous entoure, au mal de vivre parfois trop présent ou à une simpletranche de pain, c'est un art qui « ne s'explique pas mais se ressent » comme l'a si bien dit Aragon.
Les poèmes peuvent nousmontrer des réalités proches comme d'autres auxquelles nous n'avons pas accès mais ne s'en vont toutefois jamais sans cettesorte de rayonnement, difficile à percevoir et impossible à fixer, qui rend les vers éternels..
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