LA POÉSIE LYRIQUE AUX XIIe ET XIIIe SIÈCLES
Publié le 13/04/2012
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Le rayonnement de l'art et de l'idéal des troubadours ne s'est pas seulement exercé en France. En Catalogne, en Italie, on cultive très tôt la fin'amor en langue provençale. Les poètes de la péninsule ibérique s'inspirent des thèmes occitans. Les Minnesanger (1) rivalisent avec les poètes français et provençaux qu'ils connaissent fort bien. En Italie encore, mais dans la langue nationale, l'idéalisme courtois, enrichi de ....
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L A P 0 É S I E L Y R l Q U E A U X X I I e E T X I Il e S I È C L E S 23
de vie courtoise favorables, protégés par de
grandes
dames comme Aliénor d'Aquitaine (1 ) et
ses filles, étaient en mesure de développer
encore
l'art des grands troubadours.
Vers le milieu du
xue siècle, ils leur avaient emprunté leurs
formes d'expression, les thèmes qui les inspirent
et les
attitudes spirituelles qu'elles supposent,
tout en modifiant quelque peu la tradition que,
d'une manière générale, ils simplifiaient.
Il n'est guère facile de définir brièvement ce que
les
trou bad ours entendaient par « fin' a mor ».
Se fier aux codes qui furent rédigés, tel l'Ars
Amandi écrit par André le Chapelain à la fin
du xne siècle, serait
s'enfermer dans une théorie
qui
n'est pas toujours représentative de 1 'esprit
des poètes,
tout en nuances.
Ce
que chante d'abord leur poésie, c'est la
nécessité de
l'amour, il est la valeur absolue qui
rend la vie possible en la transfigurant :
Tant
ai al cor d'am or
De joi et de doussor
Per que.! gels me sembla fior.
..
(2)
Cet amour est adultère, il s'adresse à une femme
mariée que le poète a librement choisie
pour sa
beauté et sa valeur, c'est-à-dire ses qualités
d'âme.
Plus ou moins conventionnellement, la
dame élue est de condition supérieure à celle de
l'amant, aussi le service d'amour ressemble-t-il
souvent
au service féodal; la Dame est assi
milée au seigneur.
Si la « fin'amor » s'oppose
à l'amour conjugal, c'est que l'époux possède ( 1
)
J'épouse, il a des droits sur elle et n'a pas à la
mériter à force
d'attente, de fidélité discrète, de
s,ouffrances, épreuves qui
sont des joies pour le
« fin'amant ».
Celui-ci consacre à sa Dame un
véritable culte conduisant à l'ascèse des sens et
de l'esprit : il veut être courtois, fidèle, loyal,
bon poète aussi, afin que l'éloge de l'aimée soit
plus précieux.
En fait, cet
amour idéalisé n'est
pas purement platonique, la rigoureuse disci
pline que s'impose l'amant désire sa récompense,
mais
on voit quel ennoblissement, quel enrichis
sement spirituel cette discipline apporte à
l'homme.
Les trouvères ont conservé les grands
principes de la doctrine des troubadours en
accusant certains de ses traits, la
Dame est pour
eux beaucoup plus lointaine, presque inacces
sible, et l'amour qu'ils lui portent est d'autant
plus respectueux qu'il leur paraît plus hardi.
Ils
intègrent plus nettement les valeurs
chevale
resques aux valeurs courtoises, la prouesse
guerrière est
un mérite supplémentaire du parfait
amant.
L'ART DES TROUBADOURS ET DES TROUVÈRES
La situation supérieure de la dame exigeait
que l'amant ne parlât d'elle qu'en termes voilés;
la discrétion
s'imposait aux poètes et imposait
à leur art une expression stylisée capable de dire
l'essentiel et de taire le particulier.
Aussi
l'amie
n'est-elle désignée que par un énigmatique nom
poétique, le« Senhal » : « Belhs cavaliers» (Beau
chevalier),
« Melhs que Domna » (Mieux que
Dame); sa beauté et sa valeur ne sont-elles évo
quées que par des formules générales.
Les poètes
risquaient ainsi de
tomber dans l'abstraction,
leurs sentiments sincères pouvaient devenir les
thèmes obligés
d'un jeu artificiel.
Les meilleurs
d'entre eux ont su parer à ces dangers.
La canzo (chanson d'amour, chanson cour
toise) par laquelle les poètes expriment leurs
sentiments et rivalisent en raffinements d'expres-
1.
Petite-fille de Guillaume IX d'Aquitaine, elle épouse
en 1137 Louis le Jeune qui divorce en 1152, puis Henri Plantagenêt qui devient roi d'Angleterre en 1154.
2.
« J'ai tant d'amour au cœur, de joie et de douceur,
que la glace me semble fleur » (Bernard de Ventadour).
sion est un genre poétique très souple : quatre à
six strophes répètent
un schéma librement cons
truit et s'accompagnent de la même mélodie.
Mais cette souplesse invite à la virtuosité, les
théoriciens des
Leys (2) d'amors (1356) définis
sent de multiples possibilités strophiques, des
formules de rimes compliquées.
Le langage est
médité, les
troubadours distinguaient le « trobar
leu »(composition« simple») qui refuse les trop
grandes subtilités stylistiques au profit de la
clarté et de la sobriété, du« trobar elus» (compo
sition « fermée, hermétique») où le raffinement
des concepts
s'exprime par un vocabulaire am
bigu, dans une métrique compliquée à plaisir.
Une variété de cette poésie hermétique, le« trobar
rie » (composition « riche ») s'attache à l'ex
trême correction du langage, à la perfection
formelle.
Les trouvères
n'ont guère retenu ces
1.
Au Moyen Age, le terme est à peine métaphorique, le mariage est plus une affaire d'intérêt -la dot!- que de
sentiments.
2.
Lois..
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