LA POÉSIE LYONNAISE: SCÈVE
Publié le 28/02/2012
Extrait du document
Animaux jà créés en genres et espèces,
Par champs et prés herbus, bois et forêts épaisses
Marchant, trottant, rampant, serpentant terriens,
Aquatiques nageant, volant aériens,
Erraient en leurs manoirs pêle-mêlés ensemble,
Mais attendaient en paix celui qui devait être,
Comme Dieu est au ciel, ici-bas leur seul maître.
Complice d'Ève, Adam est aussi le premier
criminel de la création. Heureuse faute cependant:
Dirai-je, Ève, que trop tu fus pour toi friande,
Ou vraiement (1) pour nous heureusement gour
mande?
«
L'AGE DE RONSARD 115
Le Beni portrait connu de Maurice ScIve,
en frontiapice de Dille.
la premiere Renaissance.
Mais c'est plus preci- sement a sa ville, a un milieu Oil fermente une
quanta particuliere d'humanisme, que revient
l'honneur d'avoir forme le grand pc:site.
L'huma-
nisme lyonnais, veritable
encyclopedisme, se
caracterise par son eclectisme.
Il se nourrit des grands Anciens, il admire Petrarque et ses imi-
tateurs, mais it ne renie pas le legs du Moyen
Age tant en litterature qu'en philosophie, et il
ne cesse d'etudier attentivement et respectueuse-
ment les lecons de la grande rhetorique.
Ce mou-
vement complexe fut enrichi par l'influence presti-
gieuse de la reine Marguerite de Navarre qui
fit a Lyon plusieurs *ours.
Apres le premier
grand humaniste lyonnais Symphorien Champier
(1472-1537), auteur de La nef des dames vertueuses
(1503), medecin et poIte nourri de l'enseignement
neo-platonicien de Marsile Ficin, un nombre
important de pc:sites neo-latins l'illustrirent :
nous ne citerons que Nicolas Bourbon, auteur de
Nugae (« Bagatelles » 1533), « traite par Mau-
rice Save comme un pair et comme un egal »
(A.-M.
Schmidt).
Il faut parler aussi des parties combattantes de
la dispute qui, pendant plusieurs annees, mobi-
lisa les energies de quelques pc:sites et de leur public : la Querelle des femmes.
Les champions
de la femme modeme, heritiore de la Dame sans merci des chantres courtois (L'amie de cour de
Bertrand de La Borderie, 1541), parfois aureolee
des prestiges du neo-platonisme (La parfaite
amie d'Antoine Heroet, 1542), s'opposaient aux
tenants de la misogynie traditionnelle, tempo/see
par les usages du monde (Charles Fontaine,
La contr' amie de cour, 1543).
Sur ce terrain
comme sur tant d'autres, la Delie de Save
apparait donc comme une synthIse poetique
des divers courants de la pensee lyonnaise.
Heritier attentif de la grande rhetorique C) et
de la science medievale, etudiant zele des verites
de rage nouveau, erudit solitaire, l'auteur du
premier canzoniere ($) francais, Maurice Save,
salue comme un maitre par la jeune Pleiade et
representant eminent de l'humanisme lyonnais,
fut un poete sans disciples qui allait rester oublie
pendant plus de trois siecles.
Une vie paisible et studieuse Issu d'une famine de notables lyonnais, it fut
d'abord connu, en 1533, pour avoir decouvert,
ou cru decouvrir, le tombeau de Laure, l'amante
de Petrarque, dans une chapelle proche d'Avi-
gnon.
Desormais introduit dans les cercles lettres
de Lyon, Save mene une vie a la fois studieuse
et mondaine.
En 1536, il
est designe par la
duchesse de Ferrare comme le triomphateur du concours des blasons (3).
C'est vers cette époque qu'il s'eprend d'une
jeune fille, Pemette, dite Cousine.
Sa passion lui inspire un recueil de poomes publie en 1544,Delie objet de plus haute vertu.
Mais Pemette
meurt de la peste l'annee suivante, et Save se
retire a la campagne, non loin de Lyon, oil il
compose La saussaie, eglogue de la vie solitaire
(1547).
Il est flatteusement estime de ses contem-
porains.
La reine de Navarre lui demande en 1547 deux sonnets qu'elle fait paraitre avec
ses propres poesies.
La ville de Lyon le charge d'organiser les fetes somptueuses qui accom-
pagnent l'entree du roi Henri II en 1548.
On sait peu de choses de ses dernieres annees,
sinon qu'il travaille a un grand ouvrage, somme
des connaissances de son temps, Microcosme.
Cette apopee encyclopedique, posthume peut-
etre puisqu'on ignore a quelle date mourut
Steve, fut publiee en 1562.
1.
Voir p.
89.
2.
C'est-a-dire du premier recueil de poimes chantant
une seule femme, a l'imitation du recueil de Petrarque,
Il canzoniere (le « chansonnier »).
3.
Voir p.
97.
--
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L'ÂGE
DE
RONSARD
115
Le
seul
portrait
connu
de
Maurice
Scève,
en
frontispice
de
Délie .
la
première Rèttaissance.
Mais
c'est
plus préci
sément
à sa
ville,
à un
milieu
où
fermente une
qualité particulière d'humanisme, que revient
l'honneur
d'avoir
formé le
grand
poète.
L'huma
nisme lyonnais, véritable encyclopédisme, se
caractérise
par
son
éclectisme.
Il
se nourrit des
grands Anciens, il admire Pétrarque et ses imi
tateurs, mais il
ne
renie pas le legs du Moyen
Age
tant
en
littérature
qu'en
philosophie, et
il
ne cesse
d'étudier
attentivement et respectueuse
ment
les leçons de
la
grande rhétorique.
Ce
mou
vement complexe fut enrichi
par
l'influence presti
gieuse de la reine Marguerite de Navarre qui
fit à
Lyon
plusieurs séjours.
Après le premier
grand
humaniste lyonnais Symphorien Champier
(1472-1537),
auteur
de
La
nef
des dames vertueuses
(1503),
médecin
et
poète nourri
de
l'enseignement
néo-platonicien de Marsile Ficin,
un
nombre
important
de poètes néo-latins 1 'illustrèrent :
nous
ne
citerons que Nicolas Bourbon, auteur de
Nugae
(«
Bagatelles
» 1533),
« traité
par
Mau
rice
Scève
comme
un
pair
et
comme
un
égal
»
(A.-M.
Schmidt).
Il faut parler aussi des parties combattantes de la
dispute qui,
pendant
plusieurs années, mobi
lisa les énergies de quelques poètes et de leur
public :
la
Querelle des femmes.
Les champions
de
la
femme moderne, héritière de la
Dame
sans merci
des chantres courtois
(L'amie
de
cour
de
Bertrand de
La
Borderie, 1541), parfois auréolée
des prestiges du néo-platonisme
(La
parfaite
amie
d'Antoine Héroët, 1542), s'opposaient aux
tenants de
la
misogynie
traditionnelle, tempérée
par
les usages
du
monde (Charles Fontaine,
La
contr'amie
de
cour,
1543).
Sur
ce terrain
comme
sur
tant
d'autres, la
Délie
de
Scève
apparaît donc comme une synthèse poétique
des divers courants de
la
pensée lyonnaise.
Héritier attentif de
la
grande rhétorique
(1)
et
de
la
science médiévale, étudiant zélé des vérités
de 1 'âge nouveau, érudit solitaire,
l'auteur
du
premier
canzoniere
(2)
français, Maurice
Scève,
salué comme
un
maître
par
la jeune
Pléiade
et
représentant éminent de 1 'humanisme lyonnais,
fut
un
poète sans disciples qui allait rester oublié
pendant plus de trois siècles.
Une
vie
paisible
et
studieuse
Issu
d'une
famille de notables lyonnais,
il fut
d'abord
connu,
en
1533, pour avoir découvert,
ou cru découvrir, le tombeau de Laure,
l'amante
de Pétrarque, dans
une
chapelle proche
d'A
vi
gnon.
Désormais introduit dans les cercles lettrés
de Lyon,
Scève
mène une vie
à la fois studieuse
et mondaine.
En
1536, il est désigné par la
duchesse de Ferrare comme le triomphateur
du concours des blasons
(3).
C'est vers cette époque qu'il s'éprend
d'une
jeune fille, Pernette, dite Cousine.
Sa
passion
lui inspire
un
recueil de poèmes publié en 1544,
Délie objet
de
plus haute vertu.
Mais Pernette
meurt de
la
peste
l'année
suivante, et
Scève
se
retire
à la
campagne,
non
loin de Lyon,
où
il
compose
La
saussaie, églogue
de
la
vie
solitaire
(1547).
Il est flatteusement estimé de ses contem
porains.
La
reine de Navarre lui demande en
1547 deux sonnets qu'elle fait paraître avec
ses propres poésies.
La
ville de Lyon le charge
d'organiser les fêtes somptueuses qui accom
pagnent l'entrée
du
roi Henri
II
en 1548.
On
sait peu de choses de ses dernières années,
sinon qu'il
travaille
à un
grand ouvrage, somme
des connaissances de son
temps,
Microcosme.
Cette épopée encyclopédique, posthume peut
être puisqu'on ignore
à
quelle date mourut
Scève,
fut publiée
en
1562.
1.
Voir p.
89.
2.
C'est-à-dire
du
premier recueil de poèmes
chantant
une seule femme, à l'imitation du recueil
de
Pétrarque,
Il canzoniere
(le
« chansonnier
» ).
3.
Voir p.
97..
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