LA POÉSIE (Histoire de la littérature)
Publié le 27/11/2018
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Universalité de la poésie : toute communauté humaine, aussi loin que nous puissions la rejoindre dans l’espace ou dans le temps, utilise le langage d'une façon particulière, correspondant à ce que nous appelons « poésie »; il n’existe pas de peuple sans poésie. Mais la diversification extrême de ses formes et de ses fonctions rend difficile, peut-être impossible, la détermination d’une essence universelle de la poésie. Valéry ironisait sur ceux « qui se font de la poésie une idée si vague qu’ils prennent ce vague pour l'idée même de la poésie ». La plupart des définitions plus précises sont réductrices parce que conditionnées par des déterminations sociohistoriques inavouées ou mal analysées. Littré, en conformité avec l’esthétique de son temps, définit dans son dictionnaire la poésie comme l’« art de faire des ouvrages en vers », mais, quelques lignes plus loin, il propose par un autre sens une définition plus extensive : « Qualités qui caractérisent les bons vers, et qui peuvent se trouver ailleurs que dans les vers ». Quelle définition de la poésie pourrait convenir à Boileau comme à Mallarmé, au griot africain, au militant révolutionnaire qui rédige un poème-tract aussi bien qu’au surréaliste se livrant à l’écriture automatique?
C’est une idée aujourd’hui reçue que l’évolution continue du genre poétique le rapproche peu à peu d’une essence du poétique, enfin révélée et accomplie par les œuvres majeures de la modernité (en français, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé et leurs héritiers du XXe siècle). Dans cette optique, Lamartine serait donc beaucoup plus poète que Boileau, mais bien moins que Mallarmé! Pour justifier cette hiérarchie, on pourra dire que Lamartine participe encore largement d’une esthétique de la représentation et de l'ornementation, tandis que Mallarmé impose une esthétique de la transgression — celle-ci étant donnée pour plus poétique que l’ornementation. Mais n'est-ce pas privilégier une conception particulière de la poésie : celle qui s'est répandue en Europe au cours du XIXe siècle? Le risque est grand de projeter sur la poésie du passé (comme sur celle des cultures lointaines)
les protocoles et les codes de lecture de l’époque contemporaine que l’on a érigés en critères universels de « poéticité ».
Longtemps, dans la culture européenne, la poésie se définissait clairement par sa forme propre : l’organisation versifiée. Il suffisait d’ouvrir un livre : si l’on reconnaissait la disposition en colonnes de vers, l’ouvrage appartenait au genre poétique. Mais l’apparition du vers libre, du verset et surtout du poème en prose a brouillé les frontières [voir Vers]. La poésie a perdu la spécificité de sa forme bien visible. De façon générale, au xxe siècle, toutes les frontières de genres tendent à s’abolir, par « ce travail profond de la littérature qui cherche à s’affirmer dans son essence en ruinant les distinctions et les limites » (Maurice Blanchot, /’Espace littéraire, 1955). L’essence du poétique (qui tend à se confondre avec l’essence de la littérature, la littérarité [voir Littérature]) s’affirme en détruisant ce qui faisait la forme propre de la poésie.
Plutôt que de rechercher une impossible définition unitaire, on pourrait, avec Valéry, souligner que tous les discours sur la poésie s’organisent selon deux axes principaux : la poésie est affaire de langage; le poétique est un effet produit par une attitude de lecture (et d’écriture) : « Poésie, c’est le sens premier du mot, c’est un art particulier fondé sur le langage. Poésie porte aussi un sens plus général, plus répandu, difficile à définir parce qu’il est plus vague : il désigne un certain état, qui est à la fois réceptif et productif... » (« Nécessité de la poésie », 1957, Variété).
Un art du langage
Nul ne contestera que la poésie soit un art fondé sur le langage : la définition est suffisamment large pour recevoir des interprétations multiples. T. Todorov (les Genres du discours, 1978) distingue trois grandes familles de théories du sémantisme poétique.
La tradition classique développe une conception rhétorique de la poésie, qu’elle assimile à un ornement : la versification (et tous les procédés langagiers réputés poétiques) s’ajoute à l’organisation de la prose pour apporter un supplément de plaisir. Ce que Voltaire résume : « On sait très bien en quoi consiste l’objet de la poésie, il consiste à peindre avec force, netteté, délicatesse et harmonie : la poésie est l’éloquence harmonieuse » (Lettres philosophiques, 1734). Ainsi la poésie ne dit-elle pas autre chose que le langage ordinaire, mais elle le dit autrement, et mieux, avec un agrément supérieur.
Pour tout un courant d’influence rationaliste, la poésie utilise le langage en inversant les propriétés intellectuelles de celui-ci. Elle cherche à faire passer les sentiments à travers les mots. Elle les arrache à leurs valeurs habituelles, en jouant sur leurs connotations émotives. Le poète communique ce que le langage conceptuel ne saurait dire : « Le poète, en sus de l'idée de la mort, détient en lui le poids de toute mort » (René Char, le Marteau sans maître, 1934).
«
poésie
à exprimer l'indicible: la signification du poème,
résidant ailleurs que dans le sens, est irréductible -
notamment à la traduction -et résolument plurielle.
Toute la réflexion moderne sur la poésie gravite autour
de ces thèmes majeurs.
L'opposition entre la poésie et ce qui n'est pas elle
(qu'on l'appelle prose, langage ordinaire, langage de
communication, etc.) tend à devenir absolue.
Pour
reprendre une métaphore chère à Malherbe comme à
Valéry, la prose «marche>>, tandis que la poésie
«danse >>.
La prose marche vers un but, qui seul
importe : communiquer une idée, une impression, un
désir.
un ordre, etc.
La poésie ne va nulle part : elle est
danse des mots, aventure de langage valant pour elle
même; elle abandonne à la prose la volonté de représen
tation.
C'est pourquoi elle est sentie comme 1 'au-delà du
langage de communication ou comme sa mort : « La
poésie est l'ambition d'un discours qui soit chargé de
plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage
ordinaire n'en porte et n'en peut porter >> (Valéry, « Pas
sage de Verlaine >>, 1921, Variété).
La poésie >, 1893, Varia
tions sur un suJet).
Ce que Sartre commente : > (.
»
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