La poésie française de la Renaissance à nos jours
Publié le 12/08/2024
Extrait du document
«
II.
La poésie de la Renaissance
A) Condition du poète
Bien qu’il soit un sujet central de recherche et de théorisation, le mot
« poésie » n’existe pas encore au début du XVIe siècle.
Ainsi, jusqu’à la fin du XVe siècle, on désigne cette forme de littérature
par un mot très différent : on parle de « métrificature » et de
« métrificateur », c’est-à-dire un artisan, employé par les « grands » du
royaume à la cour royale, qui travaille sur l’histoire de la famille dont il
dépend et réalise des exercices verbaux de divertissement et de jeux.
Les
« métrificateurs » ou « rhétoriqueurs » s’attachent ainsi essentiellement
au style, à la forme, parfois poussée jusqu’aux limites de ce que peut la
langue… Et le sens n’a pas beaucoup d’importance dans cette poésie.
Au siècle suivant, si le poète reste attaché financièrement aux « grands »,
il acquiert une plus grande liberté d’inspiration et d’imagination grâce à
l’influence des mécènes italiens de la Renaissance qui confèrent aux
poètes le statut d’artistes indépendants.
B) Un renouvellement du genre
Au XVIe siècle, et notamment à partir de 1530, les poètes de la
Renaissance se libèrent des formes fixes présentes au Moyen Age : le
rondeau, la ballade, les rimes, etc… Ainsi Ronsard, dans ses Livres
des Odes, cherche à donner une forme nouvelle et différente à chacun de
ses poèmes.
Se développe parallèlement et massivement l’alexandrin à rimes plates
(aabb), jetant ainsi les bases modernes de la poésie classique.
Toutefois, il y a une forme fixe qui est favorisée : c’est le sonnet.
Introduite par Clément Marot, cette forme d’origine italienne se diffuse
autour de 1550 grâce aux poètes de la Pléiade et s’impose comme
centrale dans la poésie française.
Elle se distingue des formes fixes
héritées du Moyen Âge car elle est fondée sur une tension entre deux
quatrains à rimes embrassées (abba abba) et deux tercets sur trois rimes
adoptant un schéma de rimes libres (ccd ccd cdc…) : il s’agit donc d’une
forme semi-fixe, qui se libère dans sa structure au fur et à mesure : on
passe d’une forme fixe (2 quatrains à rimes embrassées) à un schéma de
tercets libres.
Redécouvrant l’alexandrin, ce grand oublié du Moyen-Age,
le sonnet connaîtra un succès de plusieurs siècles.
Les poètes du XVIe siècle ont aussi le souci de la musicalité de la poésie,
et travaillent sur l’harmonie sonore de leurs vers.
Pour mieux ressentir les
forces cosmiques de l’univers, l’auditeur trouvera dans la musique le liant
indispensable à l’art de la poésie.
Ronsard, dans son Abrégé de l’art
poétique (1565), demande à ses lecteurs de chanter ses poèmes car « la
poésie, sans la grâce des instruments et de la voix, est une chose
nullement agréable » : l’importance est accordée à la récitation et à la
lecture expressive.
C) La Pléiade
La Pléiade est un groupe de sept poètes formé entre 1543 et 1546 et dont
les plus éminents sont Pierre de Ronsard (1524-1585) et Joachim du
Bellay (1522-1560).
Autour de l'helléniste Jean Dorat, la Pléiade, inspirée
d'un groupe de sept poètes d’Alexandrie qui avaient choisi, au IIIe siècle
av.
J.-C., le nom de ces sept étoiles qui constituent une partie de la
constellation du Taureau, réunit Étienne Jodelle, Jean-Antoine de
Baïf, Jacques Peletier du Mans, Rémy Belleau et Pontus de Tyard.
Ils
proclament le rejet de leurs prédécesseurs et une rupture complète avec
la poésie du Moyen Âge.
Leur programme poétique est présenté en 1549 par Du
Bellay dans Défense et illustration de la langue française, le manifeste du
groupe.
Il souhaite « défendre » la langue française contre le latin
qu'utilisent les humanistes à une époque où la poésie néo-latine était en
plein essor ; en voulant faire de la langue française une langue noble,
l'égale du grec et du latin, la Pléiade s'inscrit dans un projet politique plus
large, initié par François Ier, qui avait fait du français la langue officielle du
royaume (Ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539).
Pourtant, Du Bellay se refuse à imiter les poètes français et rejette les
formes médiévales, à l'exception de la chanson.
Contre la complexité des
systèmes de rimes des Grands rhétoriqueurs, il engage le poète à
communiquer ses émotions dans des pièces richement ornées, érudites et
musicales.
Trois genres sont déclarés nobles : la tragédie, l'ode et
l'épopée ; l'épigramme, l'églogue et l'élégie sont acceptées.
D) L
‘école de Lyon
Ce groupe de poètes se constitue à Lyon.
Cette ville est située dans un
carrefour commercial, ce qui la rend prospère financièrement et
culturellement.
Ces éléments rendent la ville indépendante et foisonnante.
Les poètes lyonnais forment un cercle de poètes libres auquel se
rattachent de nombreux auteurs, dont des femmes comme Louise Labé.
Leurs poèmes sont souvent intimes, parlent d'amour souvent
idéalisé selon la conception platonicienne (Platon inspire leurs idées
mystiques sur l'amour, instrument de connaissance et de sagesse).
Ils
sont également marqués par le Pétrarquisme (Pétrarque leur donne, par
des sonnets, l'exemple d'une poésie à la fois précieuse et passionnée).
Ces poèmes témoignent de la recherche d'une poésie pure, plus noble et
travaillée essentiellement la langue française, langue encore en
formation, même si certains poètes riment en latin ou mélangent un peu
de francoprovençal.
Cette école lyonnaise de poésie accepte les femmes
de lettres en son sein (Louise Labé et Pernette du Guillet ).
E)La poésie engagée
Les évènements politiques du siècle, les sanglantes guerres de religion qui
déchirent l’Europe en cette fin de XVIe siècle, conduiront certains poètes
à mettre leur plume au service de leurs convictions.
Ainsi Aubigné défend
les protestants avec Les Tragiques (1616), créant une poésie baroque
lyrique et engagée pendant que de son côté Ronsard consacre aux
catholiques son Discours sur les misères de ce temps (1562).
III.
La poésie au XVIIe siècle
A) Le Baroque (1580-1660)
Le baroque, mouvement artistique européen, est apparu vers 1580 en
Italie, mais il se poursuit jusqu'en 1660.
Les œuvres sont marquées par l’exagération, les excès et le mouvement.
Le baroque offre également aux poètes la possibilité de jouer avec le
langage, de créer des images, de surprendre le lecteur avec les mots.
Les autres poètes baroques, comme Mathurin Régnier ou Théophile de
Viau, utilisent les formes développées au XVIe siècle, notamment par les
poètes de la Pléiade, comme le sonnet, mais ils confèrent à leurs poèmes
une visée satirique ou un lyrisme personnel très fort, lié à l’amour et à la
religion.
Saint-Amand marque l'aboutissement de la poésie baroque en 1629 avec
son recueil Œuvres qui contient des poèmes très variés, tant au niveau de
leur forme que des thèmes abordés.
Cet ouvrage marque un tournant
vers le courant littéraire de la seconde moitié du XVIIe siècle : le
classicisme.
B) Le classicisme (1660-1700)
Le classicisme s'oppose directement aux excès du baroque.
Il correspond
au début du règne personnel de Louis XIV en 1661.
Le classicisme repose
sur un idéal incarné par la figure de l'honnête homme.
C'est l'époque de la rigueur, avec l'alternance des rimes que suivaient
déjà les poètes mais qui sont hissées au rang de règles.
Les poètes
respectent en effet une alternance entre rimes féminines (avec des mots
qui se terminent en -e) et rimes masculines (avec des mots qui se
terminent par un son autre que -e).
La rime doit être valable autant pour
l'oreille (quand on prononce le poème à voix haute) que pour l'oeil (quand
on lit le poème).
Ces règles de versification, appliquées depuis plus d’un
siècle pour certaines d’entre elles, sont formulées par Boileau dans son
Art poétique (1674).
Le poète François de Malherbe est un représentant typique de cette
poésie classique.
Les classiques écrivent très souvent en vers, y compris au théâtre, mais
la poésie tend à décliner.
Le classicisme, qui exalte la raison, est peu
enclin au lyrisme, à l’inspiration et à l’imagination poétiques.
La forme
versifiée est principalement mise au service des genres didactiques, tels
que les Fables (1668-1694) de La Fontaine, qui tiennent à la fois de la
poésie, du récit et de l’argumentation.
IV.
La poésie au XVIIIe siècle
A) Un genre mineur à l’époque des Lumières
Le XVIIIe siècle, ou siècle des Lumières, est profondément marqué par la
volonté des auteurs et érudits de transmettre des connaissances.
Si les
auteurs de cette époque écrivent beaucoup en vers, la poésie en tant que
telle, peu propice à la diffusion des idées, connaît une crise incontestable.
La poésie est donc délaissée au profit de la littérature d’idées.
Ce n’est pas la forme poétique en elle-même qui n'intéresse pas les
philosophes, mais plutôt les fonctions du poète.
En effet, l’image du poète
vates ne correspond plus aux besoins rationnels et aux envies de progrès
des philosophes.
Toutefois, Voltaire, qui s’essaie à des genres multiples, demeure un grand
poète.
Son long poème « Le Mondain » (1736) et plus tard le « Poème sur
le désastre de Lisbonne » (1756), composé suite au tremblement de terre
de Lisbonne un an plus tôt qui causa la mort de plus de 30 000
personnes, en témoignent.....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- On a dit de nos jours avec un grain de malice et un coin de vérité : «La poésie française, au temps de Henri IV, était comme une demoiselle de trente ans qui avait déjà manqué deux ou trois mariages, lorsque, pour ne pas rester fille, elle se décida à faire un mariage de raison avec M. Malherbe, lequel avait la cinquantaine.»
- LA LITTÉRATURE FRANÇAISE DE LA RENAISSANCE - Le renouvellement de la poésie : Marot, du Bellay, Ronsard, Agrippa d'Aubigné
- TABLEAU HISTORIQUE ET CRITIQUE DE LA POÉSIE FRANÇAISE ET DU THÉÂTRE FRANÇAIS AU XVIe SIÈCLE.
- ESSAI HISTORIQUE. POLITIQUE ET MORAL SUR LES REVOLUTIONS ANCIENNES ET MODERNES CONSIDÉRÉES DANS LEURS RAPPORTS AVEC LA RÉVOLUTION FRANÇAISE DE NOS JOURS François-René de Chateaubriand
- RECUEIL DE L’ORIGINE DE LA LANGUE ET DE LA POÉSIE FRANÇAISE. Résumé et analyse