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La poésie britannique

Publié le 14/11/2018

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PREMIÈRES LUEURS DU ROMANTISME

Suffit-il de bien écrire pour se dire poète? La question, jusqu'à Pope, n'aurait eu aucun sens. Mais, en 1742, commence à paraître une série de poèmes d'une conception entièrement nouvelle : les Nuits. Leur titre original est un peu plus long : Plaintes ou Pensées nocturnes sur la vie, la mort et l'immortalité. Reprenant la tradition séculaire de la poésie métaphysique, Edward Young (1683-1765) l'infléchit dans le sens d'une méditation personnelle : ce n'est pas la conscience universelle se reflétant dans celle du poète, mais l'intuition timide d'un esprit désorienté qui donne sa forme au poème. Solitude et doute, difficulté de vivre, angoisse et sentiment tragique de la vie fondent une sensibilité encore neuve, qui assure d'emblée un grand succès à ces poèmes dans lesquels l'époque romantique tout entière reconnaîtra son acte de naissance.

 

En 1751 est publiée une œuvre de la même eau, qui donne à l'évocation poétique du monde un pouvoir qu'elle n'avait pas jusqu'alors : ('Élégie écrite dans un cimetière de campagne. Son auteur s'appelle

 

Thomas Cray (1716-1771) : on le considère, avec Young et Jean-Jacques Rousseau comme l'un des principaux précurseurs du romantisme. Son poème impose en effet un sentiment de la nature, une personnalité infiniment plus émouvants que les images conventionnelles qui dominaient jusqu'alors l'écriture poétique. Le genre antique de l'élégie, renouvelé par le choix de la campagne anglaise, permet

FRAÎCHEUR ET DIVERSITE

Nourrie de traditions celtiques et saxonnes, la poésie britannique est aussi héritière du classicisme grec et latin. Entre les brumes du Nord et le soleil de la raison, elle a suivi une voie originale, donnant au monde quelques-uns de ses chefs-d'œuvre et à la poésie européenne certains de ses jalons les plus décisifs. Un goût marqué pour les idées, le sens du rythme, une approche plus souple de la forme caractérisent un art qui trouve son plus bel accomplissement à l’époque romantique, dans les prophéties de Blake ou les ballades de Coleridge. Si, au contraire du roman, la poésie anglaise n'a guère été influencée par les apports des dominions et du Commonwealth, elle a en revanche été profondément renouvelée par les mouvements littéraires issus des marges du royaume, Écosse et Irlande au premier chef. Londres n'a pas joué le rôle de Paris, et la vie poétique britannique n'a jamais vraiment eu de centre. Cette vocation provinciale jamais démentie lui a donné une fraîcheur et une diversité sans équivalents dans les littératures européennes.

LE MOYEN ÂGE

Comme en France, la poésie anglaise est à ses débuts inséparable de la chanson. La tradition de la ballade se maintient longtemps, conservant le souvenir d'une époque où lire un poème, en silence, n'avait aucun sens. Dans le monde celtique, les bardes perpétuent une tradition orale qui trouve sa meilleure expression dans le folklore populaire, aux marges de ce qu'il est convenu d'appeler la littérature. En Angleterre même, l'écrit prend une importance plus marquée, et très tôt apparaissent des œuvres écrites en langue anglo-saxonne. Il faut noter cette différence avec la France, où la proximité de notre langue et du latin permettra à celui-ci de conserver très longtemps sa suprématie, et où les premiers textes écrits en français sont postérieurs de plus d'un siècle à leurs équivalents anglo-saxons.

 

Le plus ancien est un poème épique intitulé Beowulf, qui entremêle les éléments païens et chrétiens pour chanter les exploits héroïques d'un héros Scandinave. Directement inspirés des sagas du Nord, les 3182 vers de Beowulf ont été rédigés vers le vu' siècle, et nous les connaissons par un manuscrit du Xe siècle. Ce texte fondateur est l'équivalent de nos Serments de Strasbourg (842) ou de la Cantilène de sainte Eulalie (IXe siècle), mais il ancre d'emblée la poésie anglaise dans un contexte plus martial. Le Moyen Âge proprement dit est marqué par l'invasion normande et la diffusion rapide, parmi les classes supérieures, d'une culture française qui résistera jusqu'au XIXe siècle. Certains des plus grands poètes du monde médiéval anglais ont écrit en français, telle Marie de France, qui vit à la cour d'Henri II Plantagenét : ses Lais, rédigés en français, sont empreints d'éléments de culture celtique. De la même façon, les fragments qui vont peu à peu composer le Roman de Tristan, au xii' siècle, viennent indiscutablement du monde britannique, tout comme cette «matière de Bretagne» qui désigne l'ensemble des cycles épiques de la Table ronde. Cela explique sans doute la relative pauvreté de la poésie anglo-saxonne jusqu'au XIVe siècle. C'est seulement à la fin du Moyen Âge que les îles Britanniques sortent des marges de la littérature pour entrer dans la grande histoire européenne. Le moment décisif, ce sont peut-être les Contes de Canterbury de Chaucer (13401400), souvent considéré comme le premier vrai poète anglais : c'est en tout cas le premier à

sortir des influences franco-italiennes pour user sans complexe de sa propre langue et parler, avec verve et truculence, du monde qui l'entoure.

LA POÉSIE ÉLISABÉTHAINE

Il faut pourtant attendre plus d'un siècle pour voir apparaître une école anglaise proprement dite. C'est sous le règne d'Élisabeth Ire, entre 1558 et 1603, que les royaumes d'Angleterre et d'Irlande commencent à connaître une réelle prospérité, et si les querelles de religion contribuent à ensanglanter le début de la période, la reine s'applique très vite à restaurer l'ordre. Elle s'affirme aussi comme une protectrice des arts et des lettres, et encourage le développement de la poésie. De cette époque datent des œuvres majeures de la littérature anglaise. Avant Shakespeare, il faut citer le nom de Christopher Marlowe (15641593), le créateur

« l'expression d'une sensibilité personnelle, les décors et les paysages rompent avec les bergeries, la Grèce et la Judée de convention des œuvres classiques.

Quelques années plus tard, l'Écossais James Macpherson (1736-1796), dit Ossian, publie des chants de guerre et d'amour inspirés du gaélique : Fragments de poésie ancienne (1760).

Avec Fingal (1762) et Temora (1763), ils font redécouvrir à un public crédule et fasciné une tradition poétique occultée par les références grecques et bibliques; une tradition proprement britannique, issue d'une terre, l'Écosse, située symboliquement au-delà du limes qui marque dans les premiers siècles de notre ère la frontière de l'Empire romain.

La poésie britannique retrouve ainsi le fil d'une histoire presque oubliée.

De ce folklore, fût-il réinventé de part en part le romantisme fera la base de toute littérature digne de ce nom; à ce titre, il convient de mentionner le nom deRobelf Bums(1759- 1796), dont les poèmes sont écrits directement en dialecte écossais et qui a consacré plusieurs volumes à recueillir des chants populaires de son pays.

Dernier en date parmi les précurseurs du romantisme, et pas le moindre : William (1757- Peintre Mi�on dans un poème à son nom (1804).

Son œuvre est traversée de visions effrayantes, tout entière animée d'un sentiment du divin qui ne laisse à la raison classique que bien peu de place .

Nocturne et magique, la poésie de Blake achéve cette révolution du romantisme qui consiste à ne plus voir en la poésie un art mais une expérience.

i!UH@iJ Au tournant du siècle apparaît une nouvelle génération, qui va reprendre l'héritage de Gray jusqu'à en faire un mode de vie.

Dans l'histoire littéraire anglaise, Samuel Taylor Coleridge (1772- 1834) et William Wordsworth (1770- 1850) sont connus comme les «poètes lakistes», parce qu'ils sont associés à la région des lacs, dans le Durham.

Des conversations qu'ils ont en 1796 et 1797 Mêlant cette mélancolie et ce sentiment de la nature qui vont bientôt devenir des clichés romantiques, les deux poètes contribuent à donner au romantisme naissant ses formules, ses images et ses rythmes.

Énergie et nostalgie, sentiment de l'histoire et de la nature, difficulté d'être s'allient à un lyrisme audacieux.

Byron (1788-1824), qui donne en 1819 un Don aussi la poésie comme une expérience existentielle, multipliant voyages et personnages dans une incessante quête de soi.

Il tente, comme le fera plus tard Pouchkine, de fondre poème et roman, et reste parmi les tout derniers, en Europe, à s'essayer au plus grand des genres : l'épopée (Le Chevalier Harold, 1812).

PRIX NOBEL ET POÈTEs-LAURÉATS Il existe au Royaume-Uni un titre aussi convoité que polémique : poète-lauréat Récompensant souvent une œuvre déjà bien engagée, cette distinction à double tranchant signale une intégration sociale que d'aucuns trouvent incompatible avec la fonction de poète.

Ted Hugues, nommé poète-lauréat par la reine en 1984, s'est ainsi vu accuser de renier la révo�e de ses écrits ...

Il a pourtant d'Illustres prédécesseurs, comme Wordsworth ou Tennyson, mais la question demeure : peut-on être un «poète officiel»? Le Nobel est un titre peut-être plus facile à porter.

Il récompense pourtant moins les qualités littéraires qu'un certain humanisme, ou encore le symbole d'une cause : les prix de Tagore en 1913, de Yeats en 1923, ou encore de Seamus Heaney en 1995 ne sont pas seulement attribués à des poètes, mais à l'esprit d'un peuple - l'harmonie spirituelle et politique de l'Inde britannique, la lutte de l'Irlande pour sa liberté, le combat pour la paix en Ulster.

Seul T.S.

Eliot récompensé en 1948, semble n'avoir vu reconnaître que son talent littéraire.

En revanche, ce natif du Missouri a en commun avec les trois autres Nobel britanniques de ne pas être d'origine anglaise.

notamment donné Le Naufrage du Deutschland, méditation ardente sur une catastrophe qui interroge l'idée même d'un ordre du monde.

Entre sentiment de la nature et inquiétude spirituelle, Hopkins renoue les deux traditions les plus marquantes de l'écriture poétique anglaise, la métaphysique et le romantisme lakiste.

Il faut enfin citer Rabindm llllth Tagore "(1910) s'Inspire du spiritualisme hindou pour promouvoir un idéal de tolérance et de culture.

Récompensée trés tôt (1913) par le prix Nobel, l'œuvre de Tagore est exemplaire de l'idéal universel qui est au centre du monde victorien; mais elle porte aussi en elle une aspiration à la différence qui va trouver son expression politique, après la Grande Guerre, dans les mouvements nationalistes.

THE CELTISH TWILIGHT 1-------------i t:lnde, sur ce point est précédée par C'est une révolte peut-être plus virulente l'époque: le roman.

Mais si la tentative l'Irlande.

En marge de la vie brillante encore qu'affirme son ami Percy s'Impose par son ambition, elle est de Londres se développe, à la fin du Bysslre Shelley (1792-1822), dont La quelque peu désespérée, et ce sont XIX' siècle, un mouvement littéraire d'une Reine Mab (1813) et Prométhée (1819) peut-être les premiers poèmes publiés extrême importance : le «crépuscule exaltent dans la lignée de Milton, la par Elizabeth, les Sonnets de la celtique>> -crépuscule (twilight) étant à capacité de l'homme à lutter contre les Portugaise (1851 ), qui ont conservé le prendre, comme en français, à son dieux.

plus de lecteurs.

double sens, du soir et du matin : ce qui John Keats (1795-1821) appartient à la même génération et comme Byron et Shelley, il trouve un destin tragique sous les cieux méditerranéens.

Endymion (1818) et les Odes (1820) sont les principales œuvres d'un novateur mal compris par son époque.

Tout en sensibilité, son œuvre invite davantage l'homme à accueillir en lui la beauté qu'à transformer le monde.

Elle s'éloigne de l'idéal de l'action chanté par les œuvres héroïques de Byron et Shelley, au profit d'une apologie de la méditation.

LA POÉSIE VICTORIENNE t:époque appartient pourtant aux hommes d'action, et le Royaume-Uni est à l'aube d'une des époques les plus glorieuses de son histoire : le règne de la reine Victoria.

En poésie, pourtant les générations qui arrivent n'ont pas le brio de celle de Lord Byron, au contraire de la France où les œuvres les plus brillantes du siécle s'écrivent aprés 1850.

On peut cependant citer quelques grands noms.

Le premier est celui du couple Browning.

Elizabeth (1806-1861) et Robert (1812- 1889), dont les œuvres ont en commun une réelle ambition.

En témoignent les 4000 vers d'Aurora Leigh (1856), par Elizabeth, et les 20 000 de L'Anneau et le Livre (1868-1869), par Robert.

t:analyse psychologique domine ces poèmes qui tentent de faire concurrence, dans une forme plus élaborée, au grand genre de AJfJwl Tennyson s'achéve, ce qui renaît Lié de prés au (1809-1892) leur renouveau du nationalisme irlandais, est contemporain.

il suit la voie ouverte plus d'un siècle Ses poèmes auparavant par Ossian et Robert Burns délicats et raffinés, en Écosse, en redécouvrant les beautés qui tendent à son de la tradition irlandaise.

À la façon du époque le miroir félibrige provençal, le mouvement se d'une haute partage entre ceux qui s'expriment en civilisation, recueillent un certain succés gaélique et ceux qui choisissent l'anglais.

mondain (ln memoriam, 1850; Maud, Parmi ceux-ci, le plus fameux est sans 1855).

Leur forme recherchée n'est pas r--�-==.., '""''" doute sans évoquer les travaux de l'école William Butler parnassienne, en France.

Yeats (1865- 0scllr Wilde (1854-1900), qui a lui- 1935), qui est même donné quelques poèmes en le principal français, est lui aussi de ceux qui défendent l'art pour l'art.

Il est le chef de file des «esthètes» et connaît un succés qui cache sans doute un malentendu, car, dans son œuvre brillante, aux apparences de légèreté, un sentiment tragique de la vie se développe dans ses dernières années, aprés l'affaire de mœurs qui l'envoie croupir en prison : la Ballade de la geôle de Reading (1898) s'impose par l'authenticité d'un écrivain qui abandonne une fois pour toutes les jeux de masques qui avaient fait sa gloire.

Complètement inconnue à son époque, l'œuvre de Gerald Manley Hopkins (1844-1889) a dû attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour être tirée de l'oubli :ce jésuite discret a 1 : de la terme même de Celtish Twilight est emprunté à l'une de ses œuvres.

Des romantiques, il reprend une tendance marquée au mysticisme, et sa première œuvre (Les Erronees d'Ossian, 1889) atteste d'emblée une fidélité littéraire au folklore gaélique.

Il s'est exprimé dans des poèmes dramatiques comme Le Seuil du roi ou Deirdre, inspirés de légendes irlandaises, mais aussi dans des œuvres lyriques, destinées à la seule lecture, parmi lesquelles se détache Une vision (1919), longue et vertigineuse méditation sur le sens de l'histoire et le rôle du poète.

Yeats a reçu le prix Nobel de littérature en 1923- mais il n'était plus, alors, de nationalité britannique ...

John Millington Synge (1871-1909), proche ami de Yeats, s'est lui aussi consacré à la scène, tout en laissant des poèmes posthumes.

t:inspiration irlandaise se joue chez lui à la fois dans le choix des sujets, souvent tirés du folklore gaélique, et la recherche d'une langue aussi proche que possible de l'anglais parlé dans les villages irlandais.

IMoi.!Ji!iiiiN À l'aube du XX' siècle, c'est d'Irlande encore que surgit l'un des plus grands écrivains britanniques, James Joyce (1882-1941).

t:auteur d'Ulysse (1922) donne d'abord des Proche du mouvement de Yeats, Joyce s'en détache rapidement critiquant la nostalgie excessive qui a fait de cette libération littéraire la matrice d'un nouvel enfermement Autre grand nom de la littérature britannique du XX' siéc le , Thomas Stearns Eliot (1888-1965), plus connu comme lS.

Eliot.

D'origine américaine, il fait souffler un vent nouveau dans la poésie d'outre-Manche en faisant de la misère spirituelle de son époque le thème et plus encore le ressort de son écriture.

Son poème le plus connu, La Terre vaine, est publié en 1922 : le premier vers, «Avril est le mois le plus cruel>>, est probablement de toute la poésie du siécle, celui que les anglophones citent le plus facilement­ sans doute pour son côté météorologique et proverbial; mais il illustre aussi à la perfection le désespoir existentiel de son auteur.

wt-sfan Hugh .AIIMn (1907-1973) d'un en contribuant à changer la société bourgeoise, qu'il tente de délivrer de ses préjugés et de son esprit de caste (La Danse de mort.

1933).

D'une tonalité fort différente, l'écriture de Ted Hugues (né en 1930) se rattache elle aussi à une tradition romantique dont le poète retient surtout le goût de l'énergie.

Corbeau (1970), son recueil majeur, concentre dans des vers extrêmement denses l'énergie du monde animal, donnée comme une alternative aux fausses routes de la civilisation et de l'humanisme.

Seamus Heaney, né à Belfast en 1939, s'applique quant à lui à redonner un sens, ou tout au moins une unité, à une terre dévastée par les conflits; sans nier l'influence d'un Ted Hugues, il tente de retrouver dans la nature la source d'une paix dont le monde des hommes ne lui semble guère à même de trouver les ressources (Porte vers le noir, 1969).

Il a reçu le prix Nobel en 1995.. »

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