La photographie est-elle un art ?

« grande beauté plastique.

Dans un autre registre, les photographies qui jouent sur l'érotisme, la sensualité ou laviolence peuvent susciter des émotions intenses, produisant cette « beauté convulsive » chère aux surréalistes. Lorsque la photographie choisit des sujets analogues à ceux de l'art plastique, l'assimilation paraît d'autant plusaisée.

Ainsi, elle affectionne particulièrement, et cela depuis ses débuts, le portrait, popularisant une pratiqueréservée à une élite.

Chacun pouvait et peut avoir sa galerie d'ancêtres sur ses meubles ou ses murs.

Le nu et lepaysage sont également deux sujets répandus qui, sous la forme des modernes « posters », décorent les murs debien des demeures, dans la lignée des tableaux analogues. Mais c'est Justement à cause de cette ressemblance avec la peinture que la photographie a eu des difficultés à êtrereconnue comme un art.

Pour y parvenir, elle a dû se définir dans sa spécificité, sans renier son caractèretechnique. Le sociologue Bourdieu a montré combien les arts traditionnels défendent leur territoire contre l'intrusion des artsnouveaux auxquels ils ne sauraient conférer une telle dignité.

Les derniers-nés, en revanche, ont un grand souci dereconnaissance, qu'il s'agisse de la bande dessinée ou de la photographie par exemple.

Or celle-ci, en développantcertains traits qui lui sont propres, a pu accéder à ce statut envié. Ainsi, par essence, la photographie crée l'illusion.

Elle peut donc en tirer avantage en développant le caractèreréaliste de ses sujets ou, au contraire, en créant, par mise en scène ou trucage, des sujets fantastiques,imaginaires ou farfelus, un univers fantasmatique propre à son créateur. Elle peut aussi travailler sur le temps, composante essentielle de la photographie, en valorisant l'éphémère dans safugacité, sa rareté, sa fragilité, ce qui crée une indéniable émotion esthétique, ou, au contraire, rechercher lapermanence, le temps ralenti, voire nié.

Dans les deux cas, le photographe est à la recherche des essences àtravers l'apparence sensible. L'espace est un autre matériau sur lequel il travaille.

Usant à l'extrême de l'objectivité de l'appareil, il peut délimiterdes cadres ou des angles de vision inhabituels pour l'oeil humain, pris dans des perceptions conventionnelles, ce quicrée un choc esthétique. Diverses possibilités techniques, comme le flou (dont certains, comme Hamilton, ont usé, voire abusé), lesmodifications chromatiques, la décomposition du mouvement, qui a d'ailleurs influencé le cubisme et le futurisme,génèrent des images d'une grande beauté plastique. Si la peinture a profondément influencé la photographie à son origine, cette dernière s'est peu à peu définie dans saspécificité, non sans contribuer à l'évolution de son aînée, qui a dû, elle aussi, explorer des chemins qui la justifientcomme art visuel, créant à partir des formes, couleurs, lumières, des oeuvres originales dont le propos n'est pas dereproduire la réalité, sauf lorsqu'elle le fait de façon presque parodique avec l'hyperréalisme.

En somme, l'émergencede la photographie a, d'une façon générale, vivifié la création picturale d'un XX' siècle qui a connu un nombreconsidérable de courants et d'artistes novateurs.. »