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« La pensée, l'art, la poésie, la littérature ne servent en apparence à rien, mais en fait à tout le monde » (Cl. Roy). Expliquer et discuter cette formule qui désire spécialement défendre la Littérature.

Publié le 29/03/2011

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PLAN DU DEVOIR

Introduction ■ Pour bien des gens, la littérature est du temps perdu et l'auteur littéraire un malade, un inutile ou un rêveur. ■ La littérature est-elle utile ? ■ Si oui, à quoi? Ire Partie ■ But utilitaire donné à la littérature. ■ L'incommunicabilité vaincue en partie par la littérature.

« * * * Périodiquement des écrivains ou des politiques veulent donner un but utilitaire à la littérature.

C'est qu'elle est undes moyens les plus communs et les plus souples de communication.

Certes tout art — spécialement graphique —est un moyen de communiquer.

Même si la mode moderne consiste à insister sur l'incommunicabilité entre les êtres,parole et écriture sont cependant des liens, une façon de toucher, même imparfaitement, l'autre.

Et comme lalittérature choisit souvent, sous formes plus ou moins déguisées, de traiter de l'angoisse humaine ou des moyens dela contrer, de tenter de la guérir; qu'elle est toujours pour l'homme moyen entourée — lorsqu'il ne la méprise paspour les mêmes raisons — de ce halo de respect porté à ce qu'on se sent incapable d'accomplir soi-même, elledevient une arme que les gouvernements recherchent ou craignent.

Napoléon traitait les écrivains de « songe-creux», mais ses allocutions à ses soldats sont elles-mêmes de la belle littérature éloquente.

Certes l'imprimé ou lareprésentation théâtrale ne sont pas une communication directe, immédiate, mais précisément grâce au recul qu'elles'octroie le temps d'être conçue puis retransmise, la littérature permet mieux de joindre autrui et de trouver leséléments d'identité entre ces « autres » et « je » (l'écrivain) donc de communiquer.

Hugo répétait : « Ah ! insenséqui croit que je ne suis pas toi! ».

Nous sommes tous « les habitants d'un même royaume : le temps, la mort, lasolitude » (Cl.

Roy); et la littérature nous permet d'atteindre — par ces biais que sont une même détresse, lesmêmes relations d'équivoque ou de malentendu, ce même « destin-loi », — ces « autres qui ne sont pas autres dansla mesure où ils se sentent exactement comme moi, c'est-à-dire autres » (Cl.

Roy).

Aussi, même en écartantl'utilisation directement politique de la littérature, — des harangues de Démosthène ou plaidoiries de Cicéron, desperfidies d'Aristophane (Les Nuées sont responsables, plusieurs années après leur sortie, de la condamnation deSocrate) aux Discours révolutionnaires (Mirabeau, C.

Desmoulins, Danton) ou aux écrits d'un Barrés, d'un Maurras,d'un J.

Jaurès..., — il est certain que la littérature a partie liée avec tous les autres hommes.

C'est en cela aussique l'on peut parler de son engagement.

Les Provinciales de Pascal, les remontrances ironiques de Voltaire, lesChâtiments de Hugo ou les Séquestrés d'Altona de Sartre sont de la littérature de combat au même titre que leslivres d'Anouilh, de Montherlant ou de Céline, même si leur révolte et leur polémique sont de « bords » différents etsi leur dénonciation est celle d'abus et d'injustices contraires.

Comment ne pas s'indigner quand on est témoin d'uneinjustice ? Comment ne pas se sentir concerné par ce qui se passe dans le monde ? Même si l'écrivain refuse detraiter de faits actuels, son non-engagement est en réalité un engagement.

Sartre affirme d'abord que nous sommestous « en situation » et concernés.

Mais poussant plus loin, dans la 2e partie de sa vie, il veut rejeter tout ce quin'est pas arme de combat, faisant fi en 1er de ses propres écrits et arrivant à force d'engagement de la littératureà...

rejeter la littérature.

Le plus beau livre du monde, répète-t-il maintenant, « ne tient pas devant un enfant quimeurt de faim » ; écrire la Nausée ne résoud pas l'apartheid en Afrique du Sud ou la question noire aux États-Unis.Se laisser aller à des indignations en chambre dispense de l'acte indigné direct, et la littérature n'est qu'un alibi pournous donner bonne conscience à bon marché! * * * Bonne conscience ? répond Claude Roy, non : elle nous donne d'abord conscience et là nous abordons l'utilitéindirecte de la littérature, celle qui n'éclate pas aux regards des actifs « efficaces ».

Que d'utilités latentes dans cet« utile inutile » (Cl.

Roy), car la littérature est toujours une manière d'agir sur soi et sur les hommes.

Pour l'écrivainlui-même d'abord, l'écriture est accomplissement de soi, nécessité d'être, elle arrache au sentiment d'être seul.

Dela fiction à la confession pure et simple, il se délivre.

C'est Rousseau, se justifiant dans ses Confessions bien sûr : «Et qu'un seul vienne dire s'il l'ose, je fus meilleur que cet homme-là! », mais aussi à travers le personnage fictif deSaint-Preux de la Nouvelle Héloïse; c'est Chateaubriand, exposant le « vague des passions » aussi bien dans Renéœuvre romanesque que dans Les Mémoires d'Outre-Tombe; ou Hugo pleurant sa chère fille Léopoldine, mais neparvenant à écrire qu'après un temps, quand le deuil, sans s'estomper, commence à être un peu admis : « Maintenant que du deuil qui m'a fait l'âme obscure Je sors pâle et vainqueur,... Maintenant, ô mon Dieu, que j'ai ce calme sombre De pouvoir désormais Voir de mes yeux la pierre où je sais quedans l'ombre Elle dort pour jamais...

» (A Villequier, dans Les Contemplations). Mais comme « Je est un autre » (Rimbaud), la littérature, témoignage de ce qui se passe dans le cœur d'un homme,l'est aussi de ce qui se passe dans celui des hommes, et spécialement : ressentir la condition humaine...

Lalittérature c'est le plus grand nombre possible de dédoublements, de réflexions, mais réflexions de miroir, ce « miroir» que Stendhal « promen[ait] le long des chemins »...

et des êtres.

Et voici la seconde grande utilité de lalittérature, pas éclatante comme celle du militant ou du moraliste, certes, mais bien plus réellement efficace.

Commela littérature exige un décalage entre ce que nous sommes et ce que nous rêvons d'être, entre la réflexion et le filmde la conscience, elle nous permet à nous aussi, lecteur ou spectateur, de nous assurer que nous sommes nous, denous accomplir.

Elle nous permet de « [nous] absenter pour être mieux présent[s] » (Roy).

Elle est donc miroir etrévélateur, éclairage et tonique.

Tous les philosophes du XVIIIe siècle, ce « siècle des lumières », ont insisté sur cerôle « lumineux » de la littérature, comme tous les dramaturges — Molière par ex.

— ont dévoilé les effets «vigoureux » de leurs œuvres.

« Qu'une œuvre agisse par la persuasion ou la révulsion, elle est toujours une façon desentir mieux » (id.).

Car la littérature est un art, donc une forme de liberté ne serait-ce que par la domination desmots, techniques et thèmes », donc un bonheur pour celui qui crée et pour celui qui admire le créateur.

La beautén'a pas d'influence immédiate, elle n'a pas de « conséquences simples ».

Les lecteurs ou spectateurs des œuvres. »

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