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La parodie du réalisme.

Publié le 31/10/2023

Extrait du document

« I.

La parodie du réalisme. L’enchevêtrement des récits dans Jacques le Fataliste , la déstructuration voulue par l’auteur sont des éléments qui opacifient la lecture de l’ouvrage.

Les discours des personnages sont enferrés dans les méandres de la parodie.

L’auteur y provoque le lecteur par des interrogations directes.

La structure de l’ouvrage ressemble à un labyrinthe où la parodie devient la clé de voute de l’édifice. Malgré ce chaos apparent, cette œuvre contient une structure, une armature solide que les parodies ne sauraient faire oublier.

Selon Diderot, la parodie est un procédé stylistique idéal pour dénigrer ou souligner les récits de voyage de ses contemporains.

La parodie de Sterne apparait de nombreuses fois dans l’ouvrage. Comme le souligne , l’identification immédiate au récit de voyage de l’ouvrage se doit d’opérer chez le lecteur.

Il s’agit d’un repèrage dont Diderot serait l’investigateur.

Le procédé parodique de Diderot est subtil : d’une part il crée l’illusion d’un récit authentique.

Il parodie le roman de façon si convaincante , si criante de vérité, que le lecteur se perd dans le double jeu de Dierot qui consiste à parodier , tout en reprenant les composantes du roman, pour enfin accuser d’autres auteurs d’utiliser les mêmes stratagèmes que lui. closest of course to the novel is the story put together by a real traveler, or by a fireside traveler, who employs accounts already published and creates a narrative partly or wholly fake but a the same time so realistic, so much like other books, that he is able to deceive readers for a few years, perhaps for a century, perhaps forever1 Pour Diderot, la parodie serait une forme d’écriture susceptible d’éveiller les consciences .

Dans ce sens, elle serait dirigée vers le lecteur potentiel.

Par contre, cette même parodie peut devenir un sujet de disdcorde entre écrivains qui s’arrogent la paternité de leus écrits et qui accusent les autres écrivains d’utiliser les effets de parodie dont eux-mêmes se défendent. Voici le second paragraphe, copié de la vie de Tristam Shandy, à moins que l’entretien de Jacques le fataliste et de son maître ne soit antérieur à cet ouvrage et que le ministre Sterne ne soit le plagiaire, ce que je ne crois pas, mais par une estime toute particulière de M.

Sterne que je distingue de la plupart des littérateurs de sa nation dont l’usage assez fréquent est de nous voler et de nous dire des injures2 J.Ehrard propose une analyse de l’œuvre de Diderot dans laquelle il mentionne ses qualités morales : Il souligne les qualités de réalisme de l’auteur dans son acceptation de vérité.

Si l’auteur utilise la parodie, c’est pour lui un jeu littéraire où la droiture et les opinions émergent d’une parrente dislocation du discours et du récit. Jacques le Fataliste nous conserve l’image d’un Diderot résigné, comme dit Jacques à sa condition d’homme, mais sans passivité ni sans aigreur.

Cet équilibre ADAMS (Percy G.), Travel literature and the evolution of the novel, Lexington, The University press of Kentucky, 1983, p.

73. 2 DIDEROT, Jacques le fataliste, CHARTIER (Pierre) éd., coll.

« Livres de poche », Paris, Librairie générale française, 2000, p.

305. 1 1 et cette maîtrise s’expriment dans une œuvre cohérente où le fatalisme appelle la fantaisie1. Le quête du réalisme pour les romanciers du XVIII° siècle est essentielle à la crédibilité et à l’authentification du récit.

Diderot estime qu’il doit s’en départir et la parodie est le procédé littéraire qu’il convient d’ utiliser pour s’en départir. Laurence Daubercies décrypte les niveaux narratifs dans Jacques le Fataliste.

Elle analyse les digressions, les enchâssements que la parodie utilise pour déconstruire le non réalisme des récits de voyage De plus , et contrairement à leur raison d’être dans les authentiques récits de voyage, les différents niveaux narratifs et les coupures diégétiques n’ont aucun lien entre eux et n’enrichissent en rien la transmission de l’espace viatique.

Au contraire, l’amplification de leur usage est telle qu’elle relègue le récit de voyage, qui constitue pourtant le premier pallier narratif de l’œuvre, au rang de simple décor amputé d’une partie importante de ses potentialités2 Cette amputation dont parle Laurence Daubercies est omniprésente dans l’œuvre. Diderot crée un décor imaginaire dont il se complait à souligner le caractère paroxystique .

L’histoire pourrait être celle d’un récit de voyage, or il n’en est rien.

Diderot parodie le réel, celui que prônent les romanciers.

Les situations sont irrélles et elles sont irréalistes, puique selon lui il est imposssible à l’écrivain de retranscrire le réel.

Par contre, Diderot établit un lien privilégié avec le lecteur. Dans cette nouvelle relation exclusive qui nait ainsi, nous pouvons dire que cette lecture participative rejoint le réalisme, alors que le récit du voyage s’en éloigne Vous allez croire Lecteur que ce cheval est celui que l’on a volé au maître de Jacques, et vous vous tromperez.

C’est ainsi que cela arriverait dans un roman, un peu plus tôt ou un peu plus tard, de cette manière ou autrement ; mais ceci n’est point un roman ; je vous l’ai déjà dit, je crois, et je vous le répète encore3 Mais le lien avec le lecteur est un lien fragile que l’auteur se plait à rompre.

Il se plait à lui narrer un récit qui présente des accents de vérité.

La parodie a un but pédagogique : il s’agit de faire croire au lecteur que les faits narrés sont réels. Diderot utilise l’artifice qui consiste à prétendre avoir entendu cette histoire d’une tierce personne.

Tout semble vrai et crédible.

Cependant, l’accumulation des situations et des faits annulent l’effet désiré.

La parodie ici s’apparente à la farce : le récit du voyage est décrédibilisé .

Le lecteur est culpabilisé et le lien qui l’unissait à l’auteur est momentanement rompu. Vous allez prendre l’histoire de Jacques pour un conte, et vous aurez tord.

Je vous proteste que telle qu’il l’a racontée à son maître tel fut le récit que j’en avais entendu faire aux Invalides , je ne sais en quelle année, le jour de la Saint Louis, à table chez un M.

de Saint Etienne , major de l’hôtel, et lhistorien qui parlait en présence de plusieurs autres officiers de la maison, qui avaient connaissance du J.

EHRARD , Maurice Roelens, Jacques le Fataliste et la critique contemporaine, p.124 Laurence DAUBERCIES 3 DIDEROT 1 2 2 fait, était un personnage grave qui n’avait pas du tout l’air badin.

Vous voila bien averti , et je m’en lave les mains1 II. La parodie romanesque. Au XVIII°siècle, le roman n’est pas un genre qui suscite en France l’unanimité : d’une part, l’église condamne les excès qu’elle croit déceler dans les histoires invraisemblables qui sont publiées.

D’autre part, la censure n’est pas la seule à réprouver cette littérature.

Diderot la méprise lui-aussi.

Il décide de peindre d :es personnages et des histoires qui suscitent l’illusion de la réalité chez le lecteur.

Cette attitude est aussi une contrainte pour l’écrivain : S’il refuse delibérement de souscrire aux contraintes dont souffre un écrivain ou bien s’il décide de s’en détacher par la parodie, il se verra ainsi prisonnier d’un carcan dont il avait essayer de s’échapper.

Ce dilemme est résumé dans la conférence de Albertan-Coppola, qui cite un article de George May Le romancier est face à un dilemme , il est pris entre deux feux.

Ou bien il évite le reproche d’invraissemblance et décrit le monde tel qu’il est, avec ses vices, et il tombe alors dans le reproche d’immoralité ; ou bien il cherche à éviter le reproche d’immoralité et il est ammené à idéaliser le monde, et s’expose alors au reproche d’invraissemblance2. Diderot va choisir d’éviter ces deux écueils.

Il justifie le choix de la parodie par la créativité qu’elle engendre.

Utiliser le roman source pour en écrire un autre, c’est en quelque sorte proposer un éclairage nouveau en éradiquant les défauts du livre d’origine pour en proposer une version inédite et revisitée« Chaque création est originale en raison de sa capacité de récupérer des textes, des images-métaphores et analogies de la tradition occidentale3 ». S’inspirer des romans connus du public, les parodier pour mieux se les approprier.

Diderot pense bien évidemment à s’éloigner de l’invraissemblable .

La parodie devient un jeu initatique pour le lecteur, au même titre que le passage de l’innocence à destin presdestiné pour Jacques.

Les parodies sont nombreuses et émaillent le récit de par leurs références à un ensemble littéraire que Diderot tout en le rejettant , ne peut s’empêcher d’utiliser pour parvenir à la liberté d’expression.

Dès l’incipit, Diderot parodie le roman de Caylus Les Confidences réciproques. « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde 4 ».

Le texte parodié est un calque parfait du roman d’origine « Où allaient t’ils ? Où voulaient t’ils aller ?Je n’en sais rien.Ils ne le savaient pas trop eux-mêmes5 ».

Diderot parodie le roman anglais qu’il affectionne : Tristam Shandy « sans cette simple balle je n’eusse jamais été amoureux6 ».

La parodie épouse les atours polyphoniques auxquels Diderot veut s’attacher..... »

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