« La nuit » de Guy de MAUPASSANT
Publié le 06/09/2018
Extrait du document
-« La ville renvoie au personnage l’image de sa propre dispersion ; le héros est en quelque sorte entré dans une sorte de monde parallèle où surgissent son inconscient et ses obsessions. »
- « Dédoublement, dépossession de soi, sont les thèmes principaux qui structurent ce « fantastique intérieur » ; la mort intérieure du personnage est alors symbolisée par la mort de la ville. »
* ELARGISSEMENT/ CONCLUSION :
Cette thématique de l’angoisse du néant évoquée par le texte reflète à la perfection l’atmosphère « fin de siècle » évoquée en introduction. La littérature des quinze-vingt dernières années du XIX s se colore d’un pessimisme exacerbé, qui se mue souvent en nihilisme ; une crise générale des valeurs fait voler en éclat l’espoir désespérément poursuivi par les romantiques – celui de retrouver l’équilibre et l’harmonie perdus- Déçus de leur société moderne rationnalisante, les artistes « fin de siècle » tournent le dos au réel et au réalisme pour se réfugier dans un monde artificiel et factice qui supplante la décevante réalité. Certains se détournent du quotidien pour mieux explorer leur vie intérieure et pénétrer leur inconscient : La Nuit livre un exemple de cette volonté de sonder de nouvelles régions de l’âme et de mettre au jour les angoisses de l’époque ; Maupassant exploite ainsi les ressorts du fantastique pour révéler par le biais d’un envers inquiétant de la ville, la face inconnue et inquiétante de l’Homme : Là réside sa modernité.
«
-« Mais bientôt, la promenade se transforme en une errance quasi ordonnée par une « force obscure »
qui pousse le personnage à marcher encore et encore, jusqu’à se perdre.
»(…) « les verbes de déplacement
se succèdent pour rythmer l’avancée du personnage, le « je narrateur » s’enfonce dans la ville et dans la nuit
; la question posée « où étais-je ? » indique la perte totale des repères spatiaux, signalant par là même la
rupture avec le familier.
»-« Ses appels restent sans réponse et le personnage s’affole ; le rythme du texte s’accélère en même
temps que le héros s’agite, les phrases sont plus brèves et évoquent la course saccadée du héros.(…) «
L’errance se termine sur les quais, les verbes de mouvement disparaissent pour laisser place au verbe d’état
« être » : « J’étais sur les quais.
.
»
-« L’ancrage spatial du texte se double d’un ancrage temporel, mais rapidement, le texte se déroule au
fil des interrogations du personnage sur l’heure qu’il est et le temps qui s’écoule.
Les occurrences sont
nombreuses et de plus en plus rapprochées dans le texte, la simple interrogation initiale se mue en un
questionnement quasi obsessionnel et le dernière occurrence témoigne de l’emportement extrême du
personnage par la triple répétition du mot « heure » .
Le lecteur a l’impression que le héros perd pied dans
un délire obsessionnel.
»
-« Le temps semble « se soustraire » au héros ; l’allongement de la durée ou le « suspens » du temps
est perceptible à plusieurs reprises dans le texte : « je marchai longtemps, longtemps » (…) « depuis un
temps infini » …etc ».
« Par cette transformation du temps et de l’espace, une stratégie narrative fantastique
s’amorce, les données du réel sont mises à mal, l’angoisse du personnage (et du lecteur) s’installe(nt).
»
-« Le vocabulaire employé participe également au sentiment d’ « étrangeté » qui est distillé dans le
texte ; les adjectifs qualificatifs choisis, par exemple, tous à connotation négative, instaurent un climat
malsain.
» « L’angoisse est directement palpable grâce au compte-rendu subjectif du personnage-narrateur.
»
-« Rendue par le « je narrateur », l’angoisse est contextuelle ; mais travaillée au niveau de l’auteur au-
delà de l’intrigue et du point de vue du « Je », elle émane également de la structure même du texte : Ainsi, il
y a manipulation du discours pour produire le sentiment d’angoisse et
d’ « étrangeté.
»
-« La ville se transforme en un gouffre noir et désert, vide de toute vie, de toute trace humaine exceptée
celle du « Je narrateur » ; le lecteur a l’impression de voir décrite une ville –fantôme ; le héros ressent alors
une joie « inconnue et bizarre », comme s’il n’était plus lui-même… ou comme s’il n’était plus que l’ombre
de lui-même.
»
- « Dès le début du texte, des détails préparent le lecteur à la crise finale, et du point de vue narratif,
ces détails forment une parfaite gradation respectant une stratégie narrative propre au fantastique.
Au fil du
texte, le lecteur s’aperçoit ainsi que l’égarement du personnage dans le dédale obscur des rues parisiennes se
double, en définitive, d’une perte de son propre Moi.
»(…) « Autour du héros s’est crée une atmosphère du
vide ; les lieux traversés sont désespérément déserts, les répétitions des négations « pas un » et l’utilisation
de la préposition restrictive « sans » marquent et soulignent l’absence ou la disparition des objets et des
êtres.
La fin du texte est totalement empreinte de cette atmosphère du néant … Le héros s’est perdu, effrayé
et fasciné par le néant rencontré au bout de son errance, qui correspond en fait au néant de son moi.
».
»
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