« LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE » : HUMANISME ET ESTHÉTIQUE
Publié le 30/03/2012
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la N.R.F. de 1919 à 1940
Si l'on en croit Jean Paulhan, l'ambassadeur allemand Abetz, arrivé à Paris en 1940 après les troupes d'occupation, déclara : « Il n'y a eu en France que trois puissances : les catholiques, le communisme et la N.R.F. Commençons par la N.R.F. « Et effectivement il s'en empara. C'est une chose étonnante de voir cette revue, conçue à l'origine pour s'opposer aux puissances établies de la littérature, devenir en peu de temps elle-même une sorte d'institution ; de voir comment, soucieuse de ne pas réduire le littéraire au politique et au social, elle s'est pourtant mêlée continuellement aux débats sur l'organisation de la société. La parution de la N.R.F. avait été interrompue pendant la Grande Guerre. Elle reprend par un numéro en date du 1er juin 1919, contenant un article du nouveau directeur, Jacques Rivière, qui définit les objectifs de la revue. En fait, Rivière déclare vouloir reprendre le programme des six fondateurs de 1909, c'est-à-dire favoriser le développement d'une création dégagée de toutes les chapelles littéraires, de leurs règles et de leur routine. Il s'agit pour lui, par une «critique intelligente«, d'affirmer l'indispensable indépendance de l'art....

«
204 HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE
soumettre à eux.
Il veut les affronter ; et sa conv1ct1on, appuyée par sa conversion religieuse des années de guerre,
est que l'homme n'est pas un simple produit de l'histoire, qu'on ne doit pas déduire son rôle des faits, mais qu'il faut au contraire agir de manière à accomplir l'idée qu'on se fait de lui.
Dans le domaine artistique, il veut donc une création totalement indépendante des fluctuations sociales ou politi ques.
Sur ce point, c'est un débat capital et passionné qui s'ouvre alors.
Jacques Rivière est d'autant plus ferme que l'unité de pensée est loin d'être acquise entre les anciens collaborateurs de la revue : la position de Michel Arnauld, de Jean Schlumberger ou d'Henri Ghéon fut alors sensiblement différente.
Mais c'est dans les milieux de l'Action française que la N.R.F.
trouva ses principaux adversaires.
Dans le
numéro de janvier 1920, Albert Thibaudet répond ainsi à un article paru dans La Minerve française du 15 novembre 1919 où Charles Maurras réclamait une mobilisation totale des
individus pour sauvegarder la liberté de chacun.
Cette mobilisation, Albert Thibaudet admet qu'elle est nécessaire en temps de guerre, mais il la refuse dans « l'état de paix officielle qui succède aujourd'hui à l'état de guerre officielle».
Et s'il défend si farouchement l'indépendance de l'esprit, c'est qu'il n'envisage pas le travail collectif autrement que comme la somme des travaux individuels.
Cette façon de voir, qui
oppose ici un collaborateur éminent de la N.R.F.
à l'homme de l'Action française, nous la retrouvons dans la méfiance que la revue entretient à l'égard des idées socialistes.
La N.R.F.
a compris dès cette époque que le monde entrait dans une
ère nouvelle dont un des principaux problèmes serait celui des rapports entre l'individuel et le collectif, que ces rapports pourraient se transformer bien vite en affrontement, dans lequel se trouverait impliquée l'idée qu'on se fait du métier de l'écrivain.
Rivière formule la question le 1"' mars 1920 : « L'intelligence est-elle bien particulier ou propriété sociale ? Est-elle la chose de l'individu en qui elle habite, peut-il en « user et abuser » à sa guise, ou au contraire la société
garde-t-elle sur elle certains droits, peut-elle la réquisitionner à son profit, exiger tout au moins qu'elle s'infléchisse dans le sens de l'intérêt général ? »
Ce problème des rapports de l'intellectuel et de la société s'est posé à la N.R.F.
pendant tout l'entre-deux guerres, en s'amplifiant même, et Jean Paulhan qui, à la mort de Jacques Rivière en 1925, eut la responsabilité de la revue
en tant que rédacteur en chef continua la politique de son.
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