La morale et l'amour, un mariage impossible avec le roman le diable au corps de raymond radiguet
Publié le 17/02/2023
Extrait du document
«
Pourquoi l’amour vrai et sincère est-il si difficile à vivre ? Pourquoi de nombreuses histoires
d’amour finissent mal ? Peut-on aimer une seule personne toute sa vie ? Peut-on aimer plusieurs
personnes en même temps ? Peut-on distinguer le sentiment de l’amour et l’amour charnel ?
Pourquoi les termes de tromperie, d’adultère sont-ils si souvent adossés à celui de l’amour ? C'est
que la morale refuse toutes les avances que lui fait l'amour ! Un mariage entre la morale et l'amour
semble donc impossible.
Mais pourquoi la morale ne peut-elle se résigner à épouser l'amour ? Et
pourquoi l’amour ne peut-il se résigner à épouser la morale ? Aimer est pourtant un sentiment pur et
beau, alors comment peut-t-il devenir quelque chose de mauvais, de contraire aux bonnes mœurs ?
Pour résoudre cette contradiction, il nous faudra, hormis un carnet et une bonne loupe, le
premier roman d’un écrivain mort à vingt ans, Raymond Radiguet : Le Diable au corps paru en
1923 sur lequel nous nous appuierons ! Ce roman se déroule en 1917.
Le narrateur s’éprend d’une
jeune femme, Marthe, dont le fiancé, Jacques, est au front.
Un amour fou, apparemment sincère et
absolu, naît entre les deux personnages.
Malgré des voisins circonspects et méfiants et des parents
désemparés, ils réussissent à vivre un amour passionnel et charnel.
Mais très vite, l'anxiété, la
cruauté inconsciente du narrateur l'empêche de vivre une aventure d’homme.
Son jeune âge, son
manque de maturité en sont assurément la cause.
La guerre s’achève, et avec elle les "quatre ans de
grandes vacances".
Marthe, enceinte du narrateur, meurt en mettant au monde leur enfant.
Ce
dernier restera la "seule raison de vivre" de Jacques, son mari.
Voyons d’abord si amour et morale
peuvent se conjuguer sur le plan individuel puis examinons si, quand, toute la société est engagée,
amour et morale sont réconciliables.
Individuellement, le narrateur et Marthe semblent pencher du côté de l’amour plus que de
celui de la morale, comme si ces deux concepts n’étaient guère conciliables.
D’ailleurs, ils ne
semblent éprouver aucun remords.
D'un côté le narrateur et Marthe semblent s’aimer avec passion, d'un amour sincère.
Ils ont
été la proie de l’amour et ils étaient sans arme pour se défendre face à lui.
En effet, l'amour,
l'inclination d'une personne pour une autre, est un choix qui n'est ni délibéré, ni contrôlé.
C’est une
force qui s'impose à soi.
L'amour s'affirme comme indépendant de tout discours rationnel ! On subit
l'amour on s'y abandonne totalement.
Ce sentiment si fort subsume donc toute morale par sa force et
son caractère incontrôlable.
Pensons à la scène ou les amants se retrouvent seuls dans la maison
natale de Marthe : ils ne se gênent « pas plus que des sauvages », se « promenant presque nus dans
le jardin » (p.
108.)
Le narrateur et Marthe sont-ils donc immoraux ? Les choses ne sont en réalité pas si simples
dans la mesure où l’amour est un sentiment qui échappe largement à la rationalité et aux règles
fondées sur la nécessité de s’accorder pour vivre en société.
Mais poussons plus avant cette
réflexion ! Marthe est déjà mariée… N’a-t-elle donc jamais cru aux liens du mariage ? A -t-elle
menti lorsqu’elle a épousé son mari pour le meilleur et pour le pire ? Ou croyait-elle en des valeurs
qui lui ont échappé lorsqu’elle a succombé au narrateur ? De fait, il est immoral d'aller à l'encontre
des valeurs auxquelles on croit.
Et c’est une chose d’éprouver une attirance pour une personne, mais
c’en est une autre de céder.
En cela, la relation de Marthe et du narrateur est immorale, car ils
auraient pu s’abstenir et résister à leur inclination mutuelle.
Pour autant ils se livrent totalement à
l’amour charnel.
En tant qu’êtres humains, ils disposent également d’une liberté de choisir, de
renoncer.
Or François et Marthe ne choisissent jamais complètement.
Et c’est surtout l’attitude de
Marthe qui interroge.
En effet, elle ne choisit jamais entre le narrateur et son mari.
Quant au
narrateur – et n’est-il pas en cela doublement immoral ? – c’est de l’amour de Marthe qu’il doute
tout au long....
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