La mise en cause du langage dans Fin de Partie de Samuel Beckett
Publié le 17/11/2011
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Ainsi, la langue de Beckett est une langue malade et suicidaire, dont le signifiant et le signifié ont volé en éclat et dont toute valeur dramaturgique s’est vue annulée par elle-même. Alors, quelle est la fonction du langage dans Fin de Partie ? Que nous apprend-il sur les personnages ? Cette attente d’une langue «vraisemblable« qu’une personne réelle ou ayant réellement existé pourrait prononcer, est typique du théâtre classique. Bien évidement, Beckett pulvérise cette langue «naturaliste«, les répliques de chacun des personnages ne connotent aucun milieu social particulier, aucune période historique précise, ni aucun espace géographique (bien que le «lac de Côme« soit cité, la langue de Nagg ne traduit pas d’accent milanais particulier). La langue de Hamm, Clov, Nell et Nagg est une langue de nulle part et de partout. Celle-ci est impersonnelle et floue : elle est la langue de tout le monde et de personne.

«
l'action se créée ex-nihilo : comme un pantin, Clov d'abord statique se meut mécaniquement.Le spectateur saisit directement qu'il a à faire à une pièce de théâtre dont il sera le témoinet non un participant catharsistique.
De plus, cette distanciation est renforcée par le jeumême des acteurs : la «voix blanche» précisée dès la première réplique de Clov, et dontBeckett était friand, est une parole totalement déshumanisée du fait de sa complèteatonalité.
Mais c'est surtout dans le sens des mots qu'il dynamite tout suspens envisagé parle spectateur ; le titre annonce déjà la fin, tout comme les premières paroles de Clov ditesen fixant le public : «fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir» (p.13).
Dès lespremières répliques, le spectateur est déjà conscient que la pièce qu'il voit n'est qu'undénouement dénué d'élément dramatique, comme le rappelle Hamm à la page 89, « La finest dans le commencement et cependant on continue.
» La parole chez Beckett ne fait pasavancer l'action (au sens théâtral du terme) car la pièce en est dénuée.
C'est le paradoxeintrinsèque au leitmotiv «ça avance» : le «ça» ici ne renvoie à rien de tangible, pourtantHamm, avatar du spectateur immobile sur son fauteuil, est le témoin d'une non-action quipiétine.
Ainsi la parole devient le média de l'aveu de sa propre inutilité dramaturgique.
Si lelangage en soi perd tout intérêt théâtral, Beckett procède-t-il tout de même à unethéâtralisation du langage ? Fin de partie est composée, à la manière d'une sonate, deplusieurs thèmes récurrents («exposition» en terme musical) entrecoupés de«développement» sous la forme d'épisodes, d' «histoires» que (se) content les différentspersonnages de la pièce.
Chacune de ces narrations (l'histoire du fou p.
60-61, l'histoire dumendiant p68-73 puis p.78-81, le roman de Hamm p.81 ...) est théâtralisée par lespersonnages, comme le montre les didascalies à propos du jeu de Nagg dans l'épisode dutailleur : «il prend un visage d'Anglais, reprend le sien» (p.34) ou «voix de tailleur» et «voixde raconteur» (p.35).
Néanmoins, par ce procédé de «théâtre dans le théâtre», Beckettparvient à remettre en question cette parole théâtralisée : « Je raconte mal.
(...) Je racontecette histoire de plus en plus mal.
» (p.35).
À travers cette autocritique, Beckett met encause le langage théâtral.
Mais le dramaturge va encore plus loin, lorsqu'au milieu de sapièce il détruit le bien-fondé de la parole théâtrale par elle-même, quand Hamm doit s'yprendre à quatre reprises pour ouvrir son récit (à partir de la page 68) : par ce balbutiement,Hamm nous ouvre les arcanes de la répétition théâtrale ainsi que celles de l'élaborationlittéraire, en montrant à son spectateur que l'expression dramatique est tout saufquotidienne et réaliste, elle n'est que pure création.
Après avoir détruit le Beau par lesymbole du tableau retourné, le Juste par la désespérante situation de ses personnages,Beckett finirt par anéantir l'idée du Vrai, essence du théâtre, dans la mise en lumière despropres failles de l'art dramatique et a fortiori, du langage.Ainsi, la langue de Beckett est une langue malade et suicidaire, dont le signifiant et lesignifié ont volé en éclat et dont toute valeur dramaturgique s'est vue annulée par elle-même.
Alors, quelle est la fonction du langage dans Fin de Partie ? Que nous apprend-il surles personnages ? Cette attente d'une langue «vraisemblable» qu'une personne réelle ouayant réellement existé pourrait prononcer, est typique du théâtre classique.
Bienévidement, Beckett pulvérise cette langue «naturaliste», les répliques de chacun despersonnages ne connotent aucun milieu social particulier, aucune période historique précise,ni aucun espace géographique (bien que le «lac de Côme» soit cité, la langue de Nagg netraduit pas d'accent milanais particulier).
La langue de Hamm, Clov, Nell et Nagg est unelangue de nulle part et de partout.
Celle-ci est impersonnelle et floue : elle est la langue detout le monde et de personne.
L'auteur irlandais se joue de son spectateur en composant unfrançais à la fois usuel et contemporain mais également obscur et parfois hermétique.
Eneffet, dans nombre de ses dialogues, Beckett, plus que suggestif, devient elliptique.
Desinformations manquent à la compréhension des certains dialogues et incitent donc lespectateur à faire de nombreuses hypothèses sur le sens réel des échanges verbaux despersonnages.
Cette obscurité sémantique se retrouve à de nombreux moments de l'oeuvre,comme dans le passage suivant l'histoire du fou racontée par Hamm (p.61).
Il conclut sonrécit par la phrase «Il faisait de la peinture.», Clov ajoute immédiatement : «Il y a deschoses terribles.» puis Hamm rétorque implacablement «Non non, il n'y en a plustellement.».
Quel est le sens réel de cet échange ? Que veut dire Hamm lorsqu'il placel'activité du peintre, déjà énoncée une page plus tôt, comme conclusion de l'épisode ?Différentes hypothèses viennent à l'esprit du spectateur : l'activité du peintre est-elle due àsa folie ? Ou au contraire, son art n'était-il pas une lutte contre sa folie ? Ou bien encore,cet instinct artistique échappe-t-il totalement à Hamm si bien qu'il prend pour lui un aspectexplicatif et justificatif de la totalité de l'épisode ? Finalement, ce «peintre fou» n'est-il pasune parabole de la situation présente de Hamm ? Et que penser de la réplique de Clov ;.
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