LA METTRIE Julien Offray de : sa vie et son oeuvre
Publié le 08/01/2019
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LA METTRIE Julien Offray de (1709-1751). Né à Saint-Malo, d’une famille de commerçants aisés, il fait ses études à Coutances, puis dans une institution de Jésuites à Caen. Ses parents le destinent à une carrière ecclésiastique, mais, à Paris, il abandonne la théologie et se tourne vers la médecine; en 1728, il se fait recevoir docteur à Reims. En 1733, il se rend à Leyde, où il suit à l’Université les leçons du célèbre iatromécanicien Boerhaave, qui professe que tous les processus vitaux se ramènent à des phénomènes physiques, et que les maladies proviennent de l’altération des solides et des humeurs. A son retour, il traduit plusieurs œuvres de son maître et publie des études médicales originales (Traité du vertige avec la description d'une catalepsie hystérique, 1737; Traité sur la dysenterie, 1739; Traité de la petite vérole, 1740; Observations de médecine pratique, 1743), en même temps qu’une série de pamphlets contre les médecins parisiens (Saint-Cosme vengé, 1744). Nommé, en 1742, médecin aux gardes-françaises, il participe au siège de Fribourg (1744). Atteint de fièvres, il a l’occasion de « s’apercevoir que la faculté de penser n’était qu’une suite de l’organisation de la machine » (Frédéric II, Éloge de La Mettrie) et il développera cette intuition fondamentale dans l’Histoire naturelle de l'âme (1745). L’ouvrage fait scandale, et La Mettrie doit quitter le régiment des gardes. Nommé médecin-chef des hôpitaux militaires du Nord, il publie un pamphlet, Politique du médecin de Machiavel ou le Chemin de la fortune ouvert aux médecins (1746), qui est condamné par le parlement, et il doit s’enfuir à Gand, puis à Leyde. C’est là qu’il compose et publie T Homme-machine (1747), son œuvre la plus célèbre, où il développe une anthropologie matérialiste. L’ouvrage connaît un grand succès, mais provoque la colère des dévots de Leyde, et La Mettrie, au début de 1748, part pour la Prusse, où l’appelle Frédéric IL II devient le lecteur préféré du roi et son ami. Maupertuis, qui dirige l’Académie de Berlin, le protège, mais Voltaire, jaloux, le dénigre. C’est en Prusse qu’il publie ses dernières œuvres, T Homme-Plante (1748), TAnti-Sénèque ou Discours sur le bonheur (1748), Réflexions philosophiques sur l'origine des
animaux (1750), les Animaux plus que machines (1750), le Système d'Épicure (1750), T Art de jouir (1751), Vénus métaphysique, essai sur l'origine de l’âme humaine (1751). Il meurt à quarante-deux ans, pour avoir mangé d’un pâté corrompu. « Il est mort comme il devait mourir », écrit Diderot, « victime de son intempérance et de sa folie; il s’est tué par ignorance de l’art qu’il professait ».
Ses Œuvres philosophiques, en trois volumes, ne connurent pas moins de dix éditions entre 1751 et 1796, mais son nom resta éclipsé par ceux de Condillac, Diderot, Helvétius, d’Holbach, dont les systèmes sensualistes ou matérialistes étaient cependant postérieurs au sien. Il fallut attendre Marx (la Sainte Famille, 1845) et surtout Albert Lange (Histoire du matérialisme, 1866) pour qu’une plus juste place lui fût faite dans l’histoire des idées scientifiques et philosophiques.
« Écrire en philosophe, c’est enseigner le matérialisme » j dès l’Histoire naturelle de l'âme, La Mettrie soutient sans concessions le point de vue matérialiste qu’il illustrera dans l'Homme-Machine. Celui qui se désigne lui-même comme M. Machine étend à l’homme l’explication mécaniste que Descartes réservait au seul animal : « Le corps humain est une horloge, mais immense et construite avec tant d’artifice et d’habileté que si la roue qui sert à marquer les secondes vient à s’arrêter, celle des minutes tourne et va toujours son train ». Les formes substantielles, l’âme sont des hypothèses inutiles pour expliquer la vie, le mouvement, la sensibilité, la pensée elle-même : « Posé le moindre principe de mouvement, les corps animés auront tout ce qui leur faut pour se mouvoir, sentir, penser, se repentir et se conduire, en un mot, dans le physique et dans le moral qui en dépend ».
Athée radical, disciple d’Épicure et de Lucrèce, La Mettrie, même s’il admet « ignorer comment la matière, d’inerte et simple, devient active et composée d’organes », refuse le finalisme et toute tentative de démontrer par le spectacle des merveilles de la nature l’existence d'un Dieu créateur et organisateur. Il n’y a pas à choisir entre le hasard et la finalité, et « détruire le hasard, ce n’est pas prouver l’existence d’un Être suprême, puisqu'il peut y avoir autre chose qui ne serait ni hasard, ni Dieu, je veux dire la nature ». Le simple jeu des forces naturelles suffit à expliquer tous les phénomènes : la nature, « ayant fait, sans voir, des yeux qui voient, elle a fait, sans penser, une machine qui pense ». La nature, d'autre part, est une, et l'Homme-Plante reprend dans un sens matérialiste l’idée leibnizienne de la chaîne des êtres. Il y a progression de la plante à l’homme, et tous les êtres vivants se forment selon un plan unique : « Le dernier ou le plus vil des animaux succède à la plus spirituelle des plantes ». Le Système d'Épicure reprend et développe les idées de Lucrèce sur l’élimination des individus mal formés et non viables et réserve la survie aux espèces « auxquelles aucune partie essentielle n’aura manqué ».
Comme chez d’Holbach, le matérialisme n’a pas seulement, chez La Mettrie, une fonction théorique; il a aussi une portée éthique. En débarrassant l’homme du spiritualisme théologique, en mettant fin au règne de la superstition, il lui permet d’être heureux : « La nature infectée d’un poison sacré reprendrait ses droits et sa pureté ». Mais, alors que d’Holbach fait de l’impératif matérialiste la condition première d’une reconstruction de la société sur des bases nouvelles, La Mettrie tire son naturalisme dans un sens individualiste et se fait l’apôtre d'une éthique hédoniste de la pure jouissance. Si « le plaisir est de l’essence de l’homme et de l'ordre de l’univers », s’il est « le maître souverain des hommes et des dieux, devant qui tout disparaît », l’homme, en tant qu’il est machine, est condamné au plaisir.
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