La littérature hongroise
Publié le 09/11/2018
Extrait du document
La Hongrie du XVIIe siècle vit une période agitée, peu propice aux réflexions esthétiques. le pays est divisé en trois. le Centre et le Sud, occupés par les Ottomans, sont coupés de la vie culturelle nationale. À l'est la Transylvanie, marquée par la culture protestante, parvient pour sa part à garder une certaine indépendance face aux sultans turcs. Au nord, la Hongrie dite \"royale\" passe peu à peu sous la domination des Habsbourg et de la Contre-Réforme. Dans ce contexte difficile, les écrivains sont d'abord des hommes d'Église et des nobles préoccupés par le destin national.
• Ainsi, le prédicateur Péter Pazmanyi (1570-1637) est convaincu que son pays devra son salut à une alliance avec des puissances catholiques.
• Mais le plus célèbre homme de lettres du baroque hongrois reste sans conteste Miklos Zrinyi (16201664). Aristocrate et militaire, il compose un célèbre poème épique ayant pour cadre la guerre contre les Turcs.
• À la même époque, deux autres nobles, Miklos Bethlen (1642-1716) et Ferenc Rakoczi (1676-1735), contribuent à enrichir la littérature hongroise par leurs travaux de mémorialistes.
• Il faut enfin souligner la bonne fortune des poésies orales inspirées par l'existence des kouroutz, bandits d'honneur de l'époque baroque. Ces œuvres anonymes pleines de verve seront recensées et publiées au siècle suivant.
UNE VOIX SINGULIÈRE EN EUROPE
Rappeler que langue et littérature sont indissociables peut paraître superflu, mais cette vérité est encore plus palpable en Hongrie qu'ailleurs. Si la littérature hongroise est sans conteste le produit d'une culture européenne, elle plonge ses racines dans une langue singulière, sans lien de parenté avec les autres idiomes du continent. le hongrois compte seulement quelques rares cousins éloignés, dont le finnois et l'estonien, avec lesquels il forme la famille finno-ougrienne.
Ajoutée aux aléas de l'histoire, cette particularité explique très largement les difficultés rencontrées par les écrivains nationaux pour se faire connaître à l'étranger. Pourtant comme le démontre le prix Nobel attribué en 2002 au Hongrois Imre Kertész, leurs écrits ont toute leur place parmi les chefs-d'œuvre de la littérature mondiale.
L'ÉPOQUE MÉDIÉVALE
En MARGE DU LATIN
Durant le siècle, après l'arrivée des Hongrois dans le bassin des Carpates, les souverains de Hongrie se convertissent au christianisme. Des traces de la culture nomade des tribus magyares - terme par lequel les Hongrois se désignent encore aujourd'hui - ont subsisté à travers les chants et les traditions populaires. Mais la langue s'est adaptée au modèle culturel occidental.
• le premier texte littéraire connu en langue hongroise est une oraison funèbre. Fait révélateur, elle est presque contemporaine de la première chronique historique magyare, rédigée en latin par un clerc de la cour du roi Béla III (11721196). Pendant quatre cents ans, la langue de Virgile règne presque sans partage. la Légende de sainte Marguerite, composée vers 1310, et la Complainte de Marie, quelque peu antérieure, sont presque seules à témoigner des qualités littéraires du hongrois médiéval.
«
UNE
CULTURE s'AfFIRME
A partir de 1867, la Hongrie trouve
un nouvel équilibre.
Cette année
est en effet celle de la signature
du compromis avec l'Autriche.
Après plus d'une décennie de
conflit politique larvé, l'empereur
François-Joseph accepte-enfin
d'accorder une large autonomie
aux Hongrois, qui administrent
dès lors la moitié de l'empire.
Promue au rang de capitale,
Budapest est portée sur les fonts
baptismaux en 1873 par la réunion
administrative des villes de Pest,
de Buda et d'6buda.
La cité connaît
alors un essor économique et culturel
sans précédent et fait très vite figure
de brillante rivale de Vienne.
Deux
romanciers traduisent les profonds
bouleversements de cette période
de transition.
• Kalman Mikszath (1847-1910),
membre de la petite noblesse
désargentée, publie des nouvelles,
des romans et des chroniques où
percent la critique amusée des classes
dirigeantes et la nostalgie pour des
traditions en voie de disparition.
• Ce même regret pour le " monde
d'hier » se retrouve dans les premiers
récits de Gyula Krûdy (1878-1933),
mais il prend ici une dimension
poétique et une envergure le plus
souvent absentes des écrits de Mikszath.
l'entrée de
la littérature
hongroise dans
le XX' siècle est
dominée par
le génie
ombrageux
d'EndreAdy
(1877-1919),
premier grand poète hongrois de la
modernité.
Après des études de droit, il
se lance dans le journalisme et suit son
amante, femme d'un riche commerçant
hongrois, à Paris, où il séjourne de 1904
à 1906.
Sans entrer en contact avec
les cercles intellectuels français, il se
nourrit de l'atmosphère de la Belle
Époque.
Publiés à son retour en
Hongrie, ses vers à l'atmosphère
automnale mêlent le style hiératique
des textes bibliques à celui de la poésie
symboliste.
Sa perception critique de
l'identité hongroise et sa vision sombre
de l'amour ne sont pas toujours bien
comprises de ses contemporains,
mais la nouveauté de son style
lui vaut la faveur des écrivains
de la jeune génération.
VERS LA MODERNITt
Parmi les plus fervents partisans d'Ady
se trouvent les membres de la revue
Nyugat («Occident»), dont le nom
révèle à lui seul le programme : il s'agit
d'ancrer la culture hongroise dans la
modernité naissante.
La revue parait
pour la première fois en 1908.
•
Le succès de cet équivalent hongrois
de la NRF doit beaucoup au flair de son
rédacteur en chef, Erna Osvat (1877-
1929).
Il ouvre largement ses colonnes
à la poésie.
Outre les œuvres d'Ady,
Osvat publie les vers de nouveaux
talents comme
Mih6/y Babils
(1883-1941)
ou Dezso
Kosztolanyi
(1885-1936).
La prose aussi
a droit de cité,
avec les romans
sociaux de Zsigmond M6ria (1879-
1942) -une nouveauté en Hongrie.
• En dépit d'inégalités sociales criantes
et de menaces de guerre de plus en
plus précises, la Hongrie vit un nouvel
âge d'or culturel.
Théâtre, architecture
et musique accompagnent cet élan.
La
littérature témoigne aussi de l'influence
de la psychanalyse, dont Budapest
devient la capitale, après Vienne, sous
l'impulsion de Sândor Ferenai (1873-
1933), disciple de Sigmund Freud.
D 'UNE GUERRE l'AUTRE
l'AVANT·GARDE La guerre mondiale bouleverse
l'équilibre politique de la monarchie
austro-hongroise.
En 1918, les peuples
s'émancipent les uns après les autres.
Les Hongrois proclament la république
fin octobre, mais sont confrontés à
la sécession des Slovaques, Roumains,
Serbes, Croates et Ukrainiens, qu'ils
administraient jusqu'alors.
Ne pouvant
empêcher le dépeçage du pays,
le régime s'effondre, en mars 1919,
et laisse la place à une éphémère
république des Conseils, avec
le communiste Béla Kun à sa tête.
Ces bouleversements accompagnent
et nourrissent les expériences
de l'avant-garde hongroise.
• Poète, peintre et théoricien,
Lajos Kassak (1887-1967) en est
le principal inspirateur.
li fonde la revue
moderniste Tett («l'Action »)en 1915,
remplacée l'année suivante par Ma
(«Aujourd'hui»).
L:activisme hongrois
se situe à la croisée du marxisme,
du surréalisme et de l'expressionnisme.
l'expérience est assez limitée dans
le temps.
Déjà traité de décadent par
Béla Kun, Kassak doit fuir le pays après
l'effondrement du pouvoir communiste.
DERNIERS FEUX
La république des Conseils s'effondre
à son tour en août 1919.
Soutenues
par les Alliés, inquiets de la contagion
communiste, les anciennes classes
dirigeantes reprennent le pouvoir.
La
Hongrie redevient une monarchie, avec
à sa tête le régent Horthy, qui institue
un régime autoritaire où l'opposition
dispose néanmoins d'une certaine
liberté d'expression.
Au traité de
Trianon, en 1920, le pays doit céder les
deux tiers de son territoire d'avant 1918.
En littérature, les talents qui avaient
fait leurs premiers pas avant-guerre
assurent la continuité avec l'éclosion
culturelle des années 1910.
• Krûdy tisse son œuvre nostalgique à
travers le destin d'un héros voyageur
dont le nom, Szindbad (Sindbad), est
emprunté aux Mille et Une Nuits.
• La revue Nyugat poursuit sa brillante
destinée.
En publiant coup sur coup
Alouette (1924) et Anna la Douce (1926),
Kosztolanyi signe deux chefs
d'œuvre du roman hongrois.
D'autres
talents se distinguent, dont Frigyes
Karinthy (1887-1938) chroniqueur
et romancier à l'humour ravageur,
et Milan Füst (1888-1967), poète
adepte du vers libre, dont le théâtre
et les œuvres en prose ne seront
reconnues que quarante ans plus tard.
• Avec la Légende de Pendragon et le
Voyageur au clair de lune, Antal Szerb
(1901-1945) teinte sa prose d'onirisme.
• Au même moment, Sandor Marai
(1900-1989) recueille ses premiers
succès avec des romans classiques,
mais teintés de critique sociale.
Ses
Confe ssions d'un bourgeois, premier
d'une longue série autobiographique,
paraissent en 1934.
• Avec ses essais Prae et Vers l'unique
métaphore, Mikl6s Szentkuthy (1908-
1988) inaugure une œuvre inclassable,
vaste réflexion philosophique sur
l'histoire.
NÉPIES ET URBANUS
En marge de cette floraison de talents
se développe un nouveau courant
littéraire et intellectuel, qualifié de
népies ou« populiste» (nép signifie
"peuple»).
Il prétend retrouver et
défendre les valeurs de la Hongrie
« authentique » -celle du peuple
des campagnes -, contre la Hongrie
supposée " dénaturée » par le mode
de vie urbain (urbànus).
Cette
opposition née du climat tendu des
années 1930 perdure aujourd'hui.
• La défense de la Hongrie traditionnelle
a pour tribune la revue Valasz
(« Réponse »), où s'expriment des
écrivains de talent comme Gyula Illyés
(1902-1983) et Lâszl6 Németh (1901-
1975).
Illyés fait sensation en publiant,
en 1936, Ceux des Pusztas, description
de la vie rude des métayers qu'il a
côtoyés dans son enfance.
Dans ses
romans, où il critique la société des
campagnes, Németh se démarque
quant à lui de ses prises de position
politiques.
UN MÉTÉORE
Mais l'époque est dominée par l'œuvre
d'un des plus grands poètes hongrois
du xX' siècle, Attila J6zsef (1905-1937).
l'enfance difficile de J6zsef va
déterminer son tempérament
mélancolique et sa sensibilité très
marquée pour les souffrances des
plus humbles.
Dès son premier recueil
poétique, publié en 1922 sous le titre
Le Mendiant de la beauté, il s'impose
par sa virtuosité.
Son œuvre verra se
succéder vers libres et décamètres
antiques, visions surréalistes et
ballades populaires, chansons et
chœurs parlés.
Dans les années 1930,
c'est l'inspiration sociale qui prend
le dessus.
Elle vaudra au poète d'être,
malgré lui, inclus dans le panthéon
des artistes marxistes, après 1945.
Dans les dernières années, Jôzsef
se bat contre ses démons intérieurs.
Il entreprend une analyse, dont son
recueil Cela fait mal (1936) est le
douloureux écho.
Il tombe dans la
dépression et se suicide en 1937.
LE NAUFRAGE D'UN MONDE
Dès la fin des années 1930, les plus
grandes figures de la génération Nyugat
s'éteignent une à une.
La revue cesse
sa parution en 1941, année de la mort de
son dernier directeur, Mihaly Babils,
et de l'entrée en guerre de la Hongrie
contre l'URSS.
En effet, dans l'espoir de
récupérer les territoires perdus en 1920,
le régent Horthy s'est rangé aux côtés
de l'Allemagne nazie.
Ce choix fatal
va précipiter le pays dans le chaos.
Le génocide des juifs hongrois
va marquer le point culminant du
cataclysme.
Le poète d'origine juive
Mikl6s Radn6ti (1909-1944) est la
figure emblématique de cette période
sombre.
Il meurt au cours d'une
marche forcée, organisée par les SS
pour évacuer le camp de Yougoslavie
où il a été déporté.
Plusieurs chefs
d'œuvre, retrouvés sur sa dépouille
dans un petit carnet, datent de cette
période de captivité.
• Imre Kertész (né en 1929) est
déporté en 1944 à Auschwitz.
Il fera
de cette terrible expérience la matière
de son œuvre littéraire, à partir
des années 1970.
• En 1945, Antal Szerb meurt
en déportation.
DERRIÉRE LE RIDEAU DE FER
CENSURE ET COMPROMIS
Après le terrible siège de Budapest,
durant l'hiver 1944-1945, le pays
détruit est occupé par les Soviétiques.
Le court intermède démocratique
qui s'ouvre alors va constituer
une page singulièrement féconde
de la vie poétique hongroise.
· Sandor Wetires (1912-1989) témoigne
des espoirs nés de la fin de la guerre.
• lanas Pilinszky (1921-1981) et Agnes
Nemes Nagy (1921-1991) publient
leurs premiers poèmes, en privilégiant
l'interrogation métaphysique et
les formes courtes.
Mais, après 1948, la chape de plomb
du stalinisme s'abat sur le pays.
Plusieurs écrivains, tel Sandor Marai,
choisissent l'exil.
Les autres se taisent
ou se plient aux exigences du réalisme
socialiste, dont
J6zsef Révai
(1898-1959) est
le théoricien.
Son étroitesse
d'esprit
contraste avec
la pensée du
philosophe
marxiste Cyiirgy Luk6cs (1885-1971),
progressivement mis à l'écart par le
régime.
Mais, sous l'étouffoir, la révolte
gronde.
La révolution de 1956 secoue
l'édifice et, malgré l'écrasement des
insurgés par l'armée soviétique,
le régime finit par se libéraliser.
Mnos Kadar, nouveau « maitre »
du pays, conclut un compromis tacite
avec les intellectuels et les artistes :
moyennant le respect de certains
tabous, la liberté de création est tolérée.
• Gyula Illyés, personnalité majeure
du mouvement populiste, et Tibor
Déry (1894-1977), surréaliste rallié
au socialisme, font alors figure
d'écrivains officiels.
• Magda Szab6 (née en 1917) tisse son
œuvre de romancière, à
la psychologie travaillée.
• lstvan Orkény (1912-1979), maitre
de l'absurde, Ottlik Géza (1912-1990),
initiateur d'une forme de" nouveau
roman », et Mikl6s Mésztily (1921-
2001), chantre de l'individu seul face
au monde, témoignent des nouvelles
tendances de la prose.
JEUNES TALENTS
Les dernières décennies du régime
Kildar voient l'émergence de jeunes
talents.
• Gytirgy Konrad (né en 1933) publie
en 1969 son roman Le Visiteur, critique
à peine voilée du système socialiste.
Passé franchement à la dissidence,
il sera interdit de pub lication de 1978
à 1988.
• Considéré comme le représentant
emblématique du mouvement
postmoderne, Péter Esterhazy (né
en 1950) se distingue par sa langue,
où se mêlent avec brio jeux de mots,
allusions et calembours, parfois
empruntés à l'argot des villes.
• Avec son Livre des mémoires,
Péter N6das (né en 1942) signe
en 1986 une œuvre étonnante à trois
voies ou se mêlent thèmes historiques,
réflexion sur l'écriture et autobiographie.
En Hongrie, la transition va s'opérer
sans heurts, avec la contribution active
des intellectuels.
Le régime socialiste
s'autodissout, et un vent de liberté
souffle sur le pays.
On peut à nouveau
lire les auteurs mis à l'index comme
Marai ou Konrad.
Mais la disparition
des anciennes structures d'État
désorganise la vie culturelle.
Le monde
d e l'édition ne retrouve une certaine
stabilité qu'au milieu des années 1990.
l'ouverture des frontières assure une
meilleure diffusion de la littérature
hongroise à l'étranger.
• Avec sa fresque autobiographique,
Harmonia Ciflestis, Péter Esterhazy
conquiert un nouveau public en Europe.
• Magda Szab6 connaît un regain de
succès en France.
Son roman La Porte
lui vaut ainsi le prix Femina étranger
en 2003.
• À peine un an plus tôt, Imre Kertész
reçoit le prix Nobel de littérature pour
l'ensemble de son œuvre.
Être sans
destin, récit de sa déportation, est
porté à l'écran en 2005.
PROSODIE LATINE
l'existence en hongrois de voyelles
longues (accentuées) et courtes (sans
accents) permet aux poètes magyars
de reproduire exactement le rythme
scandé (prosodie) propre aux vers
latins.
D'abord utilisées en traduction,
ces formes très anciennes se sont
perpétuées jusque dans la poèsie
contemporaine ; on en trouve
notamment des exemples chez
Attila J6zsef..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La littérature hongroise (Exposé – Art & Littérature – Collège/Lycée)
- hongroise, littérature.
- La littérature hongroise
- La littérature hongroise - Littérature & Hongrie
- Histoire de la littérature hongroise : Littérature et Hongrie