La littérature du Moyen-Age
Publié le 10/11/2018
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La plus célèbre chanson de ce cycle est la Geste de Guillaume (1088) qui relate, avec un réalisme violent et un lyrisme saisissant les péripéties de trois batailles livrées par le comte contre le païen Deramed.
• Tout aussi renommé est le cycle des Barons révoltés. Ici, les « héros », victimes d'une injure grave, se rebellent contre l'autorité de leur suzerain, s'engageant dans d'interminables conflits féodaux. Parmi les chansons le plus célèbres de ce cycle figurent celle de Gormont et lsembart (1088), qui relate les combats, aux côtés des Sarrasins, d'un chevalier chrétien renégat ou encore celle de Raoul de Cambrai (v. 1150).
• Si de terribles forfaits y sont dépeints, toutes ces « récitations » parlent de rédemption et d'expiation.
• Les croisades constituent une autre source d'inspiration. Le sujet est parfois traité avec un relatif souci d'exactitude, comme dans la Chanson de Jérusalem (1181) ; d'autres récits multiplient les épisodes les plus extraordinaires, comme les textes consacrés à Godefroy de Bouillon tel le Chevalier au cygne (1355).
• Au fil du temps, la chanson de geste évolue. Les aventures merveilleuses teintées de surnaturel et d'exotisme l'emportent progressivement sur les combats contre les Sarrasins. Il en est ainsi de Huon de Bordeaux (v. 1250).
• L'influence de la chanson de geste s'étend jusqu'en Scandinavie où elle inspire la Saga d'Olaf (1180), ainsi qu'en Allemagne où elle sert de modèle au Nibelungenlied (1190) qui relate la vengeance de Kriemhild, épouse de Siegfried, sur ses propres frères.
• Grâce aux traductions et aux adaptations, la matière de France résonne ainsi à travers toute l'Europe. Des versions franco-italiennes sont colportées en Lombardie et à Venise, comme 1 Reali di Fronda d'Andrea da Barberine (1370-1431 ). Et les romanceros espagnols l'incluent dans leur vaste répertoire.
Entre héroïsme ET COURTOISIE
De la traduction de textes religieux écrits en latin à la production de romans en prose, la littérature parcourt durant le Moyen Âge un long périple qui voit naître de nombreux genres, de la chanson de geste à la farce en passant par la poésie lyrique courtoise et l'adaptation des mythes antiques.
LA LITTÉRATURE MÉDIÉVALE
DU LATIN A LA LANGUE VULGAIRE
• L'Occident médiéval est plurilingue. Le latin, les langues vulgaires et les dialectes locaux, diversement parlés, cohabitent.
• Le latin, qui est la langue du pouvoir et de la religion, n'est écrit lu et parlé que par les ecclésiastiques et les clercs.
• Afin de rendre certaines œuvres pieuses - sermons ou hagiographies de saints - accessibles à un vaste public, ces textes sont traduits en langues vulgaires.
• Ainsi dans un premier temps, « mettre en roman » signifie traduire en langue vulgaire, c'est-à-dire en langue« romane»,à l'exemple de la Cantilène de Sainte Eulalie (880), l'un des récits les plus anciens transcrits en roman.
• Avec la Vie de saint Alexis (1040), une étape importante est franchie. Il ne s'agit plus d'une simple traduction mais d'une adaptation. Si la langue est encore austère et raide, l'œuvre est tout au moins rédigée en vers régulièrement rythmés et césurés.
La LittéRATURE ORALE
• En raison de l'illettrisme quasi général, qui touche également bon nombre de nobles, la littérature médiévale est d'abord orale.
• Cette tradition multiséculaire, qui s'exprime en langue vulgaire ou en dialecte local, totalement indépendante de la littérature des clercs, relève du récit épique comme de la chanson sentimentale.
• « Conter » provient du latin computare qui a aussi donné « compter » et qui signifie « énumérer » puis, par extension, « énumérer les épisodes d'un récit ».
• Voué à la simple distraction, le conte, chanté ou récité, est diffusé par le « jongleur », à la fois narrateur et musicien. Celui-ci se produit sur des tréteaux de fortune, dans les villes et les bourgs, sur les routes très fréquentées des pèlerinages ou à la cour des seigneurs.
• Le jongleur n'est en principe que le porte-parole d'un récit écrit, recopié puis appris en vue d'être récité. Mais il lui arrive de prolonger ou de remanier ce récit
«
L'ART
DES TliOUVhES
• Les poètes des pays de langue d'o"1l
- situés au nord de la Loire -imitent
les troubadours introduits à la cour par
Aliénor d'Aquitaine, épouse de Louis VIl,
puis d'Henri Il Plantagenêt lis leur
empruntent leurs sujets et leurs formes
-l a grande chanson courtoise
en cinq strophes.
• Le premier foyer courtois important
dans le Nord naît sous l'impulsion
de T11i1Hrut IV, comte de Champagne
(1201-1253), 1equel chante de façon
systématique « sa douleur d'aimer et sa
soumission pleine et entière à sa dame »
ainsi qu'en témoigne Je suis pareil
à la licorne ...
son texte, le plus connu.
• Très vite le répertoire des trouvères
se diversifie, s'enrichissant de ballades,
de rondeaux et de pastourelles.
Il se
démarque de celui des troubadours par
la floraison des « chansons de toile »,
forme courtoise mettant en scène une
jeune femme qui évoque celui qu'elle
aime en filant sa quenouille, comme
la Belle Yolande.
• La courtoisie des trouvères met l'accent
sur la « mesure », la modération.
Son
accompagnement musical lui confère
un rythme qui se rapproche de celui
de la chanson folklorique.
LE Ro /IIAN DE LA RoSE
• Résumant à lui seul toute l'aventure
de la courtoisie, le Roman de la Rose se
présente comme un poème allégorique
composé de deux parties distinctes
rédigées en octosyllabes par deux poètes
de tempéraments opposés.
• La première (v.
1230), écrite par
Guillaume de Lorris {1200/1210-
apr.
1240) offre un« Arl d'11imer »
courtois- Il décrit dans le cadre fictif
d'un songe la tentative d'un amant
pour s'emparer de l'objet aimé,
symbolisé par une rose.
• La seconde partie (v.
1275), dite
« le Miroir aux amoureux », est signée
Jean de Meung (v.
124Q-v.
1305).
Il s'agit
pour l'essentiel d'une encyclopédie
des connaissances et d'une satire
de la société de l'époque.
·À la différence de longueur
- 4 058 vers pour la première, 17 723
pour la seconde -et aux décennies
qui séparent les deux textes s'ajoute
une opposition de ton et de dessein.
La première partie, poétique et allusive,
exalte la force du désir et son
inassouvissement.
La seconde partie,
érudite et digressive, est le produit type
de l'esprit scolastique.
La raison y joue
un rôle plus grand que l'amour et le
mythe de la rose s'achève en
démystification de la courtoisie.
HOIS
DE fiiANCE
• Influencés par les troubadours et les
trouvères, les minnesangers- poètes
courtois allemands -offrent une
interprétation originale du semee
d'amour, marquant une préférence
pour les bergères et illustrant volontiers
la hardiesse de la femme qui sollicite
l'amour du bien-aimé trop réservé.
Ils forgent un style musical particulier,
syllabique et scandé.
• Le poète Tannhauser (v.
1200-v.
1268)
se distingue de cette école par ses
parodies et ses chansons à danser.
• En Italie émerge le « dolce stil nuovo »
-l e « doux style nouveau » -qui, dans
la lignée du poème courtois, exalte un
amour pur, sublimé, quasi mystique.
Cette forme littéraire trouve son plein
épanouissement avec la Vito nuova
(1292-1294), de
Dante Alighieri
(1265-1321),
puis dans
le Canzoniere
{1347) de
Ntl'llrque (1304-1374),
qui annoncent
la Renaissance.
LE MOYEN ÂGE CHEVALERESQUE
• t:aventure chevaleresque se définit
comme une« quête »-une recherche -
dont l'objet peut varier -la dame, la
vérité, le salut -, mais dont le parcours
emprunte souvent les mêmes voies.
La
quête est parsemée d'épreuves qui sont
autant de rites initiatiques permettant
au chevalier de prouver sa valeur.
• t:esprit de la chevalerie s1ncarne
au Moyen Âge dans deux mythes
fondamentaux, celui de Tristan et Iseut
et celui du Graal.
ainsi que dans
l'œuvre modèle de Chrétien de Troyes.
• D'origine celtique, la légende de
Tristan et Iseut développe le thème
de la passion fatale et irrationnelle,
plus forte que les contraintes sociales
et morales.
Victimes d'un philtre
m11gique, Tristan, neveu du roi Marc,
et Iseut la Blonde, promise au souverain,
se trouvent unis par un amour irrésistible
et éternel qui les rend coupables
d'un quasi-adultère.
• Ce grand mythe européen acquiert
une forme littéraire grâce aux brefs
récits de Marie de France (1154-1189)
réunis dans le Lai du chevrefeuille
(v.
1160) et aux deux romans incomplets
de Béroul et de Thomas d'Angleterre,
deux poètes du Xli' siècle.
• Le roman (1150-1195) de Béroul
se rattache à la tradition commune,
considérée comme plus proche de
la légende originelle.
Celui (117Q-1190)
de Thomas relève de la tradition
courtoise.
La différence entre les deux
poèmes réside dans la durée du philtre :
dans le premier, son effet est réduit à
trois ans ; chez le second, le breuvage
lie à jamais les deux protagonistes.
CHRtT!EN
DE TROYES
• Considéré comme le premier
« romancier » médiéval.
Chrétien
de Troyes (v.
1135-v.
1183) puise
son inspiration dans la • matière
de Bretagne », mais les mœurs
qu'il évoque sont celles d'une société
courtoise.
Ses héros sont donc partagés
entre l'amour et l'aventure.
• t:« aventure », qui jusque-là signifiait
« ce qui advient » du fait du sort.
prend
avec Chrétien de Troyes le sens
d'« épreuve », mettant en valeur le
sentiment héroïque de la vie.
Écrits en
octosyllabes, le Chevalier à la charrette
(1179), 1e Chevalier au lion (1180) et le
conte du Graal {1181) mettent en scène
Lancelot, Yvain et Perceval.
des héros
solitaires évoluant dans un monde agité
de passions et soumis à des sortilèges.
Ceux-ci viendront à bout de ces
malédictions par leur courage et
leur vertu et pour le bien de tous.
· S'efforçant de résoudre, tout au long
de son œuvre, l'antinomie entre l'amour
courtois, adultère par principe, et
la morale chrétienne qui réprouve
ce péché, Chrétien de Troyes propose
une conception de l'amour fondé, non
sur la fatalité comme dans le mythe
de Tristan, mais sur la volonté libre.
• En évoquant pour la première fois
le Grt1t1/, « objet mystérieux orné de
pierres précieuses », Chrétien de Troy es
passe de la courtoisie profane à une
courtoisie imprégnée de spiritualité.
Ainsi la quête du Graal, aventure
chevaleresque par excellence, trouve
tout son sens dans l'ascèse mystique,
sublimant la conquête de la dame.
LE MOYEN ÂGE CARNAVALESQUE
• Parallèlement aux aspirations
spirituelles et aux valeurs courtoises,
s'érige, au sein de la littérature
bourgeoise et populaire, un anti-monde.
Ce dernier exprime le désir de mettre
sens dessus dessous les hiérarchies et
d'échapper aux contraintes matérielles.
Il se traduit par le rire, énorme ou acerbe,
et prend les formes de la parodie.
LA sAniE
• l'originalité des conteurs des Xli' et
Xlii' siècles réside dans l'Invention d'une
société animale, organisée sur le modèle
féodal et régie par les mêmes passions
que le monde humain.
Cette société
leur permet de dépeindre les vices,
les travers et le ridicule des hommes.
• La plus fameuse de ces satires est
le Roman de Renart, composé de
29 petits poèmes indépendants appelés
« branches ».
Les plus anciens textes
- une quinzaine -, réunis au début du
Xlii' siècle, sont écrits entre 1170 et 1205.
·Au croisement de la légèreté de la fable
et de la verdeur des contes populaires,
Renart n'est tout d'abord que le rusé
goupil, auteur de mauvais tours
aux dépens d'Ysengrin le loup.
• Le roman se transforme bientôt en
critique virulente et amère de l'ordre
du monde : Renart devient un vassal
frondeur à la cour du roi Noble, le lion.
• Les prolongements au Roman feront
de Renart le Bestourné (v.
1265) de Rutebeuf,
Renart le Novel (v.
1288)
de Jacquemart Gielée et de Renart
le Contrefait (anonyme ; apr.
1325)
les héros d'un monde de convoitise,
d'hypocrisie et de corruption.
r:l!�I:OIE-.0..,.-:i� •
La conjonction
entre la satire
et l'allégorie
aboutit au
RH1t111de Fflflftl (v.
1310)
de Gervais du
Bus.
À travers
le cheval ...., ..
-.Hit' .
..,.
Fauvel, maître
du monde, l'auteur dresse un portrait
des caractères sociaux de son temps.
LE FABUAU
• Récit bref ou de faible ampleur -de
50 à 1 500 vers -, écrit en octosyllabes
et relatant une aventure unique, le fabliau
se caractérise par un fond burlesque,
un langage souvent cru, des quiproquos
phoniques et des jeux de mots.
• Lié à la tradition orale, le fabliau est un
genre tardif : les premiers écrits en langue
vulgaire datent du début du Xlii' siècle.
• La plupart des fabliaux exploitent le
thème de l'amour dans une tonalité qui
va de la badinerie à l'érotisme le plus
cru.
Le jeune clerc et le chevalier y ont
le beau rôle ; le mari, la bourgeoise
cupide et le curé paillard y sont bernés ;
les querelles de ménage abondent
LA FARCE
• Issue en droite ligne du fabliau, la farce
repose sur les effets comiques qui sont
encore renforcés par les mimiques
des jongleurs.
Son but est de faire rire.
• Ces petits textes dialogués traitent
principalement d'un thème : les malheurs
conjugaux et la ruse féminine.
Ainsi la
Farce du Cuvier (milieu du xv' siècle)
constitue une habile variation du thème
de la «femme qui porte la culotte ».
• Considérée comme la première
comédie de mœurs en langue
française, la Farce de Maitre Pathelin
(v.
1465) met en scène le marchand
volé et l'avocat pris à son propre jeu.
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