La littérature de la Rome antique
Publié le 21/05/2012
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CET ordre, nous le trouvons rétabli à partir du Principat d'Octave, et le premier moment d' apaisement que son pouvoir apporte à Rome coïncide avec l'âge d'or du classicisme latin. C'est le temps de Virgile, d'Horace, de Tite-Live, écrivains officiels, «engagés « dirions-nous, au service d'un chef dont ils glorifient l'oeuvre de reconstruction nationale, tout en sachant, en dépit des directives officielles et des exigences du mécénat, demeurer eux-mêmes non seulement par leur conscience artistique et le respect de leur personnalité, mais aussi et surtout grâce à la conviction profonde qu'ils ont de servir une grande cause et de faire justement éclater aux yeux du monde la primauté de l'idéal romain. Et c'est là tout le miracle de leur réussite : les poèmes champêtres et l'Enéide de Virgile, ...
«
tenu de quelques essais postérieurs, aucune œuvre de qualité, ni serzeuse ni comique, n'apparut plus
sur la scène latine.
Peut-être chez ce peuple essentiellement acteur qu'était le peuple romain, passionné
de mouvement et de spectacle, le drame faisait-il trop partie de la vie et de la pensée quotidiennes pour
avoir besoin de se fixer dans les limites d'un genre particulier.
Il n'en faut pas moins regretter que
les formes extérieures du spectacle l'aient emporté très tôt sur l'esprit dramatique, et que le théâtre
romain ait fini par se réduire aux parades, plus ou moins vulgaires, du mime, du ballet et des jeux
de l'amphithéâtre.
CETTE tendance au drame, ainsi faussée dans son évolution par le goût de la pompe et des grands
effets, n'était qu'un des aspects du tempérament romain.
Il en est un autre, tout aussi vivace, qui va
continuer de se manifester dans l'histoire des lettres latines, à partir surtout de ce qu'il est convenu
d'appeler « l'époque cicéronienne » - une période de soixante années environ qui coïncide à peu
près avec la vie de Cicéron -; nous voulons parler de la propension des Latins à cerner la réalité
humaine dans ses manifestations les plus concrètes, individuelles et sociales.
Si l'on s'accorde, en
effet, à reconnaître que les Grecs triomphent par l'ampleur de l'imagination métaphysique et la
richesse des « révélations » touchant l'universelle condition de l'homme, il est non moins certain
que l'humanisme romain, tout pénétré de bon sens et d'intelligence pratique, attentif aux aspects les
plus quotidiens de l'existence, en perpétuelle défiance envers tout ce qui offusque la saine raison,
lui apporte un complément précieux.
Ce goût de l'humain, saisi directement dans sa réalité, marque
prcifondément une œuvre comme celle de Lucrèce.
Résolument non-conformiste, dédaigneux, au milieu
même des bouleversements nationaux, de tout ce qui n'est pas la pensée d'Epicure de qui ils 'institue
l'évangéliste,
Lucrèce, dans son De Rerum Natura, en même temps qu'il inaugure à Rome la
poésie de la connaissance, offre à l'admiration d'une longue postérité une œuvre magistrale orchestrée
sur le thème pathétique de la nature et du destin de l'Homme dont il montre, avant Pascal, avant
Vigny, avant les pessimistes modernes, la misère originelle et la grandeur de victime lucide au sein
d'un Univers qui l'écrase.
A côté de ces « illuminations de génie » - le mot est de Cicéron -
l'œuvre de Catulle, son contemporain, peut paraître légère, mais, outre que Catulle complète l'apport
lucrétien par une conception plus savante et plus souple de la forme poétique, observant jusque dans
l'injure et le cynisme l'élégance de ses maîtres alexandrins, il se place à l'origine d'une autre tradition,
celle de la poésie amoureuse dont il apprcifondit les thèmes avec une passion et une clairvoyance dont
Horace et les élégiaques feront largement leur profit.
De ces deux écrivains date le véritable
avènement de la poésie latine.
On a signalé avec raison que Catulle est déjà un classique par l'aisance avec laquelle il
associe l'imitation étrangère à des qualités toutes romaines.
De ce même équilibre, comme aussi de la
permanence des caractères de l'intelligence nationale et de la souple résistance qu'elle oppose d'abord
aux nouveautés pour les mieux saisir ensuite et en faire son bien, Cicéron demeure l'exemple le
plus illustre.
Nourri de lettres grecques, admirateur des Grecs dans tous les domaines de la pensée,
il achève à lui seul avec une étonnante puissance de travail -il fut tout ensemble orateur, philosophe,
rhéteur, épistolier, homme politique et poète -d'assimiler et de renouveler le meilleur de la pensée
grecque, sans jamais abdiquer ses vertus natives de bourgeois italien.
Car il représente à merveille le
type du roman us homo, à la fois raisonneur et pratique, souple et tenace, vif à saisir toutes les
formes de pensée, mieux fait pour adapter et vulgariser que pour créer, moins apte à vraiment philo
sopher qu'à manier des idées, et sans jamais perdre de vue la réalité prochaine, attaché à l'idéal
humaniste et à ses valeurs universelles, mais d'abord citoyen et mainteneur obstiné des valeurs ances
trales.
Ainsi doué, il domine son époque et il incarne paifaitement, sur le plan historique, la réaction
d'une société qui, parmi la débâcle de ses impératifs traditionnels, s'efforce de sauvegarder les données.
»
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