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LA LANGUE FRANÇAISE AU XVIIe SIÈCLE

Publié le 02/06/2012

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Les métaphores du langage précieux ne sont pas des« images«, au sens exact du mot, des réveils de sensations, mais des façons spirituelles de donner à deviner des idées. Elles ne mettent en jeu que l'esprit : ce sont, à vrai dire, non des visions, mais des rébus. Telles sont les expressions citées par Somaize : avoir un oeuf cache sous la cendre, pour dire avoir de l'esprit et n'en avoir pas la clef; il me semble, monsieur, que vous avez des quittances d'amour, pour dire des cheveux gris. Le propre ici de la préciosité consiste à ne "Concevoir d'autre supériorité dans l'usage des mots que de détourner ou de compliquer l'expression : ce qui suppose la subtilité de l'esprit et chez celui qui parle et chez celui qui écoute. Pour tous les esprits qui ne sont pas artistes, en dehors de la précision scientifique, la beauté du style ne peut consister qu'à excercer l'intelligence par la désignation indirecte de l'objet, ou la désignation simultanée de plusieurs objets. Il y a là, dans le langage précieux, une tendance que le goîtt italien alors à la mode fortifie, mais qui, du reste, est contraire à l'esprit général du siècle : car elle encourage la. fantaisie individuelle. Aussi cédera-t-elle bientôt, et le parler métaphorique sera vite ridicule...

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« signes abstraits des idées: et voilà pourquoi, en affinant la langue, ils l'ont rendue plus froide et moins pittoresque.

Comme ils fai­ saient métier de démêler, d'analyser la nature et les nuances des sentiments, ils s'occupèrent de préciser les sens des mots, d'en déli­ miter l'extension, de séparer ceux qui étaient voisins et semblaient se confondre.

Ils enrichirent ainsi la langue en la rendant plus hété­ rogène, en appliquant à des fonctions spéciales les termes qui, jusque-là, se remplaçaient à peu près indifféremment : les syno­ nymes reçurent des propriétés diverses, et l'on prépara ainsi de fins - instruments pour enregistrer la flnesse des pensées.

Mais dans tout système de signes, c'est un avantage de n'en avoir pas plus qu'il ne faut, à condition que la valeur de chacun soit constante et bien définie; il importe aussi qu'on n'emploiejamai~ que des signes connus et convenus.

De là vint qu'on ne regarda point à mettre nombre de mots en réforme; et le développement de l'énergie expressive des signes ne fit que compenser la notable réduction du matériel de la langue.

Pour alléger la phrase, on la débarrassa de l'échafaudage logique qui l'étayait; les idées se lièrent par elles­ mêmes, se subordçmnêrent par leur ordre de présentation; et l'on rebuta des termes de liaison, conjonctions et locutions conjonctives.

Deux causes surtout appauvrirent la langue à l'époque précieuse.

Le monde, par raison et par mode, s'affranchissait de la tradition ancienne et ne reconnaissait que l'usage actuel : ainsi tout terme suranné était absolument proscrit; il ne restait plus à la disposition de l'individu à qui il plaisait de l'utiliser.

Puis le monde, par sa composition, fit souveraine la langue de la cour : le vocabulaire du courtisan fut le vocabulaire des honnêtes gens, et les vocabulaires des métiers, tous les termes professionnels et techniques, leur furent interdits.

Le résultat de ce travail fut un système de signes réduits au nombre minimum, mais merveilleusement précis, clairs, aptes à fou mir une infinité de combinaisons; et la qualité du style sera précisément équivalente à la valeur intellectuelle de ces combi­ naisons.

Celles que les précieux tentèrent furent parfois heureuses; on leur doit des locutions telles que : avoir l'âme sombre, être d'une vertu severe ou commode, dire des inutilités, perdre son sérieux, fen­ dre la presse, être brouillé avec le bon sens, faire ou laisser mourir la conversation, faire figure dans le monde, etc.

La réforme de l'orthographe que certains précieux ont entreprise est une conséquence du même esprit :s'il s'agit de faciliter l'usage et d'augmenter la clarté, rien de mieux que simplifier l'ortho­ graphe, et de la réduire à la prononciation actuelle.

Les lettres parasites tombent; on écrim tnc pour teste, auteur pour autheur, parêt pour paroist, indontable pour indomptable, acomode pour. »

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