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La grive de Montboissier, Chateaubriand [Commentaire Composé]

Publié le 18/11/2011

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chateaubriand

 

Texte étudié

Montboissier, Juillet 1817 Hier au soir je me promenais seul ; le ciel ressemblait à un ciel d'automne ; un vent froid soufflait par intervalles. A la percée d'un fourré, je m'arrêtai pour regarder le soleil : il s'enfonçait dans des nuages au-dessus de la tour d'Alluye, d'où Gabrielle, habitante de cette tour, avait vu comme moi le soleil se coucher il y a deux cents ans. Que sont devenus Henri et Gabrielle ? Ce que je serai devenu quand ces Mémoires seront publiés. Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d'une grive perchée sur la plus haute branche d'un bouleau. A l'instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel. J'oubliai les catastrophes dont je venais d'être le témoin, et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où j'entendis si souvent siffler la grive. Quand je l'écoutais alors, j'étais triste de même qu'aujourd'hui. Mais cette première tristesse était celle qui naît d'un désir vague de bonheur, lorsqu'on est sans expérience ; la tristesse que j'éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l'oiseau dans les bois de Combourg m'entretenait d'une félicité que je croyais atteindre ; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable. Je n'ai plus rien à apprendre, j'ai marché plus vite qu'un autre, et j'ai fait le tour de la vie. Les heures fuient et m'entraînent ; je n'ai pas même la certitude de pouvoir achever ces Mémoires. Dans combien de lieux ai-je déjà commencé à les écrire, et dans quel lieu les finirai-je ? Combien de temps me promènerai-je au bord des bois ? Mettons à profit le peu d'instants qui me restent ; hâtons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que j'y touche encore : le navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchanté, écrit son journal à la vue de la terre qui s'éloigne et qui va bientôt disparaître.

INTRODUCTION : Chateaubriand est un auteur qui a vécu à cheval entre la fin du XVIIIème siècle et la première moitié du XIXème siècle. Il a connu la chute de la Monarchie, la Restauration... Et les débuts du romantisme, avec une de ses premières œuvres intitulée Le Génie du Christianisme, œuvre parue en 1802 (clin d’œil à l’histoire littéraire car il s’agit de la date de naissance de Victor Hugo qui sera le chef de file de ce mouvement). Son œuvre fondamentale est Mémoires d’outre-tombe, un projet autobiographique qui s’est étalé sur quarante ans. Le titre connote le projet d’une certaine immortalité, avec un souvenir au-delà de la mort (début de la rédaction des mémoires en 1809, publication posthume). Ce passage de la grive de Montboissier est hautement romantique. Chateaubriand entend le chant d’une grive qui est pour lui comme une réminiscence et lui rappelle son enfance à Combourg. Un va et vient permanent entre passé et présent permet une réflexion sur le temps.

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