La Fontaine sommeille : il a négligé et parfois maltraité le chien dans ses Fables; vous supposerez que, dans un songe, un de ces animaux lui apparaît et lui présente l'apologie de ses congénères
Publié le 09/02/2012
Extrait du document

Ce soir-là, il y avait eu réception chez Mme de la Sablière. Autant que les recettes de son maître-queux, on avait apprécié les dernières productions de son fablier. M. de La Fontaine eut-il mérité le nom de Polyphile, s'il n'avait aimé la bonne chère ? ... Aussi avait-il fait honneur au menu de son hôtesse. De retour à sa chambre, il se sentit sur l'estomac un poids insolite. Le cauchemar le guettait. Comble d'imprévoyance, il se coucha sur le côté gauche....

«
de la rage.
Il reprit sur un ton un peu plus calme, mais suivant un cres cendo impressionnant : ..
«Quant à ma sottise, elle est réelle.
Si je n'étais un sot, je ne m'entêterais pas à servir des ingrats.
Oui, rtu as raison, }e lâche la proie pout l'ombre, j'ai la faiblesse de prendre une caresse pour de l'amitie.
Est-ce là ce que tu as voulu dire? ...
Sinon, tu ne peux me dénier une certaine intelligence; ·dont Yhomme sait se servir à l'occasion.
Que de fois nos fins limiers n'ont-ils pas suppléé à l'humaine sottise? Oui, Monsieur l'Inspecteur ...
honoraire des eaux et forêts, combien de vos gardes ne sont que des ânes auprès de leurs chiens! S'il n'y avait dans les bois et sur les rives des cours d'eau que des policiers à deux pattes, les bra conniers auraient beau jeu! Et si les bêtes, comme vous dites avec mépris, ne remplissaien-t }las plus ~onsciencieusement leur office que certain fores tier de ma connaissance, les financ-és royales seraient en bel état! Mais
voilà, soyez un officier probe, ponctuel, .
vigilant, on vous traitera de sot, de poire; rim-aillez, au lieu de surveiller, de dresser des rapports exacts, on vous donnera du génie.
Est·ce vrai, misérable? » dit le mâtin en avan çant d'un pas, et en ouvrant une gntenle que le pauvre maître des eaux el forêts prit Rour celle même de l'enfer, prête à l'engloutir.
«Et je n ai pas fini, Ailleurs tu m'accuses de flatterie.
Tu me peins bas et rampant à l'égard des riches, dur et insolent envers les petits et les pauvres, les « mendiants et gens portant bâtons ».
Parasite? Flagorneur~ Est-ce bien à toi de m'accabler de œs noms? A toi, qui vis sans remords aux crochets d'autrui, -à toi qui troques contre de succulen·ts dîners quel ques grains ~rencens? Hypocrite! ôte la poutre de ton œîl, avant d'extraire du mien le brin de paille que tu.
·grossis à plaisir.
Hypocrite! Hypocrite! J'en ai assez.
Réglons nos comptes une fois pour toutes.
» Ce disant, le molosse s'élança sur son détracteur comme pour le dévorer.
La Fontaine, qui sentait déjà s'enfoncer dans sa chair ces mâchoires de :fer, fit une volte face -désespérée ...
...
Et, se retrouvant sur le côté droH, jouissant aussi, heureusement pour lui, d'un estomac r0b11rste, il "fut tout surpris d'apercevoir le même chien, subitement calmé, pacf!fique et conciliant, allonge sur le ventre, les pattes en avant, le regard presque humain, et remuant la queue pour marquer son contentement.
.A:lors s•,engagea ce dialogue amical : LA FONTAINE.
-Quoi? c'est toi, mon vieux Brifant, qui me joues de ces tours? qui m'adresses de pareils se'rmons? Allons, je ne t'en veux pas.
Je ne l'avais p"as volé.
Donne ta patte.
.
BRI·FAUT.
·~ Avouez, èher Maître, que vous n'avez pas été tendre pour la gent êanine, tandis que V0us semblez sympathiser avec ces pirates .
sans aveu, ces brigands de l'espèce •animale : le loup, le renard ...
le chat.
Même en pariant ·cle leurs ·crimes vous n'avez que sourires pour cette engeance malfaisante que, par un étrange abus de mots, vous appelez la « canaille ».
Le loup, à vos yeux, c'est l'esprit d'indépendance, la fierté gueuse.
Qu'est
ce, au vrai, qu'un loup, sinon un chien sauvage? Et qu'est-ce qu'un chien, sinon un loup civilisé? A qui la fttute, si nous avons dégénéré en passant de nos forêts dans vos maisons? LA F.
- Je le reconnais, tu as raison: même accompagnée de quelque gloutonnerie, ta fidélité vaut mieux que les mœurs vagabondes et féroces du triste sire.
Aussi l'ai-je al'l'angé de la belle façon dans telles autres de mes fables.
Ne les as-tu pa:s lues? BR.
- ·si, .si, mais, voyez-vous, cette comparaison injurieuse m'était restée sur l'estomac.
ùui, j'ai étê sullisamment vengé le jour où mon v.iei.l ennem! eut la mâchoire fracassée par le cheval et surtout lorsque sa :peau servit de robe de chambre à sa Majesté lionne.
Le sot, l'imbécile, c'est lui..
LA F.
-.D'accord, mon cher BrUant, et 'ne t'aHe pas laissé le beau rôle, ne t'ai-je pas prêté assez d'esprit et d'ironie dans le Loup et le chien· maigre? A mon tour de te dire : rappelle~toi! · BR.
·~ C'est .juste.
Mais VGUs qui avez habité la Brie, vous qui ·avez pu voir à l'œuvre ces admirables ·au.xiliaires du..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La Fontaine définit ses Fables comme « Une ample comédie à cent actes divers / Et dont la scène est l'univers / Hommes, dieux, animaux tout y fait quelque rôle.» Dans quelle mesure les fables que vous avez étudiées, justifient-elles cette affirmation du poète ?
- « Les propriétés des animaux et leurs divers caractères y sont exprimés ; par conséquent les nôtres aussi, puisque nous sommes l'abrégé de ce qu'il y a de bon et de mauvais dans les créatures irraisonnables », écrit La Fontaine dans sa Préface au premier recueil de ses Fables (1668). Trouve-t-on encore dans les Livres VII à XII de quoi justifier cette affirmation du fabuliste ?
- ?La Fontaine, « Les Animaux malades de la Peste », Fables, Livre
- Ecriture personnelle - Les Fables de la Fontaine - Le Loup et le Chien
- Des animaux: hommes et bêtes - Fables de La Fontaine