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La Fontaine : Les animaux malades de la peste (lecture analytique)

Publié le 03/10/2012

Extrait du document

fontaine

La Fontaine

Les animaux malades de la peste

 

Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom) Capable d'enrichir en un jour l'Achéron, Faisait aux animaux la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés : On n'en voyait point d'occupés A chercher le soutien d'une mourante vie ; Nul mets n'excitait leur envie ; Ni Loups ni Renards n'épiaient La douce et l'innocente proie. Les Tourterelles se fuyaient : Plus d'amour, partant plus de joie. Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis, Je crois que le Ciel a permis Pour nos péchés cette infortune ; Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux, Peut-être il obtiendra la guérison commune. L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents On fait de pareils dévouements : Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence L'état de notre conscience. Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons J'ai dévoré force moutons. Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense : Même il m'est arrivé quelquefois de manger           Le Berger. Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi : Car on doit souhaiter selon toute justice Que le plus coupable périsse. - Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ; Vos scrupules font voir trop de délicatesse ; Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce, Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur En les croquant beaucoup d'honneur. Et quant au Berger l'on peut dire Qu'il était digne de tous maux, Etant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire. Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances, Les moins pardonnables offenses. Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, Au dire de chacun, étaient de petits saints. L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance Qu'en un pré de Moines passant, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net. A ces mots on cria haro sur le baudet. Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! Rien que la mort n'était capable D'expier son forfait : on le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Forme du poème :

La fable est de forme libertine : en octosyllabes, alexandrins, même un vers de trois syllabes !

La structure narrative, elle comporte récit argumentatif et description.

Les rimes sont organisées en distique ou en quatrain avec une originalité vers la fin.

64 vers, alternances de rimes plates, croisées et embrassées

Les 14 premiers vers sont consacrés à une scène d'exposition.

Les 19 suivants au discours du Lion.

Les 10 suivants au discours du Renard.

Les 5 suivants traitent des autres animaux, à l'instar d'un sommaire.

Les 6 suivants sont la confession de l'Âne.

Les 8 suivants prononcent la sentence, avec le discours du Loup, au discours indirect et discours indirect libre.

            Il englobent aussi le dénouement en un demi vers en mono-syllabes (on le lui fit bien voir)

Les 2 finaux constituent la moralité.

fontaine

« Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.

Sa peccadille fut jugée un cas pendable.

Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! Rien que la mort n'était capable D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Forme du poème : La fable est de forme libertine : en octosyllabes, alexandrins, même un vers de trois syllabes ! La structure narrative, elle comporte récit argumentatif et description.

Les rimes sont organisées en distique ou en quatrain avec une originalité vers la fin.

64 vers, alternances de rimes plates, croisées et embrassées Les 14 premiers vers sont consacrés à une scène d'exposition.

Les 19 suivants au discours du Lion.

Les 10 suivants au discours du Renard.

Les 5 suivants traitent des autres animaux, à l'instar d'un sommaire.

Les 6 suivants sont la confession de l'Âne.

Les 8 suivants prononcent la sentence, avec le discours du Loup, au discours indirect et discours indirect libre.

Il englobent aussi le dénouement en un demi vers en mono- syllabes ( on le lui fit bien voir ) Les 2 finaux constituent la moralité.

Remarques : Le poème est extrait du début du deuxième recueil de fables, paru en 1779 (livres 7 à 11) Le récit alterne avec des dialogues au style direct, indirect et indirect libre.

On pourrait croire à une éloge de l'éloquence mais les dés sont jetés depuis le début : la raison du plus fort est toujours la meilleure, les plus puissants auront raison des plus faibles.

La Fontaine appose l' apparente égalité devant le fléau de la Peste avec l'inégalité réelle.

Il dénonce avec vigueur les tromperies et duperies du pouvoir.

Premier mouvement (scène d'exposition) : Les premiers vers sont au présent de vérité générale, insistant ainsi sur le caractère universel du mal qui touche les animaux.

Le propos est étendu au delà du récit strict.

La périphrase qui introduit le récit, par sa longueur, met en attente le lecteur et ajoute à la terreur (terreur et fureur mis à la rime donne un impact sur le l ecteur).

On attend avant de prononcer le mot fatal, ainsi chargé de dramatisation.

« La Peste » est mise en relief (avec même une majuscule), le mot est tabou, il porte malheur de le prononcer.

La parenthèse est là presque pour conjurer le mauvais sort, le narrateur s'excuse auprès des Dieux d'avoir eu l'audace d'utiliser ce mot.

La Peste fait la guerre, elle est personnifiée, comme animé d'une volonté vengeresse.

Cela rappelle le début de l'Illiade où Apollon envoie la peste de ses flèches.

Ces références implicite rajoute une tonalité presque épique à la narration, en évoquant de grande scène mythique.

« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » Ce vers en alexandrin redoublé d'un chiasme introduit de la solennité, rien n'échappe à la Peste.

C'est une peur antique, le narrateur partage l'idée selon laquelle le mal est apporté par Dieu et que la seule solution est de sacrifier pour apaiser le Ciel.

On retrouve encore une référence mythique avec l'Achéron, fleuve des Enfers, qui est une synecdoque (la partie pour le tout) pour désigner le royaume des morts ; Hadès est d'ailleurs appelé Plutos (le riche) car il possède beaucoup d'âme.

« Un jour » est ici pris comme un chiffre.

La Fontaine évoque aussi le Ciel pour montrer que l'ampleur du mal dépasse le cadre du prosaïque et du purement terrien.

L'élargissement opéré est tant géographique (toute la Terre) qu'hypothétique (le mal est « capable » de tuer quantité de personnes).. »

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