LA FAYETTE : sa vie et son oeuvre
Publié le 09/01/2019
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LA FAYETTE
LA FAYETTE ou LAFAYETTE, Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de, dite Mme de (1634-1693). Si Mme de La Fayette a pu être reconnue comme « la plus grande romancière française », c’est sans doute en dépit d’elle-même, qui prit tant de soin à ne pas paraître « auteur ». Son œuvre, assez mince (deux nouvelles, des fragments de Mémoires, deux romans, dont la Princesse de Clèves, vraie Joconde de la littérature), recouvre en fait la plus grande révolution de l'histoire du roman. Avec l’abandon d'un climat et de formes héritées de l’épopée, Mmc de La Fayette défend sans doute les droits du naturel et du vraisemblable, mais surtout elle introduit l’auteur dans le récit, présence complexe et ambiguë qui implique une vision du monde, impose un regard. De plus, née elle-même de conversations et de collaborations diverses, cette œuvre romanesque, qui suscita dès sa parution débats et polémiques, consacre l’importance d’une perspective sociale qui sera l’avenir du genre. La vérité du personnage est à rechercher dans l’auteur, celle de l'auteur dans ses lecteurs; en même temps qu’une histoire, le roman décrit son fonctionnement et suggère sa lecture. Il est devenu genre majeur, son hégémonie commence.
« Le Brouillard »
Ainsi la nommaient ses amis, et, après eux, la postérité ne parvient pas à décider si Mme de La Fayette fut un être fragile et languissant ou une politique ambitieuse et passionnée d'intrigue. Mme de Sévigné, sa meilleure amie, parle de « sa divine raison », et, en tout cas, le monde des lettres ne l’ignore pas, car elle figure, très jeune, dans le Dictionnaire des Précieuses de Somaize, dans le Cercle des femmes savantes de La Forge ou dans la Pléiade des dames illustres de Caillères. On dit d’elle, sous le portrait d'Hypéride, dans l’Amour échappé (1669) : « Elle écrit parfaitement bien, et n'a nul empressement de montrer ses ouvrages ».
Dès sa naissance — à Paris —, on peut la situer dans un univers protégé : de très petite noblesse par son père — Marc Pioche, seigneur de La Vergne, est « écuyer » —, elle se rattache par sa mère, Isabelle Péna, à une famille de médecins et de savants humanistes. Son parrain est le marquis de Brézé, maréchal de France, et sa marraine Mmc du Combalet, nièce de Richelieu, future duchesse d'Aiguillon, à qui Corneille va dédier le Cid. Après une petite enfance passée au Havre, où son père exerçait le commandement de la place, Marie-Madeleine rentre à Paris avec sa famille en 1640. Capitaine et ingénieur de formation, son père est précepteur d'un neveu du père Joseph (l’« Éminence grise ») et reçoit chez lui le père de Biaise Pascal, l’abbé d'Aubignac, le poète Jean Chapelain. L’enfant doit écouter beaucoup. La légende veut qu'elle ait été présentée très tôt à l’Hôtel de Rambouillet, alors très déclinant. Elle a quinze ans à la mort de son père, et sa mère se remarie, un an plus tard, avec le chevalier de Sévigné, janséniste et frondeur,
oncle de la jeune marquise de Sévigné avec laquelle se lie très vite Marie-Madeleine. Grâce à la duchesse d’Aiguillon, Mlle de La Vergne est nommée fille d'honneur de la reine, et c’est dans ce cercle qu'elle observe la Cour et ses manèges. En même temps, elle fréquente les Scarron, dans le sillage de sa mère, et aussi le savant Ménage, qui lui voue une amitié amoureuse et lui apprend le latin, l’italien, l’espagnol. La Fronde lui fait suivre ses parents en Anjou, où Sévigné est exilé. L’abbé Arnauld, qui la rencontre alors, lui reconnaît « tous ces talents acquis et naturels qui la distinguent si bien aujourd’hui parmi toutes les personnes de son sexe ». Le savant Costar la qualifie d’« incomparable » tandis que Ménage lui dédie ses commentaires de l'Aminta et lui envoie de Paris la Clélie de Mlle de Scudéry. Rentrée à Paris, elle épouse le comte François de La Fayette, veuf et plus âgé qu’elle de vingt ans, de vieille noblesse auvergnate. Elle suit son mari en Auvergne, où elle lit beaucoup; en 1658, elle met au monde un premier fils, Louis (futur prêtre, qui mourra en 1729), et, en 1659, un second fils. René Armand (futur soldat, qui mourra en 1694).
Après le décès de sa mère en 1660, Mme de La Fayette rentre à Paris et s’installe rue de Vaugirard, moins, semble-t-il, à la suite d'une mésentente conjugale que pour mieux gérer les intérêts des La Fayette et plaider leurs nombreux procès. « Jamais femme sans sortir de sa chambre n’a fait de si bonnes affaires... Elle a cent bras, elle atteint partout » (Sévigné). Elle publie son premier écrit, un portrait de Mmc de Sévigné, dans le recueil de Mademoiselle, chez qui elle a rencontré Segrais et Huet, qui seront ses collaborateurs. Elle fréquente beaucoup, du fait de son appartenance à la maison de la reine, Madame (Henriette d'Angleterre), qu’elle a connue enfant au couvent de Chaillot; en 1662, elle publie la Princesse de Montpensier : « Elle court le monde, mais par bonheur ce n’est pas sous mon nom », et, la même année, rencontre le duc de La Rochefoucauld. Elle est assidue à l’Hôtel de Nevers, chez les Plessis-Guénégaud, foyer de jansénisme et d’opposition discrète au régime, ce qui ne l’empêche pas d’entretenir de parfaites relations avec la Cour. En 1671, Louis XIV lui fait les honneurs de Versailles « comme un particulier qu’on va voir dans sa campagne » (Sévigné); c’est pourtant le temps où elle commence à préférer la solitude de sa campagne de Saint-Maur aux intrigues mondaines : « Paris me tue ».
Sous le nom de Segrais, elle fait paraître Zaïde (2 vol., 1670-1671), roman héroïque hispano-mauresque au goût du jour, qui obtient un vif succès. Car depuis Segrais lui-même et ses Nouvelles françaises (1656) et le Journal amoureux de Mme de Villedieu (1669-1671), la nouvelle historique est à la mode, et Mme de La Fayette travaille, dans l'intimité de La Rochefoucauld, à la Princesse de Clèves, qui paraît chez Barbin le 18 mai 1678, après au moins cinq ans d'élaboration. La mort du chevalier de Sévigné laisse Mme de La Fayette à la tête d’une solide fortune, mais, en 1680, elle perd La Rochefoucauld, et c’est pour elle un coup très rude. Elle continue pourtant de beaucoup recevoir dans son Hôtel de la rue Férou, où Corneille, La Fontaine, Retz sont venus lire leurs œuvres. Très liée avec Louvois, elle fut peut-être son intermédiaire entre lui et la cour de Savoie. Elle entretient de 1680 à 1690 une correspondance suivie avec Lescheraine, secrétaire de Madame Royale. M. de La Fayette meurt en 1683. Mme de La Fayette commence la rédaction de ses Mémoires de la cour de France, pour les années 1688 et 1689, s’occupe de payer les dettes de ses fils, marie le cadet à Ml,e de Marillac en 1689, « une alliance agréable, tous les Lamoignon » (Sévigné). Sa santé ne cesse de s’affaiblir : « Je suis toujours triste, chagrine, inquiète [...], je me désapprouve continuellement ». Elle correspond avec Rancé, mais c’est l’orato-rien janséniste Du Guet qui la rapproche de Dieu quand vient la fin.
Une œuvre-écho
Peut-être mue par le sentiment, commun à l’époque, que le métier d’écrivain ne convient pas à une grande dame, Mme de La Fayette s’inquiète : « On croira que je suis un vrai auteur de profession de donner comme cela mes livres ». Ce qui ne l’empêche pas d’agir en écrivain de métier : pour la Princesse de Montpensier, elle revoit avec soin les épreuves : « Il y a une faute à la 58e page qui ôte tout le sens! » Surtout, sous la pudeur aristocratique, s’exprime le désir de se faire le juste écho d’une société d’honnêtes gens occupés avec passion à ne pas être dupes des apparences, à déchiffrer le caché, les mystères de la conscience et du cœur. Nées d’un questionnement collectif, les œuvres de Mmc de La Fayette soumettent à l’épreuve d’un vécu romanesque les maximes du monde. Le texte constitué fait le prétexte d’autres conversations, réclame un discours critique, seul capable de dégager un sens. On a beaucoup insisté (André Beau-nier, Emile Magne) sur tout ce que la romancière doit à Ménage, qui lui fournit sa documentation historique. C’est à Segrais qu’elle doit son initiation aux techniques romanesques. Le Traité de F origine des romans de Huet (publié avec Zaïde) éclaire beaucoup les conceptions de Mmc de La Fayette et de ses amis : « Rien ne dérouille tant un esprit nouveau venu des universités, ne sert tant à le façonner et à le rendre propre au monde que la lecture des bons romans ».
La romancière se veut avant tout moraliste. La vraie nature de ses rapports avec La Rochefoucauld importe moins que les effets de cette relation privilégiée. En 1664, date de la publication des Maximes, Mmc de La Fayette écrit : « Quelle corruption il faut avoir dans le cœur et l’esprit pour imaginer tout cela! » Elle reconnaîtra plus tard : « M. de La Rochefoucauld m’a donné de l’esprit, mais j’ai réformé son cœur». Du reste, ses nouvelles, qui sont ses œuvres les plus sévères sur la faiblesse humaine, sont antérieures aux Maximes, et c’est à vingt ans à peine que Mlle de La Vergne écrivait : « Je suis si persuadée que l’amour est une chose incommode que j’ai de la joie que mes amis et moi en soyons exempts ». C’est Mme de Sévigné qui a le mieux évoqué le rapport si original entre les deux écrivains : « Il me paraît qu’à la Cour, on n’a pas le loisir de s’aimer. Le tourbillon qui était si violent pour tous était paisible pour eux et donnait un grand espace au plaisir d’un commerce délicieux ». L’amitié qui unit l’épistolière et la romancière procède d’une vision du monde assez proche qui nourrit la substance morale de la Princesse de Clèves : même méfiance envers la passion, même perspective féministe sur le mariage qui aliène la femme et ne sert que l’homme, même refus janséniste de « trouver auprès
des casuistes des accommodements entre leur vie mondaine et leurs aspirations religieuses » (Francillon). Plus que Descartes, c’est Pascal qui influence les deux femmes, l’auteur de ces Pensées dont Mme de La Fayette pensait que de ne pas les goûter était un bien mauvais signe. La Princesse de Clèves peut aussi se lire comme l’histoire d’une conversion. La part de tant d’influences prouve surtout « la coïncidence incertaine du sujet de l’écriture et du sujet vivant » (M. Laugaa).
L'invention de l'auteur
« Je le trouve très agréable, bien écrit sans être extrêmement châtié, plein de choses d’une délicatesse admirable et qu’il faut relire plus d’une fois, et surtout, ce qui s’y trouve, c’est une parfaite imitation du monde de la Cour et de la manière dont on y vit. Il n’y a rien de romanesque et de grimpé. Aussi n’est-ce pas un roman. C’est proprement des Mémoires, et c’était, à ce que l’on m’a dit, le titre du livre, mais on l’a changé » (lettre de Mme de La Fayette à Lescheraine, 13 avril 1678). Ainsi, tout en niant être l’auteur de la Princesse de Clèves, Mme de La Fayette, à l’abri du masque de critique, pose-t-elle son œuvre comme une sorte d’anti-roman.
De fait, dès 1678, le livre parut à ce point issu des préoccupations mondaines — une femme doit-elle avouer à son mari qu’elle en aime un autre que lui? Un amant doit-il être heureux que sa maîtresse aille seule au bal? etc. — que les commentaires qu’il suscita furent vite aussi célèbres que lui. Ce fut le cas de la correspondance semi-privée échangée à ce sujet entre Mme de Sévigné et Bussy-Rabutin, des articles et de l’enquête à propos de l’« aveu » dans le Mercure galant (janvier-octobre 1678), et surtout des deux livres inspirés par la Princesse de Clèves : les Lettres à la marquise de XXX..., par Valincour, et la réponse à ce livre, par l’abbé de Charnes, avec sa Conversation sur la critique de « la Princesse de Clèves » (1679).
Un tel succès prouve moins l’habileté d’une campagne publicitaire qu’une implication évidente des lecteurs par une littérature de la réalité morale, à cent lieues de l’idéalisme romanesque traditionnel : l’auteur se montrant d’autant plus efficace qu’il s’efface derrière son livre de « Mémoires ». Bussy lui-même, pourtant si sévère, a bien senti l’originalité révolutionnaire du livre : « L’auteur, en le faisant, a plus songé à ne pas ressembler aux autres romans qu’à suivre le bon sens ». Le cœur de la « querelle » sur la Princesse de Clèves — querelle presque aussi chaude que celle du Cid en 1637 — porte précisément sur la « vraisemblance » du comportement des héros, et surtout de l’héroïne, avec son refus ultime du monde et de l’amour et la condamnation qu’elle entraîne d’une société contemporaine tout entière dénoncée dans ses illusions.
Mais il faut attendre le premier tiers du XVIIIe siècle et la publication posthume des œuvres « historiques » de Mmc de La Fayette (Histoire de Madame, 1724; Mémoires de la cour de France pour 1688 et 1689, 1731) pour que cette lecture « sociologique » soit vraiment assumée. Réalisme insuffisant, selon Prévost : « En voulant peindre les hommes au naturel, on y fait des portraits trop charmants de leurs défauts ». Cependant Rousseau espère que pour ce qui est de l’impression de l’authentique du cœur, la quatrième partie de sa Nouvelle Héloïse n’est pas indigne de la Princesse de Clèves. Et Stendhal, après lui, impose l’idée que le mystère d’une telle œuvre a sa source dans le secret d’une vie. En 1880, la découverte de la correspondance de Mme de La Fayette avec la cour de Savoie vient charger d’ombres le personnage. De là certaine tendance à privilégier le génie volontariste et quasi viril de la romancière, c’est le cas chez Gustave

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lier de Sévigné laisse Mme de La Fayette à la tête d'une
solide fortune, mais, en 1680, elle perd La Rochefou
cauld, et c'est pour elle un coup très rude.
Elle continue
pourtant de beaucoup recevoir dans son Hôtel de la rue
Férou, où Corneille, La Fontaine, Retz sont venus lire
leurs œuvres.
Très liée avec Louvois, elle fut peut-être
son intermédiaire entre lui et la cour de Savoie.
Elle
entretient de 1.680 à 1690 une correspondance suivie
avec Lescheraine, secrétaire de Madame Royale.
M.
de
La Fayette meurt en 1683.
Mm• de La Fayette commence
la rédaction de ses Mémoires de la cour de France, pour
les années 1688 et 1689, s'occupe de payer les dettes de
ses fils, marie le cadet à M"• de Marillac en 1689, «une
alliance agréable, tous les Lamoignon » (Sévigné).
Sa
santé ne cesse de s'affaiblir : «Je suis toujours triste,
chagrine, inquiète [ ...
], je me désapprouve continuelle
ment».
Elle correspond avec Rancé, mais c'est l'orato
rien janséniste Du Guet qui la rapproche de Dieu quand
vient la fin.
Une œuvre-écho
Peut-être mue par Je sentiment, commun à l'époque,
que le métier d'écrivain ne convient pas à une grande
dame, Mme de La Fayette s'inquiète : «On croira que je
suis un vrai auteur de profession de donner comme cela
mes livres ».
Ce qui ne J'empêche pas d'agir en écrivain
de métier : pour la Princesse de Montpensier, elle revoit
avec soin les épreuves : «Il y a une faute à la 58• page
qui ôte tout le sens! »Surtout, sous la pudeur aristocrati
que, s'exprime Je désir de se faire le juste écho d'une
société d'honnêtes gens occupés avec passion à ne pas
être dupes des apparences, à déchiffrer le caché, les mys
tères de la conscience et du cœur.
Nées d'un question
nement collectif, les œuvres de M'"• de La Fayette sou
mettent à l'épreuve d'un vécu romanesque les maximes
du monde.
Le texte constitué fait le prétexte d'autres
conversations, réclame un discours critique, seul capable
de dégager un sens.
On a beaucoup insisté (André Beau
nier, Emile Magne) sur tout ce que la romancière doit à
Ménage, qui lui fournit sa documentation historique.
C'est à Segrais qu'elle doit son initiation aux techniques
romanesques.
Le Traité de l'origine des romans de Huet
(p ublié avec Zaïde) éclaire beaucoup les conceptions de
Mme de La Fayette et de ses amis : «Rien ne dérouille
tant un esprit nouveau venu des universités, ne sert tant
à Je façonner et à le rendre propre au monde que la
lecture des bons romans».
La romancière se veut avant tout moraliste.
La vraie
nature de ses rapports avec La Rochefoucauld importe
moins que les effets de cette relation privilégiée.
En
1664, date de la publication des Maximes, Mm• de La
Fayette écrit : «Quelle corruption il faut avoir dans le
cœur et l'esprit pour imaginer tout cela!» Elle reconnaî
tra plus tard : «M.
de La Rochefoucauld m'a donné
de l'esprit, mais j'ai réformé son cœur''· Du reste, ses
nouvelles, qui sont ses œuvres les plus sévères sur la
faiblesse humaine, sont antérieures aux Maximes, et c'est
à vingt ans à peine que
M11e de La Vergne écrivait : «Je
suis si persuadée que l'amour est une chose incommode
que j'ai de la joie que mes amis et moi en soyons
exempts ».
C'est Mme de Sévigné qui a le mieux évoqué
le rapport si original entre les deux écrivains : « Il me
paraît qu'à la Cour, on n'a pas le loisir de s'aimer.
Le
tourbillon qui était si violent pour tous était paisible pour
eux et donnait un grand espace au plaisir d'un commerce
délicieux».
L'amitié qui unit l'épistolière et la roman
cière procède d'une vision du monde assez proche qui
nourrit la substance morale de la Princesse de Clèves :
même méfiance envers la passion, même perspective
féministe sur le mariage qui aliène la femme et ne sert
que l'homme, même refus janséniste de« trouver auprès des
casuistes des accommodements entre leur vie mon
daine et leurs aspirations religieuses>> (Francillon).
Plus
que Descartes, c'est Pascal qui influence les deux fem
mes, l'auteur de ces Pensées dont Mme de La Fayette
pensait que de ne pas les goûter était un bien mauvais
signe.
La Princesse de Clèves peut aussi se lire comme
l'histoire d'une conversion.
La part de tant d'influences
prouve surtout « la coïncidence incertaine du sujet de
l'écriture et du sujet vivant » (M.
Laugaa).
L'invention de l'auteur
« Je le trouve très agréable, bien écrit sans être extrê
mement châtié, plein de choses d'une délicatesse admira
ble et qu'il faut relire plus d'une fois, et surtout, ce qui
s'y trouve, c'est une parfaite imitation du monde de la
Cour et de la manière dont on y vit.
Il n'y a rien de
romanesque et de grimpé.
Aussi n'est-ce pas un roman.
C'est proprement des Mémoires, et c'était, à ce que l'on
m'a dit, le titre du livre, mais on l'a changé » (lettre de
Mme de La Fayette à Lescheraine, 13 avril l678).
Ainsi,
tout en niant être l'auteur de la Princesse de Clèves, Mm•
de La Fayette, à l'abri du masque de critique, pose-t-elle
son œuvre comme une sorte d'anti-roman.
De fait, dès 1678, le livre parut à ce point issu des
préoccupations mondaines -une femme doit-elle
avouer à son mari qu'elle en aime un autre que lui? Un
amant doit-il être heureux que sa maîtresse aille seule au
bal? etc.-que les commentaires qu'il suscita furent vite
aussi célèbres que lui.
Ce fut le cas de la correspondance
seml-privée échangée à ce sujet entre Mme de Sévigné et
Bussy-Rabutin, des articles et de l'enquête à propos de
l'« aveu » dans le Mercure galant (janvier-octobre
1 678), et surtout des deux livres inspirés par la Princesse
de Clèves : les Lettres à la marquise de XXX ..
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, par
Valincour, et la réponse à ce livre, par l'albbé deCharnes,
avec sa Conversation sur la critique de« la Princesse de
Clèves» (1679).
Un tel succès prouve moins 1 'habileté d'une campa
gne publicitaire qu'une implication évidente des lecteurs
par une littérature de la réalité morale, à cent lieues de
l'idéalisme romanesque traditionnel : l'auteur se mon
trant d'autant plus efficace qu'il s'efface derrière son
livre de «Mémoires».
Bussy lui-même, pourtant si
sévère, a bien senti l'originalité révolutionnaire du livre :
« L'auteur, en le faisant, a plus songé à ne pas ressembler
aux autres romans qu'à suivre le bon sens».
Le cœur de
la « querelle » sur la Princesse de Clèves -querelle
presque aussi chaude que celle du Cid en 1637 -porte
précisément sur la «vraisembl ance» du comportement
des héros, et surtout de l'héroïne, avec son refus ultime
du monde et de l'amour et la condamnation qu'elle
entraîne d'une société contemporaine tout entière dénon
cée dans ses illusions.
Mais il faut attendre le premier tiers du xvm• siècle et
la publication posthume des œuvres « historiques » de
Mme de La Fayette (Histoire de Madame, 1724; Mémoi
res de la cour de France pour 1688 et 1689, 1731) pour
que cette lecture.
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