« Là était la certitude, dans le travail de tous les jours... L'essentiel était de bien faire son métier. » Vous expliquerez et vous commenterez cette affirmation que Camus prête, dans « La Peste », à l’un de ses personnages.
Publié le 02/11/2016
Extrait du document
INTRODUCTION
Dans la Peste, Albert Camus nous peint une ville sur laquelle s’appesantit un fléau abominable ; lorsque le personnage principal, le docteur Ricux, apprend le nom exact du mal contre lequel il va devoir lutter, l’épouvante s’empare de lui pendant quelques instants, et les images hallucinantes des épidémies passées lui viennent à l’esprit. Mais les bruits de la vie quotidienne l’aident à recouvrer son sang-froid, et il se raccroche à cette affirmation : « Là était la certitude, dans le travail de tous les jours... L’essentiel était de bien faire son métier ». C’est l’exercice de l’activité quotidienne que Camus propose aux hommes pour venir à bout de leurs malheurs communs, pour résoudre leurs problèmes personnels ou pour donner un sens à leur vie.
I. LE MÉTIER ET LA SOCIÉTÉ
Le roman de Camus
n'est que la chronique
douloureuse de la peste dans une ville moderne tournée vers les affaires et le confort ; ce mal, venu du fond des âges, apparaît comme une catastrophe insurmontable, dont les proportions ne sont pas à la mesure de l'homme. La première réaction du docteur Rieux est l’abattement : quels moyens dérisoires pourra-t-il opposer à l’épidémie? Tout au long du roman, en effet, nous le verrons lutter pied à pied. Ses armes sont banales : l’application stricte des consignes médicales, une asepsie rigoureuse, la recherche du vaccin, l’isolement des cas suspects permettront d’obtenir patiemment le résultat cherché. Rieux n’a jamais l’impression exaltante de combattre en héros ; comme les pilotes de Saint-Exupéry, comme Malraux dans l'Espoir, il met son savoir au service d'une cause qui dépasse la vie quotidienne.
«
PORTÉE DE L'ACTIVITÉ QUOTIDIENNE 13
L'exercice du métier
dans la vie quotidienne Dans la vie quotidienne, les circons
tances de ce genre sont malgré tout assez rares, et, si les écrivains
- Duhamel, Martin du Gard, Camus -parlent tant des méde
cins, il n'en est pas moins vrai que toutes les professions ne donnent pas le même sentiment d'utilité: toutes n'ont pas pour objet la vie humaine.
Mais le métier bien fait est la pierre angu
laire de tout édifice social : dès le xvme siècle, J.-J.
Rousseau,
dans l'Émile, développait longuement cette idée.
Pour lui, le
travail quotidien est la participation de chacun à la commu
nauté qui le protège et le fait vivre, et il osait écrire : «Tout citoyen oisif est un fripon ».
Mais ses préférences allaient aux
métiers dits «manuels» parce qu'ils sont directement utiles :
Émile est menuisier, et Louis XVI lui-même apprit la serrurerie,
suivant ainsi la mode lancée par le philosophe.
Les métiers décriés Mais la valeur d'une profession n'est pas toujours aussi évidente.
Beaucoup d'hommes sont rongés par 1 'impression qu'ils ne servent à
rien.
Leur besogne n'est qu'un rouage de la société, bien qu'elle
ait sa part dans le fonctionnement de l'ensemble.
Dans la Peste, aux côtés de Tarrou et du docteur Rieux, nous voyons apparaître
Grand, le bureaucrate ; ses fiches sont inutiles aux malades,
et
pourtant elles permettent le combat grâce aux statistiques
établies ; le personnage se contente d'exercer au cœur de la catastrophe ses fonctions accoutumées, et de cet humble rôle
Camus fait
un acte d'héroïsme.
La collaboration à l'œuvre
commune est donc une nécessité -mais cette nécessité, trop souvent évoquée, n'apparaît pas toujours si l'on se place au point de vue de l'individu.
II.
LE MÉTIER ET L'INDIVIDU
De Montaigne aux « beatniks » -avec de profondes diffé
rences de pensée!-, une foule d'êtres humains se sont soustraits, ou ont souhaité le faire, à l'obligation du métier : «Toutes nos
vacations sont farcesques », lisons-nous dans les Essais.
Le remède contre l'ennui Le «travail de chaque jour» constitue en fait une panacée dont Voltaire a perçu l'efficacité.
«Le travail, écrit-il dans Candide, éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice
et le besoin».
Il semble évident que toute vie équilibrée s'oriente.
»
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