La cruauté dans Salammbô de Flaubert
Publié le 23/11/2012
Extrait du document

Cette intervention extérieure des Barbares à la fin du chapitre ne sert pas seulement à cautionner l'horreur de la scène, à en garantir l'insupportable fascination. Ces voyeurs étrangers au drame, impuissants à en détourner le cours abominable et se délectant de cette impuissance même qui les innocente et les conforte dans leur contemplation morbide, ne sont-ils pas dans une position singulièrement semblable à la nôtre? Et la théorie aristotélicienne de la catharsis, de la purgation des passions par leur spectacle, suffit-elle à nous sauver? La douleur d'écrire purifie-t-elle Flaubert, lorsqu'il précise : « ... je chie des catapultes et je rote des balles de frondeurs ... «?

«
Salammbô 1 203
la tans ! Déclamez donc contre les gladiateurs et parlez
moi du
Progrès ! Moralisez ! Faites des lois, des plans !
Réformez-moi la bête féroce.
Quand même vous
auriez arraché les canines du tigre, et qu'il
ne pourrait
plus manger que de la
bouillie, il lui restera toujours
son
cœur de carnassier! »
Ce texte est extrait d'une lettre de 1854 à Louise
Colet.
Flaubert
s'y livre à un de ces règlements de
compte avec
le monde dont la véhémence, le cynisme
et la sincérité traversent souvent sa correspondance.
Pour lui, c'est dans la cruauté que se révèle la grande
fraternité des hommes, dans l'exercice et la mise en
scène de la cruauté que s'efface toute différence essen
tielle entre
le criminel et ses victimes, entre le bourreau
et
le supplicié, entre les sentiments des spectateurs et le
spectacle de la violence, le crime et le châtiment,
l'homme et la bête.
Qu'importe
si l'on doit souffrir de
faim et de froid, pourvu qu'on assiste et participe à la
souffrance de l'autre, lui-même coupable d'avoir fait
souffrir.
Dès lors toute morale, tout progrès, toute politique
s'équivalent et
ne sont que leurres dont l'artiste a le
devoir de dénoncer l'erreur.
L'humanisme est une
imposture qui élude la dualité de la nature humaine.
L'impersonnalité flaubertienne représente moins un
effort pour
ne pas juger, qu'une tentative de rendre
compte de cette nature humaine en cela qu'elle échappe
au jugement.
Flaubert joue constamment sur cette démarcation
frêle entre l'homme et la bête et les métamorphoses
qu'elle permet.
Le thème de l'anthropophagie est
esquissé dès la
seco'lde page par cette comparaison qui
pose étrangement
le problème à l'envers: « ...
on
voyait au milieu du jardin, comme sur un champ de
bataille quand on brûle les morts, de grands feux clairs
où rôtissaient des
bœufs».
Plus loin, les Carthaginois
jetteront leurs enfants dans la fournaise en répétant:
«Ce ne sont pas des hommes, mais des bœufs!».
»
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