La critique - Histoire de la littérature
Publié le 25/01/2018
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Les partis pris littéraires et les préjugés antiphilosophiques expliquent donc en grande partie le mépris pour le roman; G. May croit même que le chancelier d'Aguesseau prit vers 1737 ou 1738 une mesure d'interdiction contre ce genre dangereux de littérature, ou du moins invita les censeurs à redoubler de sévérité; mais, par une fatalité attachée sans doute au genre lui-même, la médiocrité et la bassesse de la production moyenne ne justifiaient que trop une opinion défavorable. Vulgarité de la pensée, érotisme hypocrite ou étalé, négligence du style, de la composition, de la psychologie, banalité ou invraisemblance de l'invention étouffaient ce qu'il y avait d'intérêt romanesque, d'observation, d'expérience, de hardiesse intellectuelle dans les œuvres de Bastide, Catalde, Voisenon, Fromaget, d'Argens, Godard d' Aucourt, Gaillard de la Bataille, l'abbé Lambert, De la Place, Fougeret de Monbron, etc. Si l'emploi de la première personne dans des Mémoires supposés, signe d'une attention plus grande à la réalité des sentiments et des comportements, avait renouvelé le genre romanesque en le faisant sortir de l'impasse où l'avait conduit la décadence de la nouvelle galante ou historique, cette forme romanesque à son tour servait de moule universel et dispensait les auteurs de trouver un moyen d'expression à leur témoignage sur leur époque;
La critique
Les rapports entre le roman et la critique de 1715 à 1761 reposent sur un quiproquo; la critique discutait la vraisemblance des romans, leur qualité artistique, leur valeur morale, leurs mérites comparés à ceux de l'histoire parce qu'au fond elle ne reconnaissait pas la légitimité du genre romanesque, impossible à juger selon les règles du goût appliquées aux genres << poétiques )>, et indigne de rivaliser pour le sérieux avec les disciplines dispensant une connaissance, comme la philosophie morale et surtout l'histoire. Cette question de droit, inutile et fausse, a contraint les critiques et les romanciers à ne voir que de biais les questions esthétiques; comme le note G. May, qui a dépouillé un très grand nombre d'écrits et qui a classé les objections et les réponses, << la simple lecture des textes [ ... ] suffit à montrer la faiblesse et quelquefois l'ineptie, en tout cas l'injustice et l'aveuglement de cette critique )>; il pense pourtant qu'elle a eu le mérite de forcer les romanciers à s'éloigner de l'extravagance et à se rapprocher du vrai réalisme Z• La conséquence est douteuse : ce qui a déterminé l'évolution du roman, c'est le progrès de l'esprit bourgeois, la nécessité d'élaborer une forme d'expression littéraire à l'image du

«
pour du jansénisme, la mélancolie fondamentale de son tempérament 1 l'ont
empêché de croire à la possib ilité de ce bonheur pour lequel il se sentait fait et
dont il a évoqué si fortement l'attira nce; dans leur quête du bonheur, ses person
nages sont soumis à des épreuves si cruelles qu'ils doutent de la providence divine;
leurs précautions se retournent contre eux, leurs bonnes intentions engendrent
le mal, de tragiques malentendus les séparent de ceux qu'ils aiment ; le hasard est
toujours contre eux, le monde quotidien leur est une prison ou un piège ; leur
sagesse est impuissante devant la force irrésistible de leurs passions, incapable
de les prémunir contre aucune faib lesse et de les consoler dans la douleur.
Seule
l'obse rvation stricte de principes d'ordre et de raison, de religion et de morale,
pourrait les préserver du malheur : Prévost ne cesse d'inviter les hommes aveugles
à s'y attacher fermement et à y conformer sans les discuter leur condui te; mais
dans les circonstances où ces principes leur seraient le plus salutaires, les person
nages de Prévost n'ont pas le courage de les suivre et se laissent entraîner, comme
par une , par les mouvements de leur sensibili té.
En
ell e-même pourtant cette sensibilité n'est pas coupable, et sa manif estation la
plus intense, l'amour,.
»
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