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(LA COUSINE BETTE) BALZAC (commentaire)

Publié le 14/02/2011

Extrait du document

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    Cette fille dont le caractère ressemblait prodigieusement à celui des Corses, travaillée inutilement par les instincts des natures fortes, eût aimé à protéger un homme faible...
  Pendant les premiers temps, quand elle eut quelques espérances dans le secret desquelles elle ne mit personne, elle s'était décidée à porter des corsets, à suivre les modes, et obtint alors un moment de splendeur pendant lequel le baron la trouva mariable. Lisbeth fut alors la brune piquante de l'ancien roman français. Son regard perçant, son teint olivâtre, sa taille de roseau pouvaient tenter un major en demi-solde ; mais elle se contenta, disait-elle en riant, de sa propre admiration....  Avec le temps, la cousine Bette avait contracté des manies de vieilles filles assez singulières. Ainsi par exemple, elle voulait, au lieu d'obéir à la mode, que la mode s'appliquât à ses habitudes et se pliât à ses fantaisies toujours arriérées. Si la baronne lui donnait un joli chapeau nouveau, quelque robe taillée au goût du jour, aussitôt la cousine Bette retravaillait chez elle, à sa façon, chaque chose, et la gâtait en s'en faisant un costume qui tenait des modes impériales et de ses^anciens costumes lorrains...  Cet esprit rétif, capricieux, indépendant, l'inexplicable sauvagerie de cette fille, à qui le baron avait par quatre fois trouvé des partis (un employé de son administration, un major, un entrepreneur des vivres, un capitaine en retraite), et qui s'était refusée à un passementier, devenu riche depuis, lui méritait le surnom de Chèvre que le baron lui donnait en riant. Mais ce surnom ne répondait qu'aux bizarreries de la surface, à ces variations que nous nous offrons tous les uns aux autres en état de société. Cette fille, qui, bien observée eût présenté le côté féroce de la classe paysanne, était toujours l'enfant, qui voulait arracher le nez de sa cousine, et qui peut-être, si elle n'était devenue raisonnable, l'aurait tuée en un paroxysme de jalousie. Elle ne domptait que par la connaissance des lois et du monde cette rapidité naturelle avec laquelle les gens de la campagne, de même que les sauvages, passent du sentiment à l'action. (Suit un parallèle pseudo-scientifique d'une dizaine de lignes entre le sauvage et le civilisé)... La cousine Bette, la sauvage Lorraine quelque peu traîtresse, appartenait à cette catégorie de caractères, plus communs chez le peuple qu'on ne pense et qui peut en expliquer la conduite pendant les révolutions. 
 Introduction.  Au seuil de ses romans, Balzac a l'habitude de camper ses personnages avec un grand luxe de détails et d'explications. Il met l'accent notamment sur leur force ou leur faiblesse, c'est-à-dire sur ce qui les destine à un rôle actif ou passif dans le drame. De plus, comme le héros de roman est un être en principe imaginé, il s'efforce de faire admettre les éléments de son caractère en se référant aux données de l'expérience, aux lois de la psychologie ou des sciences humaines. « Quelques esprits, écrit-il au début des Paysans, accusent ces explications de longueur ; mais l'historien des mœurs obéit à des lois plus dures que celles qui régissent l'historien des faits, il doit rendre tout probable, même le vrai ; tandis que dans le domaine de l'histoire proprement dite, l'impossible est justifié par la raison qu'il est advenu. « N'est-ce pas ce que nous pourrons constater dans le portrait de la cousine Bette ? L'exposé des éléments de ce caractère exceptionnel ne s'accompagne-t-il pas d'un plaidoyer insistant en faveur de leur vraisemblance ?

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« Le comportement de l'héroïne trahit les remous qui agitent son âme.

Elle a voulu jadis « arracher le nez de sacousine »...

au sens propre du terme : mouvement de jalousie furieuse évident ! Dans les premiers temps « elles'était décidée à porter des corsets, à suivre les modes...

» : c'est qu'elle désirait se marier.

Mais elle conçut des «espérances dans le secret desquelles elle ne mit personne » : c'est qu'il y avait un abîme entre ses ambitions et cequ'elle pouvait raisonnablement obtenir, eu égard à sa situation sociale (...

« pouvaient tenter un major en demi-solde »).

Et de fait le baron, son cousin, ne lui a proposé que des partis modestes : « un employé de sonadministration, un major, un entrepreneur en vivres, un capitaine en retraite, un passementier » qui n'était pasencore riche au temps des présentations.

— « Mais elle se contenta, disait-elle, en riant, de sa propre admiration »: réaction de l'amour-propre qui fait contre mauvaise fortune bon cœur.

— L'attitude finale de la cousine devant lesmodes révèle le triomphe du dépit, la haine jalouse de la jeunesse et la manie orgueilleuse des vieilles filles qui,comme tous ceux qui sont vieux et envieux des jeunes, se complaisent dans « leur » passé (« les modes impériales »et les « anciens costumes lorrains »). 2.

— Plaidoyer en faveur de la vraisemblance du caractère. Tel est donc ce caractère exceptionnel surtout par les forces susceptibles d'exploser qu'il renferme.

Exceptionnel, ildoit l'être.

Suivant les prévisions du romancier, il doit provoquer toutes les catastrophes du roman tout en éveillantl'intérêt du lecteur par sa singularité.

Mais Balzac considère comme indispensable de faire sentir que ce caractère, siexceptionnel soit-il, est né au contact de la vie observée.

Et c'est ainsi que nous assistons à un véritable plaidoyeren faveur de la vraisemblance du personnage imaginé. — Référence à des « lois » générales. Balzac assimile le cas particulier que constitue la cousine Bette à des cas plus généraux qu'il présente commeindiscutables.

Son caractère « ressemblait prodigieusement à celui des Corses » ; elle présente « le côté féroce dela classe paysanne » ; son impulsivité est celle des paysans, des enfants et des sauvages, c'est-à-dire de «l'homme naturel ».

De là tout un parallèle entre l'homme civilisé et l'homme naturel. 2.

— Le style. Le style surtout donne bien une impression de tension, de volonté de démonstration.

Les affirmations catégoriques,les expressions forcées abondent : « prodigieusement », « paroxysme de la jalousie ».

Des expressions réalistes,triviales, veulent faire impression de la même manière : « arracher le nez », « rétif », — appliqué ordinairement à desanimaux indociles, — le surnom de Chèvre fondé sur un calembour que l'auteur, suivant son habitude, prêtevolontiers à l'un de ses personnages (Chèvre et capricieux ont la même étymologie).

Balzac répète avec insistance :« l'inexplicable sauvagerie...

de même que les sauvages...

la sauvage Lorraine...

» Il accumule les épithètes : « Cetesprit rétif, capricieux, indépendant, l'inexplicable sauvagerie...

» Dans la longue phrase qui va de « Cet espritrétif...

» à « ...en riant », les relatives et la parenthèse sont singulièrement encombrantes : mais ce sont despreuves de l'inexplicable sauvagerie de la cousine, et la parenthèse est une preuve de la preuve précédente ! Enfin, dans la dernière partie du texte, les vues concernant la psychologie de l'homme naturel et de l'homme civilisésont plutôt carrées, les affirmations bien tranchées, les antithèses catégoriques, les images peu scientifiques maissuggestives...

pour un lecteur moyen : « Aussi, chez les sauvages, le cerveau reçoit-il pour ainsi dire peud'empreintes ; il appartient alors tout entier au sentiment qui l'envahit ; tandis que chez l'homme civilisé, les idéesdescendent sur le cœur, qu'elles transforment.

» Conclusion de cet effort de démonstration : « La cousine Bette...

appartenait à cette catégorie de caractères pluscommuns chez le peuple qu'on ne pense », phrase qui fait écho au titre même du chapitre.

Conclusion. Les procédés de Balzac peuvent susciter des appréciations diverses.

Le public du xixe siècle a pu goûter lecaractère concret du portrait et les théories pseudo-scientifiques.

Ces dernières semblent aujourd'hui biensommaires.

En revanche la foule des détails concrets suffit pour nous persuader de la vraisemblance du caractère.Quoi qu'il en soit, le personnage est dessiné à gros traits certes, mais puissamment.

Nous sentons les forces querenferme sa nature.

Le romancier peut maintenant les déchaîner et ouvrir ainsi le récit du drame.. »

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