(LA COUSINE BETTE) BALZAC (commentaire)
Publié le 14/02/2011
Extrait du document


«
Le comportement de l'héroïne trahit les remous qui agitent son âme.
Elle a voulu jadis « arracher le nez de sacousine »...
au sens propre du terme : mouvement de jalousie furieuse évident ! Dans les premiers temps « elles'était décidée à porter des corsets, à suivre les modes...
» : c'est qu'elle désirait se marier.
Mais elle conçut des «espérances dans le secret desquelles elle ne mit personne » : c'est qu'il y avait un abîme entre ses ambitions et cequ'elle pouvait raisonnablement obtenir, eu égard à sa situation sociale (...
« pouvaient tenter un major en demi-solde »).
Et de fait le baron, son cousin, ne lui a proposé que des partis modestes : « un employé de sonadministration, un major, un entrepreneur en vivres, un capitaine en retraite, un passementier » qui n'était pasencore riche au temps des présentations.
— « Mais elle se contenta, disait-elle, en riant, de sa propre admiration »: réaction de l'amour-propre qui fait contre mauvaise fortune bon cœur.
— L'attitude finale de la cousine devant lesmodes révèle le triomphe du dépit, la haine jalouse de la jeunesse et la manie orgueilleuse des vieilles filles qui,comme tous ceux qui sont vieux et envieux des jeunes, se complaisent dans « leur » passé (« les modes impériales »et les « anciens costumes lorrains »).
2.
— Plaidoyer en faveur de la vraisemblance du caractère.
Tel est donc ce caractère exceptionnel surtout par les forces susceptibles d'exploser qu'il renferme.
Exceptionnel, ildoit l'être.
Suivant les prévisions du romancier, il doit provoquer toutes les catastrophes du roman tout en éveillantl'intérêt du lecteur par sa singularité.
Mais Balzac considère comme indispensable de faire sentir que ce caractère, siexceptionnel soit-il, est né au contact de la vie observée.
Et c'est ainsi que nous assistons à un véritable plaidoyeren faveur de la vraisemblance du personnage imaginé.
— Référence à des « lois » générales.
Balzac assimile le cas particulier que constitue la cousine Bette à des cas plus généraux qu'il présente commeindiscutables.
Son caractère « ressemblait prodigieusement à celui des Corses » ; elle présente « le côté féroce dela classe paysanne » ; son impulsivité est celle des paysans, des enfants et des sauvages, c'est-à-dire de «l'homme naturel ».
De là tout un parallèle entre l'homme civilisé et l'homme naturel.
2.
— Le style.
Le style surtout donne bien une impression de tension, de volonté de démonstration.
Les affirmations catégoriques,les expressions forcées abondent : « prodigieusement », « paroxysme de la jalousie ».
Des expressions réalistes,triviales, veulent faire impression de la même manière : « arracher le nez », « rétif », — appliqué ordinairement à desanimaux indociles, — le surnom de Chèvre fondé sur un calembour que l'auteur, suivant son habitude, prêtevolontiers à l'un de ses personnages (Chèvre et capricieux ont la même étymologie).
Balzac répète avec insistance :« l'inexplicable sauvagerie...
de même que les sauvages...
la sauvage Lorraine...
» Il accumule les épithètes : « Cetesprit rétif, capricieux, indépendant, l'inexplicable sauvagerie...
» Dans la longue phrase qui va de « Cet espritrétif...
» à « ...en riant », les relatives et la parenthèse sont singulièrement encombrantes : mais ce sont despreuves de l'inexplicable sauvagerie de la cousine, et la parenthèse est une preuve de la preuve précédente !
Enfin, dans la dernière partie du texte, les vues concernant la psychologie de l'homme naturel et de l'homme civilisésont plutôt carrées, les affirmations bien tranchées, les antithèses catégoriques, les images peu scientifiques maissuggestives...
pour un lecteur moyen : « Aussi, chez les sauvages, le cerveau reçoit-il pour ainsi dire peud'empreintes ; il appartient alors tout entier au sentiment qui l'envahit ; tandis que chez l'homme civilisé, les idéesdescendent sur le cœur, qu'elles transforment.
»
Conclusion de cet effort de démonstration : « La cousine Bette...
appartenait à cette catégorie de caractères pluscommuns chez le peuple qu'on ne pense », phrase qui fait écho au titre même du chapitre.
Conclusion.
Les procédés de Balzac peuvent susciter des appréciations diverses.
Le public du xixe siècle a pu goûter lecaractère concret du portrait et les théories pseudo-scientifiques.
Ces dernières semblent aujourd'hui biensommaires.
En revanche la foule des détails concrets suffit pour nous persuader de la vraisemblance du caractère.Quoi qu'il en soit, le personnage est dessiné à gros traits certes, mais puissamment.
Nous sentons les forces querenferme sa nature.
Le romancier peut maintenant les déchaîner et ouvrir ainsi le récit du drame..
»
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