La composition de l'Entretien d'un philosophe avec la maréchale de***
Publié le 12/01/2012
Extrait du document
L'Entretien imite si bien la fluidité et les détours de la conversation naturelle qu'il est parfois difficile d'en distinguer les différentes étapes. On peut proposer la structure et la progression suivantes :
1 - Du début à "Rien" (p. 235).
Le sujet principal du débat est posé dès l'ouverture : comment un athée peut-il être vertueux? La morale peut-elle être indépendante de la religion? Une malicieuse parodie du "pari" pascalien (cf. photocopie du texte de Pascal) révèle alors combien la foi et la morale de la maréchale sont conditionnées par sa crainte de la damnation.
«
Le matérialisme
Le matérialisme au XVIllème siècle
Héritage antique
La philosophie matérialiste conçoit la nature entière.
(l'univers et les êtres) comme
matière et fait de celle-ci le
principe explicatif de la totalité des phénomènes du monde
physique et inoral.
Le terme de.
':tnatérialisine" apparaît- en 1702 sous la--plume de Leibniz·
(philosophe et ·savant allemand; 1646-1716), qui 1' oppose à "idéalisme';.
Cette doctrine
matérialiste est la lointaine héritière de
1' atomisme antique, fondé par Leucippe, un Grec du
Vème av.
J.
C., transmis par les écrits de Démocrite:
puisd:Épiçw;e~.~t~Qut_p~JeJollg
poème ne natiiriirêrum deTaute'ür latfu Lucrècë(ier siècle av.
J.
C.): les objets de la nature
et les êtres vivants sont constitués par la combinaison
variée d'atomes de matière qui
s'assemblent fortuitement.
Cete conception exclut toute croyance
en un "arrière ,nonde~', en
dehors de la réalité sensible,
et donc en des dieux qui décideraient du destin des hommes.
L'atomisme est ainsi étroitement lié aux morales antiques, épicuriennes ou stoïciennes, qui
prônent l'acceptation du monde
tel qu'il est.
-
Héritage scientifique _
Les philosophes
matérialis~~ de l'époque dés Lumières joignent à cet héritage antique
celui des recherches scientifiques du XVIIème : Galilée, Descartes
et Newton.
conçoivent le
monde sensible comme une
con:;tbinaison de matière et de mouvement; sans pour autant
exclure Dieu; dont ces savants mystiques exaltent la toute-puissance.
Or, au XVIIIème, le
dualisme cartésien (de _Descartes qui dissocie le corps humain,
yu comme.
''un animai
machine", de l'âme immatérielle), va être peu à peu contesté par le ''n:ionisme",matérialisté'
qui
réduitl'univers et les êtres à une seule substance, la matière.
Cette approche est développée dans les ouvrages du médecin
La Mettrie :(Histoire
naturelle de l'âme, en 1745, et L'Homme-machine, en 1747), Hèlvétiusi(qui fait scandale en
publiant
De l'eSprit; en 1758), d'Holbach (même scandale pour Le Système de la nature, 1
1770, manifeste athée), et bien sûr Diderot, depuis les Pensées philosophiques! (1746)
jusqu'au
Rêve de d'Alembert (1769).
Àl'idée d'un dieu transcendant, créateur et organisateur
de l'univers, ces philosophes
matérialistes substituent la conception d'une nature en
mouvement perpétuel, sans harmonie pré-établie ni finalité.
Des allusions plaisantes Înais
prudentes /
L'Entretien avec ia maréchale présente~ de façon elliptique et h'lrfi'ioristique, un
condensé de la vision matérialiste, à partir d'une question de
là maréchale: "Mais ce·monde-.
ci, qui est-ce qui l'afatt?"J
Diderot recourt ensuite au chiasme.pour présenter l'hypothèse matérialiste comme s'il
s'agissait d'une ingénieuse boutade : "Si un· esprit fait de la matière, -pourquo{de la matièrf!
ne ferait-elle pas de l'esprit?'~ L'exemple du "serpent du Pérou" capable de ''ressusciter" est
présenté comme un argument d'autorité, puisque le
philosophe l'emprunte au savant Pierre
Bouguer
qui avait accompagné La Condamine dans son expédition au Pérou, en 1711 :
l'anecdote illustre l'idée de la transformation
perpétue~e de la matière~ permettant une sorte
de génération spontanée.
De l'animal à l'homme, il n'y a qu'un pas, ici esquissé à l'l:Ûde de la
métaphore.
de la machine, célèbre depuis les spéculations, de Descartes
sur "l'animal
machine"
et l'essai de La Mettrie intitulé L'homme-machine.
Tandis que la maréchale s'en
tient à Descarte~ ("J'en serais quitte pour croire que les animaux sont 'des machines'),
Diderot réfute le dualisme cartésien en affrrmant plaisamment "Et l'homme n'est quiun
animal
un peu plus parfait qu'un autre ...
" ..
Suggestion délibérément suspendue par une
référence à
1' arrivée supposée du maréchal, comme si Diderot cherchait à différer une
digression trop-polémiqué..
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