LA CLOCHE COEUR - REVERDY (commentaire)
Publié le 16/09/2011
Extrait du document
La cloche qui sonne on ne l'entend pas
L'air est trouble
Un bruit de pas glisse sur le palier
Personne n'entre
Non personne ne veut entrer
Il y a là une ombre qui tremble
Le soir est à la vitre et baigne la maison
Je suis seul
Et le temps d'attendre
A noué l'heure à la saison
Plus rien ne me sépare à présent de la vie
Je ne veux plus dormir
Le rêve est sans valeur
Je ne veux plus savoir ce qui se passe
Ni savoir si je pense
Ni savoir qui je suis
Dans la nuit les murs blancs fondent autour du poêle
Quand le chat regardait les signes du plafond
Il n'y aura rien ce soir
Arrête ta mémoire
Personne ne viendra te voir
Le coeur mieux étouffé bat sous la couverture
Et se démène à corps perdu
Oui viendra lui donner
Sa dernière blessure
Et qu'il ne se réveille plus.
Pierre REVERDY, La Lucarne ovale, dans Plupart du temps.
Comme la cloche, le coeur rythme la fuite du temps : le battant de
l'une sonne les heures, les battements de l'autre semblent ponctuer
les secondes. Les deux notions ainsi rapprochées dans le titre (et
en quelque sorte soudées par l'allitération en [k))
«
découvrez.
Vous pourriez, par exemple, étudier comment les images, les rythmes et les sons évoquent le sentiment de la solitude et
les progrès de l'angoisse.
Mais ces indications ne sont pas contrai
gnantes : vous avez toute latitude pour orienter librement votre
lecture.
c La cloche cœur ,., publié en 1916, est un poème très caractéristi
que de
la manière de Pierre Reverdy, en qui les Surréalistes
voyaient un précurseur, et
le plus grand poète du xxe siècle.
Le
style dépouillé et
la tonalité même du poème lui confèrent un
accent désespéré, qui exaspère
le sentiment de l'absence ressenti
par l'auteur .
Il semble que la solitude poignante qui a envahi son
être ait
fait place à l'indifférence, à une sorte de résignation stoïque.
Cependant,
le passé ressurgit sans cesse, et le poète ne peut
s'empêcher d'espérer.
Le tragique de ce texte est ainsi celui de la
vie même, d'une attente toujours déçue, et qui paraît ne devoir se
résoudre que dans
la mort .
Comme
la cloche, le cœur rythme la fuite du temps : le battant de
l'une sonne
les heures, les battements de l'autre semblent ponctuer
les secondes .
Les deux notions
ainsi rapprochées dans le titre (et
en quelque sorte soudées par l'allitération en
[k)) deviennent
synonymes l'une de l'autre, et
le premier vers du poème prend un
sens symbolique .
c La cloche qui sonne on ne l'entend pas ,.,
comme tous les appels qui restent sans réponse, comme le cœur de
l'homme solitaire, aux battements duquel nul ne prête attention.
Ce poème est en effet
celui de la solitude, d'une solitude monacale .
L'homme y
vit enfermé dans un lieu clos, entre les quatre murs de
sa chambre.
Les fenêtres ne sont même
pas, pour lui, une
ouverture sur l'extérieur, puisque
la seule c présence ,.
qu'il y
décèle est l'approche de
la nuit : c Le soir est à la vitre et baigne la
maison.
,.
Ce moment de la journée, qui pourrait engendrer la
quiétude, correspond au contraire à une montée de l'angoisse .
Toutes les impressions de l'homme sont floues :
c L'air est
trouble
,.
; c Dans la nuit les murs blancs fondent autour du
poêle
,., comme à la chaleur.
Aucun contour net; la réalité
extérieure n'a pas de consistance .
Toutes
les perceptions sont de
même
fugitives, vagues : « Un bruit de pas glisse sur le palier ,.
;
« Il y a là une ombre qui tremble ...
,.
Avec un style extrêmement simple, où les adjectifs et les images
sont rares, Reverdy réussit
à nous communiquer une impression de.
»
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