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La charité fraternelle qui dit : « Tu ne jugeras point » et l'appréciation morale de la valeur des actes ne sont-elles pas en contradiction? Dites quels sont, à votre avis, le fondement, la valeur et les limites du jugement moral.

Publié le 22/02/2012

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morale
Préparation Problème intéressant, parce que pratique. Les jugements sur les actes comme sur le caractère d'autrui sont chose courante; et il faut reconnaître que le plus souvent ils sont prononcés fort à la légère. Pourtant on ne peut guère s'en abstenir; parfois même on doit juger. D'autre part, le précepte d'origine chrétienne : « Tu ne jugeras point » apparaît comme excellent à partir du moment où l'on se rend compte d'abord que nous ne sommes pas plus exempts de faiblesses que ceux que nous jugeons, ensuite qu'il nous est presque impossible de juger très exactement, tellement il y a d'éléments qui doivent entrer en ligne de compte. Nous nous heurtons donc à une contradiction flagrante. Que faut-il choisir? Ou bien comment peut-on concilier le précepte et les nécessités?
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« — Ce sont en second lieu des qualités physiques ou sociales, le mot qualité étant pris ici indépendamment de touteappréciation morale: X est grand; Y est malade; Z est riche.

Là encore, nulle difficulté. — Ce sont en troisième lieu les qualités morales : X est intelligent; Y est généreux; Z est paresseux.

Déjà lesdifficultés commencent à se présenter, parce que dans des jugements de ce genre les constatations sont plusdifficiles à faire exactement.

On ne dit pas de quelqu'un qu'il est paresseux dans le même esprit qu'on dirait d'unautre qu'il est malade : des sentiments sont en jeu qui font que l'opération psychologique qui aboutit à de telsjugements, est plus complexe et donc que sa validité est plus difficile à réaliser. — De même et à plus forte raison quand il s'agit des capacités que possède quelqu'un relativement à une fonctiondéterminée : X est bon professeur; Y est mauvais médecin; Z est médiocre artisan.

Là encore on constate un fait,mais pour le constater il faut être capable de l'apprécier tel qu'il est; et par suite les conditions sont encore pluscompliquées. — Enfin une dernière série de jugements peut être ajoutée aux précédentes, ceux qui affirment la culpabilité oul'innocence ou le mérite de quelqu'un : X a commis un vol; Y n'a pas fait ce dont on l'accuse; Z est l'auteur de telexploit.

Tout cela peut être constaté par l'expérience; mais outre la matérialité du fait, toutes sortes d'autrescirconstances interviennent, sur lesquelles il faut mesurer le degré de culpabilité ou de mérite; et pour cettemesure, l'expérience brute ne suffit pas. Ainsi se présente tout naturellement à l'esprit l'aspect subjectif de la question : comment arrive-t-onpsychologiquement à formuler de tels jugements? 2.

Conditions de validité de ces jugements. D'abord a-t-on le droit de les formuler? Il n'est pas besoin d'un long examen pour répondre par l'affirmative.

La viecourante l'exige pour que nous puissions à chaque instant savoir ce que nous avons à faire.

Il faut bien, sous peinede graves erreurs de conduite, connaître et penser que telle personne est absente, que telle autre est malade,qu'une troisième est dans telle condition sociale; et aussi que celui-ci est intelligent, que celui-là est un malhonnêtehomme.

Autrement on ne pourrait que nuire non seulement à soi-même, mais aussi à ceux envers lesquels on agit.Même quand il n'est question que de simples traits de caractère, une telle nécessité subsiste. Bien plus, il arrive qu'on en ait le devoir.

Sans parler même des juges auxquels la société a confié le soin de laprotéger par les sanctions à prendre contre les crimes et délits, quiconque a la responsabilité d'une direction doitpouvoir connaître ceux à qui il confie une part de cette responsabilité; et ceux auprès desquels il s'informe doiventpouvoir dire ce qu'ils pensent.

Donc ils jugent les uns et les autres; et si d'une part de tels jugements restent desjugements d'existence, s'en abstenir serait se refuser aux responsabilités que l'on doit porter et donc prendre laresponsabilité des conséquences que pourrait avoir une telle abstention. Encore faut-il que certaines conditions soient observées, et ce sont ces conditions qu'il faut maintenant étudier,tout en ne perdant pas de vue qu'il ne s'agit encore que de jugements d'existence.

Quelles sont-elles? Quand il s'agit de simples constatations, pour lesquelles n'interviennent que très peu ou pas du tout d'autresfacteurs psychologiques que la perception, la simple bonne foi suffit; mais elle est requise.

Autrement il y auraitmensonge et injustice.

Des jugements proférés sans sincérité ne peuvent avoir ni fondement, ni valeur. En revanche, quand il est question des qualités morales, des capacités, des actions, coupables ou non, la bonne foiest plus complexe.

Il peut en effet se mêler dans la conscience des tendances plus ou moins obscures,malveillances, jalousies, amours-propres, vanités, qui peuvent fausser le jugement même à l'insu de celui qui juge.

Ilest donc plus difficile de décider de ce que valent de tels jugements.

Par suite ce qui est nécessaire, ce n'est passeulement un accord complet entre ce que l'on dit et ce que l'on pense, mais une clairvoyance aussi sévère quepossible sur les raisons pour lesquelles on le pense, et cela toujours au nom de la justice. Car on ne soulignera jamais assez combien l'on risque d'être injuste dans les multiples jugements que la vie socialenous invite à formuler, même quand il ne s'agit que de jugements d'existence, c'est-à-dire de constatationsdirectes.

Ce risque ne vient pas seulement de ce que nos sources d'information peuvent être assez restreintes oude ce que l'on va trop vite pour transformer une impression en jugement proprement dit.

Il vient plus encore de ceque la vérité ne nous plaît pas toujours, et que, quand elle ne nous plaît pas, nous nous «aveuglons agréablement »,comme dit Pascal, pour ne pas la voir, ou pour ne voir que ce qui nous plaît. La conclusion de tout cela apparaît maintenant très claire : tant qu'il s'agit de jugements d'existence, le fondement,la valeur et la limite sont constitués simplement, mais essentiellement, par la sincérité avec soi-même.

Pour lesjugements de valeur, le problème est beaucoup plus compliqué. II Les jugements de valeur. 1.

En quoi consistent-ils exactement?. »

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