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La Besace (La Fontaine, I, 7)

Publié le 09/02/2011

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LA BESACE

Jupiter dit un jour : Que tout ce qui respire S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur. Si dans son composé quelqu'un trouve à redire,             Il peut le déclarer sans peur :             Je mettrai remède à la chose. Venez, Singe ; parlez le premier, et pour cause. Voyez ces animaux, faites comparaison             De leurs beautés avec les vôtres : Êtes-vous satisfait ? Moi ? dit-il, pourquoi non ? N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ? Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché ; Mais pour mon frère l'Ours, on ne l'a qu'ébauché : Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre. L'Ours venant là-dessus, on crut qu'il s'allait plaindre. Tant s'en faut : de sa forme il se loua très fort ; Glosa sur l' Éléphant, dit qu'on pourrait encor Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ; Que c'était une masse informe et sans beauté.             L' Éléphant étant écouté, Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles :             Il jugea qu'à son appétit             Dame Baleine était trop grosse. Dame Fourmi trouva le Ciron trop petit,             Se croyant, pour elle, un colosse. Jupin les renvoya s'étant censurés tous, Du reste , contents d'eux ; mais parmi les plus fous Notre espèce excella ; car tout ce que nous sommes, Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous, Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes : On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain.             Le Fabricateur souverain Nous créa Besaciers tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui : Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d'autrui.

On sait quel art infiniment varié, souple de ton et de forme, est celui de La Fontaine fabuliste. Et cette riche diversité n'est pas le fait seulement de son second recueil, dans lequel il déclare lui-même qu'il s'est donné licence d'« égayer « sa matière de plus d'ornements, de plus de digressions et d'inventions personnelles que dans le recueil de 1668. Dans ce premier recueil même, et déjà dans le premier livre, à côté de fables brèves et d'allure, pour ainsi dire, rectiligne, conformes au type le plus traditionnel, telles que le Corbeau et le Renard ou la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf, il en est déjà d'autres où le drame se déroule dans toute son ampleur, où la description tient sa place : ainsi l'Hirondelle et les petits Oiseaux. 

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« Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous, autant d'antithèses rapides et expressives qui élargissent le cadre du tableau. Ces effets plaisants, qui contrastent avec la solennité oratoire d'autres passages, sont soutenus, relevés par laversification.

Ici les « vers libres » de La Fontaine (c'est-à-dire les vers de différentes mesures, aux rimes tantôtplates, tantôt croisées, tantôt entrelacées ou embrassées, triples à l'occasion : tous, fous, nous) s'étalent ou seresserrent selon ce qu'il s'agit de peindre ou de faire parler.

Ainsi on explique l'emploi de l'alexandrin là où il domine :au début, majestueux, emphatique même, de la proclamation de Jupiter ou dans l'argumentation, pleine de hâblerie,du singe.

Les autres discours, suggérés seulement, sont évoqués en vers plus courts, vifs et d'un ton péremptoire :Dame Baleine était trop grosse.....

Se croyant, pour elle, un colosse. Conclusion Une fois l'homme et son propos introduits, par manière d'épilogue, c'est la morale qui commence, exprimée ensuiteen un quatrain d'allure large : ...

Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui... Cette morale, au surplus, si l'on n'y prend pas bien garde, semble en opposition avec cette affirmation, proverbialeet généralement admise, que nul n'est content de son sort.

De son sort, non, mais bien de ses qualités.

On n'estpas satisfait de ce qu'on a, piais on ne voudrait pas changer ce qu'on est.

Il n'y a pas là contradiction.

Maisd'ailleurs, ici encore la morale, — bien que présentée sous la forme d'une nouvelle fable, rapidement esquissée etrattachée à la première comme une digression de causeur, — la morale n'est pas ce qui a le plus intéressé LaFontaine dans son petit conte.

C'est évidemment, ici comme souvent, la comédie qui importe, et les caricatures desbons animaux, peints par eux-mêmes dans leur suffisance et par leurs confrères dans les ridicules de leur silhouette.C'est bien là ce qui amuse petits et grands : l'instruction vient par surcroît.. »

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