La bataille de Rocroy (d'après Voltaire)
Publié le 13/02/2012
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Le duc d'Enghien avait reçu, avec la nouvelle de la mort de Louis XIII, l'ordre de ne point hasarder de bataille. Le maréchal de l'Hospital, qui lui avait été donné pour le conseiller et pour le conduire, secondait par sa circonspection ces ordres timides. Le prince ne crut ni le maréchal ni la cour· il ne confia son dessein qu'à Gassion, maréchal de camp, digne d'être consulté par lui : ils forcèrent le maréchal à trouver la bataille nécessaire....

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le Partie.
Pendant.
a) Le Prince gagne la bataille par lui-meme : son coup d'oeil, son ac-
tivite.
b) C'est lui qui, par trois fois, attaque la fameuse infanterie espagnole.
3e Partie.
Apses.
a) Humanite du Prince :Victorieux, it arrete le carnage, protege les
officiers espagnols, rend hommage a Fuentes.
b) Resultat de la victoire de Conde :l'Europe respecte desormais les
armees francaises.
Ce schema met en evidence le peu de place que tient dans le recit la
bataille elle-meme et prouve que Voltaire vent surtout demontser que
Conde fut, a Rocroy, Partisan du redressement francais.
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Un examen plus detaille de cette page du Siecle de Louis XIV nous per-
mettra d'en determiner exactement la valeur historique et litteraire.
Une premiere remarque s'impose : Voltaire s'interesse plus ici aux acteurs
qu'a l'action a laquelle ils prennent part.
Il cherche l'homme avant tout,
dans l'histoire, et in politique Pinteresse plus que la strategie.
Voyons s'il
est bien informe sur les faits politiques et sur les personnages qu'il met en
scene.
Il affirme, en commencant, que Conde recut, avec la nouvelle de la most
de Louis XIII (14 mai 1643), « l'ordre de ne point hasarder la bataille »,
livra le 19 mai.
Voltaire est seul, parmi tous les historiens, a mentionner
cette circonstance.
II Pinvente, sans doute, pour mieux prouver que son
heros gagne la bataille « par lui-meme ».
Le recit le plus Maine, le plus
stir de cette victoire francaise a ete ecrit par le duc d'Aumale; on n'y
trouve pas cette particularite.
Elle appartient, vraisemblablement, a la le-
gende, qui se tree autour des hauts faits comme des grands noms.
Les portraits de l'Hospital et de Gassion, ramenes a leurs traits essentiels
- ceux qui ont un rapport immediat avec Pevenement - paraissent plus
fideles.
Le vieux rnarechal, avait passe la soixantaine.
Chargé avec son
frere Vitry, d'arreter Concini, it dechargea son pistolet sur le ministre
impopulaire; plus tard it seconda puissamment Richelieu au siege de la Rochelle, en 1640 it prit Arras.
Mais embastille par le Cardinal pour avoir
commis des exactions dans le gouvernement de la Provence, it cherchait
le faire oublier par une docilite quasi servile.
L'age Pavait rendu circonspect
et, chargé de « conseiller et de conduire » un prince de 21 ans, fougueux
par nature, it etait dispose, par temperament et par politique, a frener plus
qu'a exciter.
Gassion n'avait que 36 ans.
Forme a l'ecole de Gustave-Adolphe,
it jouissait d'une reputation meritee.
Son age, son caractere, l'etude cons-
ciencieuse du terrain et des forces de l'adversaire le poussaient a l'action
immediate.
Et a ce sujet une rectification s'impose.
C'est /ui qui, dans le
conseil de guerre tenu le 17 mai apporta les premiers arguments en faveur
d'une bataille.
Le duc d'Enghien, convaincu par les renseignements de ce
temoin oculaire - it s'etait glisse en personne a travers bois jusqu'a la
clairiere de Rocroy et avait pu observer l'ennemi a loisir - ne fit que pro-
poser la bataille, ce que Gassion - par deference - n'avait ose.
Un troi-
sieme personnage, que Voltaire passe sous silence, et qui prit une part tres
active a la bataille, Sirot, s'unit au due et a Gassion pour ebranler le prudent
l'Hospital.
Finalement, ce fut bien Conde qui decida.
La question du sommeil de Conde tient, a notre avis, une trop large place
dans le recit de Voltaire.
On sent ctu'il prend a cceur de refuter Bossuet, ce qui nous importe assez peu.
L'eveque de Meaux, l'ami du grand Conde,
tenait cette circonstance du hems lui-meme ou de son entourage.
Tandis
que le panegyriste est poste a voir, dans ce calme parfait a la veille d'une
bataille decisive, la marque d'une Ame surhumaine, l'historien - non
sans quelque Malice - s'efforce de tout ramener aux proportions humaines.
En realite, ce n'est pas au matin qu'il fallut Peveiller, mais an milieu de
la nuit; car, comme nous l'apprend le due d'Aumale, dans cette nuit du
18 au 19, un transfuge espagnol vint livres aux Francais des renseignements
qui precipiterent l'offensive.
Bien avant l'aube, Conde chevauchait au cote de Gassion; la bataille se developpa entre trois et dix heures du matin
environ.
2" Partie.
Pendant.
a) Le Prince gagne la bataille par lui-même : son coup d'œil, son ac- tivité.
..
b) C'est lui qui, par trois fois, attaque là fameuse infanterie espagnole.
3• Partie, Après.
a) Humanité du Prince : Victorieux, il arrête le carnage, protège les officiers espagnols, rend hommage à Fuentès.
· · b) Résultat de la victoire de Condé : l'Europe respecte désormais les armées françaises .
.
Ce
schéma met en évidence le peu de place que tient dans le récit la bataille elle-même et prouve que Voltaire veut surtout démontrer que Condé fut, à Rocroy, l'artisan du redressement français.
* * * Un examen plus détaillé de cette page du Siècle de Louis XIV nous per mettra d'en déterminer exactement la valeur historique et littéraire.
Une première remarque s'impose : Voltaire s'intéresse plus ici aux acteurs qu'à l'action à laquelle ils prennent part.
Il cherche l'homme avant tout, dans l'histoire, et la politique l'intéresse plus que la stratégie.· Voyons s'il est bien informé sur les faits politiques et sur les personnages qu'il met en scène.
Il affirme, en commençant, que Condé reçut, avec la nouvelle de la mort de I:.ouis XIII (14 mai 1643), « l'ordre de ne point hasarder la bataille », qU'il livra le 19 mai.
Voltaire est seul, parmi tous les historiens, à mentionner cette circonstance.
Il l'invente, sans doute, pour mieux prouver que son héros gagne la bataille « par lui-même ».
Le récit le plus détaillé, le plus sûr de cette victoire française a été écrit par le duc d'Aumale; on n'y trouve pas cette particularité.
Elle appartient, vraisemblablement, à la lé gende, qui se crée autour des hauts faits comme des grands noms.
Les portraits de l'Hospital et de Gassion, ramenés à leurs traits essentiels - ceux qui ont un rapport immédiat avec l'événement - paraissent plus fidèles.
Le vieux marechal, avait passé la soixantaine.
Chargé avec son frère Vitry, d'arrêter Concini, il déchargea son pistolet sur le ministre impopulaire; plus tard il seconda puissamment Richelieu au siège de la Rochelle, en 1640 il prit Arras.
Mais embastillé par le Cardinal pour avoir commis des exactions dans le gouvernement de la Provence, il cherchait à
le faire oUblier par une docilité quasi servile.
L'âge l'avait rendu circonspect et, chargé de « conseiller et de conduire » un prince de 21 ans, fougueux par nature, il était disposé, par tempérament et par politique, à fréner plus qu'à exciter.
Gassion n'avait que 36 ans.
Formé à l'école de Gustave-Adolphe, il jouissait d'une réputation méritée.
Son âge, son caractère, l'étude cons ciencieuse du terrain et des forces de l'adversaire le poussaient à l'action immédiate.
Et à ce sujet une rectification s'impose.
C'est lui qui, dans le conseil de guerre tenu le 17 mai apporta les premiers arguments en faveur d'une bataille.
Le· duc d'Enghien, convaincu par les renseignements de ce témoin oculaire ~ il s'était glissé en personne à travers bois jusqu'à la clairière de Rocroy et avait pu observer l'ennemi à loisir - ne fit que pro-' poser la bataille, ce que Gassion - par déférence - n'avait osé.
Un troi sième personnage, que Voltaire passe sous silence, et qui prit une part très active à la bataille, Sirot, s'unit au duc et à Gassion pour ébranler le prudent l'Hospital.
Finalement, ce fut bien Condé qui décida.
La question du sommeil de Condé tient, à notre avis, une trop large place dans le récit de Voltaire.
On sent.
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