L' Héroïsme (cours de littérature comparée)
Publié le 02/06/2014
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Annonces Google ► Héros grec ► Le jeu du héros ► Rom an historique ► M agister1/6/2014 L'Héroïsme
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profondes qui les font agir.
Ce qui fait que, quand les accidents s'introduisent dans le cours de l'action et paraissent en déterm iner le
dénouem ent, ils doivent encore trouver leur principe et leur justification dans le caractère intim e et les buts des personnages, aussi
bien que dans les conflits et leur dénouem ent nécessaire.
Hegel, Esthétique, 1835.
La définition de l'épopée fournie par H egel nous perm ettra d'observer des différences notables entre nos trois œ uvres : si L'Iliade et H enry V
m ettent en effet en jeu "la totalité nationale", on ne saurait dire de m êm e de La C hartreuse de Parm e, dont les enjeux restent étroitem ent liés aux
personnages et les actions subordonnées à leur psychologie.
La représentation de l'héroïsm e ne peut qu'y gagner ces nuances qui constituent la
problém atique de votre question.
En relation avec les arts plastiques et avec les productions de la poésie et du théâtre, H egel, dans ses leçons
d’esthétique, distinguait le héros épique, le héros tragique et le héros dram atique.
Le héros épique est confronté à des forces extérieures qui peuvent l'écraser, m ais devant lesquelles son triom phe est possible : chez H om ère,
le héros est l’hom m e exem plaire abattu par la nécessité.
M ais il m anifeste dans cet écrasem ent les vertus qui font aussi sa grandeur.
L’épopée
est faite de ce conflit surm ontable qui sym bolise la lutte gigantesque de l’hom m e contre la nature vue sous les traits du destin.
Le héros tragique est aussi au cœ ur de ce conflit, m ais lui accepte sa défaite : écrasé par un D estin tout particulièrem ent acharné à le perdre,
il trouve dans les accents de sa plainte une énergie qui ne dém ent jam ais la vitalité héroïque.
La tragédie exprim e avec solennité le rituel de
cette défaite annoncée en condensant à l'extrêm e la crise décisive.
Le héros dram atique est lui seul un être de liberté : il peut ne m anifester aucune des grandes vertus héroïques, m ais il évolue dans un m onde
contingent où sa volonté de puissance prétend, sans illusion, installer du sens.
Le dram e exprim e cet univers de liberté et oppose aux valeurs
traditionnelles la quête individuelle de valeurs privées.
C om m ent nos trois œ uvres se rangent-elles dans cette typologie ?
Les genres auxquelles les trois œ uvres appartiennent n'est pas indifférent : une épopée antique, une pièce de théâtre, un rom an.
Il sem ble que l'on
aille progressivem ent vers une réduction de la perspective héroïque aux valeurs individuelles, peut-être m êm e que l'on glisse à la notion d'antihéros ?
M ais, bien sûr, c'est d'abord dans l'épopée que s'inscrit la geste héroïque.
Le poèm e épique, écrivait H ölderlin, "naïf selon l'apparence, est héroïque
par sa signification.
C 'est la m étaphore de grandes volontés" (Sam tliche W erken, IV ).
L'héroïsm e, m anifestation d'une "grande volonté", serait donc
une donnée fondam entale de l'épique.
C ette notion se révélera vite capitale car susceptible d'introduire de très fortes nuances dans votre
problém atique.
A insi T.S.
Eliot n'a jam ais pu goûter l'Iliade parce que la conduite des héros hom ériques lui échappait, à com m encer par celle
d'A chille, qu'il considérait com m e "un voyou" (D e la poésie et de quelques poètes).
O n pourra juger au contraire qu'A chille fait preuve d'une
grande volonté, tant dans son refus de poursuivre le com bat que dans sa décision d'y revenir.
C ar la force du guerrier ne suffit pas; il faut aussi la
grandeur hum aine (celle qu'il m anifestera dans son pardon).
Les héros ne sont donc pas seulem ent les plus forts, ce sont les seuls capables de
raisonner leur conduite au m ilieu de l'action.
L'autre notion m ise en place par H ölderlin, celle de naïveté, doit être interprétée correctem ent.
L'épopée
n'est pas seulem ent un art fruste, tém oin de cette sobriété occidentale dont H ölderlin rend hom m age à H om ère : s'il y a m étaphore, transposition des
"grandes volontés" dans le naïf, c'est que la présentation qui est faite des actes des héros se fait dans le cadre d'une vision fataliste.
M ieux que tout
autre, H egel a exprim é ce paradoxe du genre épique : "C 'est la poésie épique, et non la dram atique, qui est le dom aine où règne la destinée".
C ette
fatalité qu'incarne la justice suprêm e diffère notablem ent de celle qu'on discerne dans le registre tragique, et m êm e dram atique, qui im pliquent tous
deux la conception de l'individu en tant que personne : dans l'ordre épique," l'hom m e est jugé d'après la cause qu'il défend, et la tragique N ém ésis
consiste justem ent en ce que cette cause est trop lourde pour l'individu, trop lourde pour ses épaules." C ette fatalité peut être présentée directem ent,
avec une intervention patente des dieux, com m e dans l'Iliade, elle peut aussi être laissée à deviner.
L'étude de nos trois œ uvres devra dém êler ce
rapport qu'entretient la "volonté" des héros avec le destin, et les trois genres différents qu'elles nous proposent - épique, dram atique et rom anesque -
ne pourront que com m ander à chaque fois un propos différent sur l'héroïsm e :
l'épopée (Iliade), parce qu'elle est un récit où le point de vue du narrateur est om niscient, interdit le subjectivism e et reste im propre à
l'introspection individuelle : peu de débats de conscience, en effet, chez des héros déterm inés par un destin connu et accepté.
La conséquence
est que l'héroïsm e y est avant tout représenté, se résum e à des actes dont la rhétorique épique s'em ploie à souligner l'excellence.
Le traitem ent
du tem ps participe aussi de cette volonté : la condensation en quelques épisodes d'une guerre de dix ans évite les m om ents nuls, lim ite les êtres
à la noblesse de leurs actes.
le dram e historique (La vie d'H enry V) privilégie la parole et réduit l'action à des élém ents forcém ent som m aires que le spectateur est invité
à im aginer.
Ici encore, la condensation nécessaire d'un règne à quelques-uns de ses épisodes évite les m om ents nuls, m ais la représentation
scénique des relations entre les personnages favorise la confidence personnelle du héros et son introspection publique.
N ous assistons ainsi à
quelques-unes de ses faiblesses, cependant que la régie théâtrale, contribuant à situer le héros parm i les autres, favorise la perspective
politique.
le rom an (La C hartreuse de Parm e) favorise, lui, le point de vue subjectif : la vie du héros s'inscrit désorm ais dans une linéarité d'où les
m om ents nuls ne sont plus exclus.
Ils participent m êm e d'un apprentissage au long duquel le héros s'égare, se cherche, finit par se trouver à
des m om ents inattendus.
C onsacrant la fin de "l'idéalism e abstrait" (G eorg Lukacs), le rom an du X IX ° siècle traite la tem poralité com m e un
processus de dégradation au cours duquel l'âm e du héros, éprise de valeurs qualitatives, se heurte sans cesse à l'étroitesse du m onde m atériel,
où règnent les valeurs d'échange.
Le héros, pour cela, trouve souvent ses voies les plus nobles dans le refus, la dissidence, la solitude
contem plative où l'A m our est sanctifié.
Les form es littéraires engagent donc une conception particulière de l'héroïsm e : on en citera sim plem ent pour preuve le statut tout particulier que
V ictor H ugo a donné à la bataille de W aterloo dans Les M isérables : refusant d'en donner, com m e Stendhal (voyez la page L'héroïsm e à
l'épreuve du rom an), une im age rom anesque, c'est-à-dire soum ise à la perception des personnages, il s'engage, au début de la deuxièm e partie,
dans une digression véritablem ent épique qui fait fi des lois du rom an et apparaît justem ent com m e une greffe m aladroite.
C 'est dire aussi que
l'époque ne suffit pas à expliquer, elle seule, les m utations des valeurs héroïques, m êm e s'il n'est pas question de négliger l'aspect historique de la
notion.
Les œ uvres savent nous y engager, bien sûr, et l'on pourra utilem ent y observer l'évolution de cette typologie que nous nous em ployons
m aintenant à définir..
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