KATEB Yacine : sa vie et son oeuvre
Publié le 09/01/2019
Extrait du document
«
avec
d'autres Algériens, à seize ans.
Alors en classe de
troisième, il est expulsé du lycée.
Libéré, il part pour
Bône avec « un grand chagrin au cœur » à cause de Nedj
ma (une cousine aimée).
En 1946, il publie son premier
recueil de poèmes, Soliloques.
En 1947, il donne une
conférence à Paris sur Abd el-Kader et l'indépendance
algérienne.
Il fréquente les milieux nationalistes de
l'époque.
Inscrit au parti communiste, il travaille à Alger
républicain.
Il voyage comme reporter jusqu'en Asie
centrale.
Quelque peu nomade en Algérie, il l'est bientôt
en France à partir de 1951.
Il tâte de tous les métiers,
mais pense toujours à ses amours lointaines : Nedjma,
l'Algérie, sa mère.
Il fait la rencontre de Brecht en 1954
à Paris et voyage en Europe durant la guerre de libéra
tion.
En 1956 paraissait Nedjma; en 1959, sa pièce de
théâtre le Cercle des représailles.
Dans le même volume,
édité au Seuil et préfacé par Édouard Glissant, figuraient
le Cadavre encerclé, la Poudre d'intelligence et Les
ancêtres redoublent de férocité.
En 1967, il effectue un
voyage au Viêt-nam.
Ses pièces sont jouées à l'étranger
durant la guerre, puis, après 1962, en Algérie (l'Homme
aux sandales de caoutchouc, 1970).
En 1972, après bien
des errances, il revient se fixer en Algérie.
Il anime
d'abord le Groupe théâtral de l'action culturelle des tra
vailleurs du ministère du Travail, puis dirige le théâtre
de Bel-Abbès.
Durant ces années, il fait jouer des pièces
en arabe parlé algérien, de manière à atteindre un très
large public populaire.
L'œuvre de Kateb est connue dans de nombreux pays
- en français, mais aussi traduite en diverses langues.
Le premier poème sur Nedjma paraissait dans le Mercure
de France en janvier 1948, mais Nedjma, en 1956, repré
sentait un tournant dans le roman maghrébin : mélange
des genres littéraires, luxuriance du vocabulaire, plongée
dans les profondeurs de 1 'inconscient algérien.
Cela
aussi bien dans Nedjma que dans le Cercle et, en 1 966,
dans le Polygone étoilé.
L'auteur disait d'ailleurs qu'une
grande partie de son travail était inconscient, ouvrant
ainsi la porte à une interprétation psychanalytique.
Un
Kateb tragique se manifestait dans cette œuvre à la
recherche de 1' identité nationale, des racines ancestrales,
du passé enseveli.
Nedjm.a est comme le roman du grand
dérangement : tout y est bouleversé et en déplacement.
Il s'agit pour l'auteur de rassembler les bribes éparses
des amours aliénées, des identités raturées, de J'in
conscient mutilé.
L'œuvre romanesque de Kateb (Nedjma surtout) a été,
en 1956, un apport considérable dans la littérature
maghrébine sur le plan de l'écriture, des techniques litté
raires et de l'expression.
Dans Nedjma, par exemple, il
n'y a pas de déroulement chronologique cohérent : « La
mémoire n'a pas de succession chronologique » (le Poly
gone étoilé).
Des bribes de la réalité vécue et de la réalité
rêvée se mêlent à la réalité imaginée et aux souvenirs
du passé.
Kateb aime les redoublements, les répétitions
donnant du même événement ou de la figure de tel per
sonnage des points de vue particuliers.
Les personnages
sont souvent interchangeables : Kateb a parlé d'« auto
biographie au pluriel ».
Des phrases nominales, des phra
ses courtes dans le feu de 1' action et de la fièvre alternent
avec des phrases longues, coulées qui n'en finissent pas,
moments indéfiniment prolongés.
Kateb utilise les
ma 'na, des allusions tirées de la langue et de la sagesse
populaires.
Le texte baigne enfin, en général, dans une
atmosphère poétique où s'opère la libération de l'imagi
naire et des énergies inconscientes.
« J'étais comme un
oued sous un orage inattendu », déclarait-il.
Par-dessus
tout, son œuvre montre l'utilisation du mythe, son inter
cession dans le face-à-face avec les grands drames de
l'existence du poète : l'identité collective de la nation
disparue, les ancêtres fondant autrefois la nation, 1 'er
rance mutilante.
Cette œuvre de Kateb en français demeure
un grand moment de 1 'histoire de la littérature
maghrébine.
Le Kateb satirique et ironique surgit ici et là dans
Nedjma et dans la Poudre d'imelligence ainsi que dans
le Polygone étoilé.
Il vitupère les faux dévots, les hypo
crites, les forces rétrogrades: il veut démythifier et
démystifier; il critique donc -parfois lourdement.
La
satire prend tou.te son ampleur dans les pièces jouées
en arabe algérien : Mohammed prends ta valise (1971 ),
Saout-En-Nisa ( 1972), la Guerre de 2000 ans ( 1974), le
Roi de l'Ouest (1977), Palestine trahie (1978).
Le com
bat acquiert alors des dimensions universelles puisque
tout prolétaire est opprimé par la classe au pouvoir.
Kateb a toujours voulu être « la révolution dans la révo
lution ».
ll dérange donc souvent les gens satisfait et
conformistes, qui se contentent de l'ordre établi.
A tra
vers toutes ces œuvres en français et en arabe, Kateb dit,
avec ses exigences de vérité, le tragique de sa quête
d'une Algérie profonde, nettoyée de toutes les scories.
[Voir MAGHREB.
Littérature d'expression française.]
BIBLIOGRAPHIE Nedjma, « Poin ts », Seu il , 1981: le Cercle des représailles et
l'Homme aux sandales de caoutchouc.
«poche Fiction».
Seuil.
1976 et 1978; Soliloque, rééd., Paris.
La Découverte ct Alger,
Bouchène, 1991.
Études.
-M.
Gontard, Nedjma de Kareb Yacine, Rabat, im p.
de l' A gda!, 1975: Jacquelin e Arnaud, Recherches sur la littéra
ture maghrébine de langue française, Paris, l'Harmattan, 1982,
p.
400-1 171 (tout le t.
Il); Mohammed Ismaïl Abd oun , Kareb
Yacine.
Alger.
E.N.A.L., et Paris, Nathan, 1984; Ch.
Bonn,
Nedjma, «Etudes littéraires>>, P.U.F ..
1989; S.
Tamba, Kateb
Yacine, Paris, Seghers, 1992.
J.
OÉJEUX.
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