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Jules SUPERVIELLE: « l'Arbre », Les Amis inconnus.

Publié le 17/01/2022

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Jules SUPERVIELLE: « l'Arbre », Les Amis inconnus. II y avait autrefois de l'affection, de tendres sentiments. C'est devenu du bois. Il y avait une grande politesse de paroles, C'est du bois maintenant, des ramilles, du feuillage. 5 II y avait de jolis habits autour d'un coeur d'amoureuse Ou d'amoureux, oui, quel était le sexe ? C'est devenu du bois sans intentions apparentes Et si l'on coupe une branche et qu'on regarde la fibre Elle reste muette 10 Du moins pour les oreilles humaines, Pas un seul mot n'en sort mais un silence sans nuances Vient des fibrilles de toute sorte où passe une petite [fourmi. Comme il se contorsionne l'arbre, comme il va dans tous [les sens, Tout en restant immobile ! 15 Et par là-dessus le vent essaie de le mettre en route, Il voudrait en faire une espèce d'oiseau bien plus grand [que nature Parmi les autres oiseaux Mais lui ne fait pas attention, Il faut savoir être un arbre durant les quatre saisons, 20 Et regarder, pour mieux se taire, Écouter les paroles des hommes et ne jamais répondre, Il faut savoir être tout entier dans une feuille Et la voir qui s'envole. Vous écrirez un commentaire composé de ce poème pour dire la lecture que vous en avez faite. Vous pourriez, par exemple, vous interroger sur l'originalité d'une telle évocation de l'arbre et sur sa signification. • Les poèmes de Supervielle, malgré la simplicité du vocabulaire et de la syntaxe, ne se livrent pas facilement. Plusieurs lectures attentives seront plus que jamais nécessaires pour comprendre ie sens du texte. Cette mystérieuse simplicité sera d'ailleurs à commenter. • Cherchez ce qui appartient à la description proprement dite. Ce qui relève de la rêverie de l'auteur. Que nous apprend cette fantaisie sur sa façon de voir le monde ? • Suggestion : le poète a choisi le vers libre, sans rimes. Étudiez l'alternance de vers courts et longs, les sonorités. Introduction • Supervielle fut un auteur inquiet, hanté par la précarité de l'existence et de notre conscience du monde. C'est pourquoi ses poèmes ou ses courts romans explorent souvent les limites indécises de la mort et de la vie, de l'oubli et de la mémoire, de l'ignorance et de la connaissance, de la présence et de l'absence, de l'animé et de l'inanimé. • L'un de ses thèmes privilégiés est la nature, à la fois parole et silence. Dans sa recherche d'un sens à travers les paysages, plantes et animaux, l'écrivain devait rencontrer particulièrement l'arbre, réalité familière et thème symbolique très riche dans toutes les cultures. Un poème des Amis inconnus lui est consacré : Supervielle y évoque non un arbre particulier, mais sa rencontre avec l'Arbre, les rêveries poétiques qui en découlent, la leçon de vie offerte par son silence. • Les thèmes abordés seront : 1. l'observation attentive, 2. la personnification de l'arbre, qui conduit à la fantaisie, 3. la morale tirée de cette petite fable sans action.
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« 1.

Description de l'arbre • Le poète ne décrit pas une espèce précise, n'indique ni le lieu ni l'époque, mais retient certaines caractéristiquesphysiques de tous les arbres : — leur matière, le bois (v.

2, 4, 7), et la fibre (v.

8).

Le lecteur peut même se demander si le « cœur d'amoureuse »n'est pas une allusion au « cœur » du bois, terme employé pour le centre du tronc. — l'exubérance végétale : la branche (v.

8), la feuille (v.

22), et surtout le « feuillage », les « ramilles » (v.

4), les «fibrilles » (v.

12).

On notera la présence insistante de la semi-voyelle [j] dans ces trois termes, qui suggèrentl'entrecroisement léger du faîte et des racines.

Le suffixe -ille est diminutif. — les formes souvent complexes du tronc ou des branches.

L'arbre « se contorsionne », il « va dans tous les sens »(v.

13). « La vie de l'arbre apparaît à plusieurs reprises et à divers niveaux ; — le cycle des « quatre saisons » (v.

19), très pertinent puisque les essences non persistantes changentnotablement d'aspect au printemps, en été, à l'automne, en hiver.

La feuille « qui s'envole » peut aussi constituerune allusion à l'automne (v.

23).

Une allitération chiasmique en [v] et [l] souligne la douce chute : « Et la voir quis'envole ». — l'action du vent, qui imprime un mouvement à l'ensemble (v.

15-17). — l'existence de petits animaux qui y vivent ou le traversent : ici la fourmi (v.

12). 2.

L'observateur • Cette description suppose un observateur attentif.

Il est présent dans le texte, mais là encore le vagueprédomine, avec le pronom « on » (v.

8).

Cet être ne reste toutefois pas inactif : — il coupe une branche pour en vérifier l'intérieur (v.

8), il regarde la fibre (v.

8). — il écoute les bruits éventuels, comme si l'arbre pouvait livrer des paroles ou du moins un bruit semblable à celuides coquillages.

Un détail précise qu'il s'agit d'une personne, sans doute le poète : le bois reste muet, « Du moinspour les oreilles humaines » (v.

10).

La qualité d'écoute du spectateur se traduit par l'analyse précise du silence, quiest « sans nuances ».

Une allitération en [s] et l'assonance en [â] rendent perceptible l'uniformité de ce silence : «Pas un seul mot n'en sort mais un silence sans nuances » (v.

11). • Son attention extrême se traduit aussi par l'insistance de l'anaphore « C'est devenu du bois » (v.

2, 7), « C'est dubois » (v.

4), comme s'il examinait longuement et à plusieurs reprises pour vérifier ses observations.

Ellesaboutissent parfois à une question (v.

6) ou une exclamation (v.

14). II.

La personnification Le spectateur n'est pas avec la fourmi la seule présence vivante du texte : 1.

Personnification du vent • Il a des volontés, celle de « mettre en route » l'arbre (v.

15), de le transformer en oiseau (v.

16). 2.

Personnification de l'arbre • Il a un passé : il était autrefois une femme ou un homme amoureux (v.

1-5) et raffiné, d' « une grande politessede paroles » (v.

3). • Il « se contorsionne » : le terme sert d'ordinaire pour un humain. • Il est doué de sens et d'entendement : — il « écoute » les paroles humaines, peut-être donc les comprend-il, mais ce qui le distingue est l'intensité de sonsilence, « sans nuances » (v.

1). — il « voit » la feuille qui s'envole (v.

23). — enfin il possède une sagesse, celle de « savoir » être tout entier dans une feuille (v.

25).

De plus il « regarde pourmieux se taire » (v.

23). 3.

Fantaisie et vraisemblance Cette humanisation de l'arbre repose sur un équilibre entre son apparence extérieure, sa nature, et l'imagination. »

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