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Jules Supervielle : « Hommage à la Vie »

Publié le 22/02/2012

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HOMMAGE A LA VIE C'est beau d'avoir élu Domicile vivant Et de loger le temps Dans un coeur continu, Et d'avoir vu ses mains Se poser sur le monde Comme sur une pomme Dans un petit jardin, D'avoir aimé la terre, La lune et le soleil, Comme des familiers Qui n'ont pas leurs pareils, Et d'avoir confié Le monde à sa mémoire Comme un clair cavalier A sa monture noire, D'avoir donné visage A ces mots : femme, enfants, Et servi de rivage A d'errants continents, Et d'avoir atteint l'âme A petit coups de rame Pour ne l'effaroucher D'une brusque approchée. C'est beau d'avoir connu L'ombre sous le feuillage Et d'avoir senti l'âge Ramper sur le corps nu, Accompagné la peine Du sang noir dans nos veines Et doré son silence De l'étoile Patience, Et d'avoir tous ces mots Qui bougent dans la tête, De choisir les moins beaux Pour leur faire un peu fête, D'avoir senti la vie Hâtive et mal aimée, De l'avoir enfermée Dans cette poésie. Né en Uruguay de parents d'origine basque, Jules Supervielle n'a cessé, pendant toute sa vie, d'être à la recherche d'un « point fixe », d'une réalité qui ne lui échapperait pas. Pendant la Seconde Guerre mondiale, au moment où les combats font rage et où la mort hante le monde, le poète, effectuant un retour sur lui-même, chante, dans un hymne à la vie, les puissances qui permettent de conjurer la fuite du temps et la mort, de fixer l'insaisissable. Dans cet « hommage à la vie », l'homme, « dédoublé », semble accorder à son corps une existence propre. Celui-ci est présenté comme un abri de fortune, par définition passager (« C'est beau d'avoir élu / Domicile vivant... »), qui inscrit l'homme dans le temps : comme une horloge qui rythme le temps qui passe de son tic-tac régulier, les battements du coeur comptent les secondes qui s' égrènent. Mais si l'homme est « passager », et la proie du temps qui l'habite, la permanence de ses sentiments peut donner une continuité au discontinu (« Et de loger le temps / Dans un coeur continu »). C'est en effet l'amour qui, le premier, va donner à l'homme une prise sur la vie.
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« Guerre mondiale , au moment où les combats font rage et où la mort hante le monde, le poète , effectuant un retour sur lui-même , chante, dans un hymne à la vie , les puissances qui permettent de conjurer la fuite du temps et la mort, de fixer l'insaisissable .

Dans cet « hommage à la vie », l'homme , « dédoublé », semble accorder à son corps une existence propre.

Celui-ci est présenté comme un abri de fortune , par définition passager (« C'est beau d'avoir élu 1 Domicile vivant...

•), qui inscrit l' homme dans le temps : comme une horloge qui rythme le temps qui passe de son tic-tac régulier , les battements du cœur comptent les secondes qui s'égrènent Mais si l'homme est « passager », et la proie du temps qui l'habite, la permanence de ses sentiments peut donner une continuité au discontinu (« Et de loger le temps 1 Dans un cœur continu » ).

C'est en effet l' amour qui, le premier , va donner à l'homme une prise sur la vie .

Cet amour peut évidemment prendre diverses formes, évoquées ici en des termes d'une très grande simplicité .

C 'est d'abord une sorte d 'appétit pour la vie, une soif de goOter ses richesses, de se les approprier, une appréhension toute physique du monde , faite de sensations .

Les mains prennent ainsi la mesure du monde , une mesure humaine : « Et d'avoir vu ses mains 1 Se poser sur le monde 1 Comme sur une pomme 1 Dans un petit jardin .

» La sensation en soi devient un moyen privilégié de connaissance du monde, une source de joie(« C'est beau( ...

) 1 D 'avoir senti la vie 1 Hâtive et mal aimée ») ou bien encore de richesse et de sagesse.

La vieillesse même, son approche lente et insidieuse, devant laquelle le corps est sans défense (sa nudité est le signe de sa faiblesse) , sont alors célébrées , elles aussi : « Et d'avoir senti l'âge 1 Ramper sur le corps nu.

» L'âme est sans cesse à l'écoute du corps ; elle le soutient ( « Accompagné la peine 1 Du sang noir dans nos veines ») en adoucissant sa douleur : « Et doré son silence 1 De l'étoile Patience.

» La souffrance , supportée avec stoïcisme (c'est ce qu'implique le mot « Patience », dont le sens étymologi ­ que est : « souffrance »), les difficultés de la vie , qui augmentent avec l'âge, sont ainsi considérées comme des bienfaits dans la mesure où elles font partie de l'expérience vécue.

Cet amour « physique » du monde et de la vie trouve un prolongement dans une sorte de sentiment d'amour universel qui. »

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