Jules Supervielle (1884-1960), Débarcadères
Publié le 22/02/2012
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Serai-je un jour celui qui lui-même mena Ses scrupules mûrir aux tropicales plages ? Je sais une tristesse à l'odeur d'ananas Qui vaut mieux qu'un bonheur ignorant les voyages. L'Amérique a donné son murmure à mon coeur Encore surveillé par l'enfance aux entraves Prudentes, je ne puis adorer une ardeur Sans y mêler l'amour de mangues et goyaves. N'était la France où sont les sources et les fleurs J'aurais vécu là-bas le plus clair de ma vie Où sous un ciel toujours vif et navigateur Je caressais les joncs de mes Patagonies. Je ne voudrais plus voir le soleil de profil Mais le chef couronné de plumes radieuses, La distance m'entraîne en son mouvant exil Et rien n'embrase tant que ses caresses creuses. Jules Supervielle (1884-1960), Débarcadères Jules Supervielle, né à Montevideo et mort à Paris, partagea son existence entre l'Uruguay et la France ; doté de la double nationalité, française et uruguayenne, il est le symbole des liens culturels et affectifs qui relient la France et l'Amérique latine. Cette double appartenance est pour lui une source d'inspiration, comme on peut le voir dans ce poème extrait de Débarcadères, l'un des ses premiers recueils, composés alors qu'il est encore sous l'influence des symbolistes. Il y présente l'Amérique latine et la France comme les deux pôles de sa vie, et de cette dualité naissent des sentiments complexes, exprimés dans un poème de forme encore classique, quatre quatrains d'alexandrins aux rimes croisées.
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