Journalisme et information

« En effet, comment opérer un tri dans l'information ? Doit-on le faire en fonction du public, du journaliste ou de laconjoncture ? Comment évaluer l'intelligence du public, son aptitude à tirer parti de telle ou telle information ? Doit-on se mettre à sa portée ou à son niveau ? Prendra-t-on comme critère le public moyen, celui qui fait monter lescourbes de l'audimat, ce diktat du téléspectateur à peine moyen ?...

Le rôle du journaliste n'est-il pas d'ailleursd'apprendre à voir et à réfléchir ? Une immense responsabilité supplémentaire incomberait donc au journaliste.

Cemétier déjà difficile dont la morale est souvent remise en cause se verrait confier une tâche quasi insurmontable.

Aunom de quels critères moraux, politiques, sociaux, intellectuels, le journaliste livrerait où.au contraire garderait secrète une information sans être accusé decensure ou de manipulation ? Les seuls critères à peu près objectifs sont le respect de la vérité (et là encore lesmarges sont étroites) de l'individu et l'opposition à toute incitation à la violence. Les risques inhérents à un tri de l'information sont immenses.

La sélection s'oppose directement à la conception del'information, telle que la suppose le fonctionnement de la démocratie ! On imagine aisément ce qu'un pouvoirautoritaire peut dire, faire ou taire au nom de ses intérêts politiques, économiques, de son idéologie : dans certainscontextes, l'information devient désinformation, intox ou carrément propagande. Ces diverses considérations invitent à redéfinir le rôle du journalisme.

Quatrième pouvoir, exercice de la vérité dansle meilleur des cas, le journalisme doit fuir le fait divers, le sensationnel, le spectaculaire qui ne servent que lejournaliste lui-même mais certainement pas la noblesse de son métier.

La probité intellectuelle devrait conduire à desreportages mûris par le temps et l'expérience qui contrôlent les informations, les classent, les ordonnent, lesexpliquent, tout en soulignant ce qui justifie cette présentation et en gardant bien en vue ce qu'elle peut avoir desubjectif.

Il faut aussi bien se garder de la simplification abusive que de l'éparpillement.

Comme dans tout travaild'expression, la langue et la présentation sont fondamentales : tel gros titre, tel vocabulaire, telle imagereprésentent déjà un choix, une attitude significative.

Au lecteur que l'on souhaiterait éduquer d'analyser ce qu'ilvoit et ce qu'il entend. Les techniques d'information, les voies actuelles du journalisme, les pressions exercées par le consommateurinciteraient à pratiquer un tri dans l'information.

Celle-ci est trop importante numériquement parlant, trop éparpillée.Cependant, la notion de tri implique de nouveaux problèmes qui remettent en cause le fonctionnement del'information dans une démocratie.

Plus que le droit à l'information, il faudrait mettre à l'honneur un droit àl'éducation à l'information, apprendre à décrypter et à analyser celle-ci tout en sachant que la connaissance de lavérité est souvent une asymptote que l'Histoire elle-même après l'information journalistique a bien du mal à cerner.. »