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José-Maria de Heredia: La Sieste

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

La sieste

 

Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude,

Tout dort sous les grands bois accablés de soleil

Où le feuillage épais tamise un jour pareil

Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude.

Criblant le dôme obscur, midi splendide y rôde

Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,

De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil

Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude.

Vers la gaze de feu que trament les rayons

Vole le frêle essaim des riches papillons

Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves ;

Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil,

Et dans les mailles d'or de ce filet subtil,

Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.

José-Maria de Heredia, «La Nature et le Rêve«, in Les Trophées, 1893

 

Comme l'indique le libellé, la difficulté consiste à ne pas «séparer artificiellement la t'orme et le fond«. Par sa forme, le poème est un sonnet. Il est régi par des règles strictes dont on attribue l'origine à Ronsard et Du Bellay. Avec Heredia, l'émotion poétique trouve dans la technique du sonnet une voix d'expression irremplaçable. Affilié au mouvement littéraire du Parnasse et adepte de la théorie de «l'art pour l'art«, Heredia est le représentant d'une poésie dont la rigueur et la précision du style se mettent au service de l'effet produit.

Vous ferez un commentaire composé de ce poème. Vous pourrez montrer, par exemple, à travers une étude attentive de la forme (vocabulaire, images, versification), comment se crée une atmosphère, faite tout à la fois d'éclat et d'intimité. Mais ces indications ne sont pas contraignantes et vous avez toute latitude pour organiser le développement à votre gré. Vous vous abstiendrez seulement de faire une étude linéaire ou de séparer artificiellement la forme et le fond.

 

« Plan succinct Premier thème : la nature au repos L'immobilité et l'ivresse. La vie en sommeil. Deuxième thème : les jeux de la lumière Les contrastes. La minutie des mouvements. Troisième thème : l'intimité du rêve L'espace intime. Le rêve complice. PLAN DÉTAILLÉ Premier thème : la nature au repos L'image dominante du poème est celle d'une nature accablée de soleil.

La surabondance de lumière et de soleilimpose l'immobilité et le repos.

La ponctuation du premier quatrain provoque un effet d'attente.

Une période courte,le premier vers, une période longue, les trois vers suivants, posent le décor fait d'immobilité et de silence : pas unêtre vivant.

Cette absence de vie n'est pas la mort mais seulement le repos. L'immobilité et l'ivresse La présence du soleil se manifeste par une immobilité absolue qui semble frapper la nature dans sa totalité.

On peutrelever dans le texte les assonances soleil, pareil, sommeil, vermeil.

«Alanguis de sommeil» fait écho à «accablés de soleil».

La lumière est une torpeur diffuse qui baigne chaque élément du décor.

Les rimes des deux quatrains sont embrassées (ABBA, ABBA) et impriment un rythme sur l'ensemble de la nature.

Le rythme est d'ailleurs soutenu parles assonances en (i) qui maintiennent à travers tout le texte une tension joyeuse et vibrante.

L'immobilité culmine àmidi : «midi splendide y rôde».

La verticalité du soleil évoque l'instant précis où tout s'achève, l'instant d'un mouvement qui reste suspendu comme celui des «cils mi-clos».

Le rejet du groupe nominal «la lumière et le parfum des sèves», est un moyen d'insister sur l'effet produit : l'ivresse provoquée par la lumière invite à la somnolence. L'oeil mi-clos est celui du dormeur profond, mais aussi du rêveur éveillé qui s'amuse au jeu des lumières.

Seulemanifestation de mouvement, le «frêle essaim des riches papillons» rappelle l'absence de l'«abeille en maraude». L'image est double.

Une note indique que maraude évoque un «vagabond à la recherche d'un butin».

Le butin est larécolte de l'abeille pourvoyeuse qui a suspendu son travail.

Le butin est aussi le résultat d'un méfait, en jouant surle sens des mots, d'un vol.

Les riches papillons sont frêles par la fragilité d'un vol hésitant.

Leurs couleurs se mêlentaux jeux de contraste de lumière.

L'immobilité de la nature se manifeste donc non seulement par l'absence demouvement, mais aussi par la faiblesse des êtres animés.

«Pas un seul bruit d'insecte» et pourtant le texte évoque le vol des papillons : un vol fragile qu'on n'entend pas.

Dans le même ordre d'idées, les «doigts tremblants» expriment l'effort suprême et dérisoire d'une main qui se tend, l'effort inutile d'un geste de lassitude. La vie en sommeil Le texte s'intitule La Sieste.

Pourtant, les allusions directes à la sieste sont rares.

Le deuxième vers du premier et du deuxième quatrain : « Tout dort» et «sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,» décrivent un état de torpeur. Les assonances entre «soieil» et «sommeil» établissent un parallèle entre la nature qui subit l'influence de la chaleur et l'homme.

La vie semble se retirer pour l'instant.

Le monde animal s'absente temporairement du décor naturel : «Tout dort sous les grands bois».

La forêt est un espace fermé et protégé où la vie se réfugie.

La Sieste ne décrit pas directement l'homme endormi.

Les allusions sont brèves : l'homme ne semble pas devoir faire exception à lasomnolence générale qui saisit les êtres vivants : il rêve.

Pourtant, le mouvement de la main qui est suggéré dans lepremier vers du second tercet indique qu'il s'agit d'un rêve éveillé.

La conscience semble plongée dans l'ivresse.L'accablement, la langueur, l'ivresse sont des états de conscience atténuée.

L'accablement est celui de la forêt,l'ivresse, celle des papillons, la langueur celle du rêveur.

Les effets de la lumière et de la chaleur se font sentir dansles trois registres de la vie.

La constatation du premier vers : «Pas un seul bruit d'insecte», suggère l'idée que la vie s'est temporairement retirée, que seule reste la forêt.

L'absence des animaux est signalée par l'absence de bruit.

Àce moment de la journée, seuls les insectes pourraient faire du bruit.

Or l'absence d'un «bruit d'insecte» signifie que même eux se sont réfugiés à l'abri de la chaleur. Deuxième thème : les jeux de la lumière Les images de la lumière sont dominantes.

On a déjà signalé les assonances entre les mots «soleil», «pareil», «vermeil», «sommeil», ainsi que celles des mots en l.

La monotonie des rythmes et des sons donne à l'ensemble du. »

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