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Joachim du Bellay - Les regrets - Sonnet IV (Analyse et commentaire)

Publié le 07/10/2014

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VINCENT COUPARD K JOACHIM DU BELLAY - LES REGRETS - SONNET IV Au Collège de Coqueret se rencontre un groupe d'élève qui s'initie et se passionne pour la poésie grecque et découvre la poésie italienne (Dante et Pétrarque), notamment grâce à l'influence de leur maître, l'helléniste Jean Dorat. Ils partagent une même idée de la poésie, prétendent faire reculer le « Monstre Ignorance » rompre avec la tradition poétique du Moyen-âge, par la diffusion de la culture antique, se font appeler « Pléiade » par Ronsard en 1553. Ce groupe, qui se réunit autour de Ronsard et Du Bellay, poursuit un double but : faire de la grande poésie en français, à l'image de la grande poésie italienne ou latine redéfinir cette poésie pour qu'elle puisse rivaliser avec celle de l'antiquité. Inspirés du néoplatonisme, ils assignent à la poésie et à leur rôle une mission élevée : celle de rendre visible la vérité qui échappe à tout langage, d'approcher le divin ; et se voient comme les réceptacles de la fureur divine : le statut de poète change. Ces jeunes poètes pensent à se former par l'imitation originale, prenant notamment pour modèle le poète italien Pétrarque et ses sonnets. C'est de cette conception de la poésie que semble s'affranchir Du Bellay dans le sonnet IV des Regrets, recueil rédigé lors de sa résidence à Rome de 1553 à 1557, un séjour qui semble lui avoir ôté toute appétence à poursuivre l'objet qu'il assignait alors au poète et à la parole poétique. Comment Du Bellay, renonçant au projet qui fut la clé de voûte de son oeuvre, redéfinit-il l'objet qu'il assignait alors à la poésie ? I - La négation de la théorie de l'innutrition Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs, Je ne veux retracer les beaux traits d'un Horace, « Je ne veux »...
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« l’anaphore et les rimes intérieures « feuilleter »/ « retracer » ) et accorde la structure du poème (mouvement descendant) à la forme sémantique (hiéra rchie de la négation : « moins » encore que les rejets des vv 1 et 2).

La dernière étape de ce mouv ement descendant est la référence à Ronsard, celui des Hymnes, qui lui est contemporain.

Les croyances dont s’affranchit Du Bellay restent au cœur des sonnets de Ronsard, duquel il refuse d’usurper « la voix » pour chanter des Regrets qui sont les siens (« mes » Regrets, on souligne l’importance du déter minant possessif).

Encore une fois, la structure syntaxique (césure à l’hémistiche) s’accorde à la s tructure sémantique : c’est pour chanter ses Regret s que Du Bellay refuse l’inspiration grecque, latine, pétrarquiste, ronsardienne.

Ceux qui sont de Phoebus vrais poètes sacrés Animeront leurs vers d'une plus grand’ audace : L’emploi de « Ceux » en début de deuxième quatrain explicite son propos : Du Bellay évoque un système dont il s’exclue.

La référence à Phoebus (A pollon), guide des Muses, à la sacralité du poète en tant que réceptacle de la parole divine (conforméme nt aux thèmes néoplatoniciens de la Pléiade) et l’adjectif « vrais » qualifiant les poètes susmenti onnés laisse entendre que, s’il rejette l’ambition qu’il défendait alors, c’est parce que Du Bellay ne se co nsidère pas « de Phoebus vrai poète sacré ».

En s’excluant de ces poètes sacrés qui «animeront leu rs vers d’une plus grand’ audace », Du Bellay à la fois déprécie son statut et entreprend (verbe utilisé da ns le premier vers du dernier tercet) une œuvre don t l’objet est révisé.

II – Dépréciation du Moi et naissance d’une nouvell e parole poétique Moi, qui suis agité d'une fureur plus basse, Je n'entre si avant en si profonds secrets.

Ce « Moi » au début du septième vers, au milieu du deuxième quatrain, d’une seul syllabe casse le rythme du vers, et est isolé entre la « plus grand’ audace » des poètes sacrés et « une fureur plus ba sse ».

Le mythe de la fureur est repris, mais elle n’est p lus cette transe mystique du prophète qui animait l es poètes selon la Pléiade, elle est « plus basse », s ous « Phoebus ».

L’inspiration n’a plus la même sou rce, ce ne sont plus les Muses mais la « passion » qui « fait dire » (v 10).

Elle n’a plus la même source, non plus le même objet : la parole poétique motivée par la passion ne permet pas d’entrer dans de « si profonds secrets », de « fouiller au sein de la nat ure », de « chercher l’esprit de l’univers », de « sonder les abîmes couverts », de « dessiner du ciel la belle a rchitecture » (cf premier sonnet du recueil).

Encor e une fois l’idéal de la Pléiade est refusé par Du Be llay, qui redéfinit la parole poétique et son objet selon sa propre appréciation.

On note l’importance du « J e » en début de vers 8, qui fait écho au Moi en début de vers 7, mais qui surtout s’oppose dans la struct ure syntaxique autant que dans la structure sémantique au « Ceux » en début de vers 5.

On remar que encore une fois ce mouvement descendant, cette hiérarchisation qui toujours place le Moi (en tant que poète) à la fin des quatrains, un rapport de domination en défaveur d’un poète qui semble capitu ler devant une ambition trop élevée.

Je me contenterai de simplement écrire Ce que la passion seulement me fait dire, Sans rechercher ailleurs plus graves arguments.

Ce premier tercet est le sommet de la capitulation du poète : « contenterai » ; « simplement » et « seulement » qui forment une rime intérieure.

Défi nition de la passion comme source de l’inspiration poétique, elle « fait dire » comme les Muses, on no te toujours une dépréciation du statut de poète qui reste passif, « une table parlante dans laquelle un esprit se loge » (Valery), même pour servir un but moins élevé.

Alors que l’inspiration divine émane d ’un lieu élevé, c’est de l’espace intérieur qu’émergent les passions (mot situé au centre du tercet), et do nc vers l’intérieur que se tourne l’objet de la poésie : elle ne fouille la nature ni ne cherche l’esprit de l’univers mais sert l’expression des Regrets, elle devient une plainte, une complainte même.

La poésie orienté e vers l’intérieur ne sera que le témoin, plus du. »

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