« J'estime, a écrit Paul Valéry, que la connaissance de la biographie des poètes est une connaissance inutile, si ce n'est nuisible à l'usage que l'on doit faire de leurs ouvrages. » Vous expliquerez ce jugement, et vous le discuterez si cela vous paraît nécessaire.

« 0 INTRODUCTION On pourra partir de l'importance et de l'abondance, aujourd'hui, des biographies romancées, genre littéraire nouveau dans lequel André Maurois est passé maitre : biographies de Chateaubriand, de George Sand, de Victor Hugo, etc . ..

C'est dans cette dernière d'ailleurs que Maurois dit à ses lecteurs : «Dans la vie d'un poète, l'œuvre tient autant de place que l'événement », ce qui indique bien qu'en fin de compte l'œuvre est l'événement essentiel, tandis que tout le reste n'est qu'accident; mais aussi, à propos d'Hugo : « La connaissance de sa vie est nécessaire pour comprendre ce génie tourmenté ».

Il apparaît donc que Maurois lui-même est sensible à l'ambiguïté de toute critique biographique : il y a donc bien là un prob lème, auquel Valéry apportait une solution brutale et définitive, lui qui n'ayant jamais pratiqué la biographie pouvait se permettre de trancher objectivement, au moins en apparence .

G PREMI~RE PARTIE : ANALYSE 'I,J Réaction de Valéry contre la méthode biographique On indiquera d'abord que ce texte de Valéry met en cause une certaine conception de la critique littéraire, une certaine attitude des critiques à l'égard de la poésie, mais que cette mise en c·ause s'inscrit dans un contexte valéryen qui donne à ce jugement plus de subjec ­ tivité qu'on ne le croit au premier abord.

En premier lieu, Valéry réagit contre une mode qui l'agace : celle des biographies .

plus ou moins romancées.

Un des premiers livres parus sur lui, Présence de Valéry de M.

Berne-Jouffroy, est précédé d'un Propos me concernant de Valéry lui-même qui éclaire fort bien sa position : « Je n'écris, dit-il, je n'ai jamais écrit de journal de mes jours.

Je prends note de mes idées.

Que me fait ma biographie ? >> et plus loin : « Voici un autre trait de mon signalement : les événe­ ments m'ennuient ...

Les événements sont /'écume des choses.

C'est la mer qui m'intéresse.

C'est dans la mer que l'on pêche; c'est sur elle que f' on navigue; c'est en elle que/' on plonge ...

Mais f' écume?>> On reconnaît bien là le dédain de Valéry pour tout ce qui ne relève pas de l'esprit : le monsieur Teste qui est en lui ne s'attache qu'à découvrir, chez les autres et dans sa propre personne, le fonctionne­ ment de l'intelligence.

Tout le reste pour lui, n'est qu'accident, et J'on sait combien il a soul igné le rôle important de la lucidité,. »