Jean Rigaud, La Culture pour vivre, 1980: comment ceux qui le désirent peuvent-ils acquérir de la culture, et que faut-il entendre par homme cultivé ?
Publié le 12/11/2016
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Lorsque, dans un siècle ou deux, un musée des arts et traditions populaires présentera à nos descendants, comme on le fait aujourd’hui pour les époques anciennes, les témoins de l’environnement culturel de l’homme moyen en 1975, nous devinons ce qui devra y figurer : un poste de télévision, un roman-photo, une chronique du Tour de France, un ticket de tiercé, un horoscope, une publicité de slip masculin, une seringue, un film pornographique, une voiture, une bouteille d’apéritif. Il y aura aussi, bien sûr, un livre de poche, un transistor, une mini-cassette et un appareil photographique. Mais également l’évocation de la ville, avec ses boites à logement et ses
• Si elles sont ensuite retenues — sinon elles ne sont que poudre aux yeux — à la lettre ou plutôt en leur esprit, il peut être valable de s'appuyer sur elles au cours de la rédaction du devoir.
• Mais ne jamais penser qu'il suffit de citer une formule ; elle doit être expliquée, sinon elle est plaquée et n'est pas élément de démonstration.
• Ce sont les exemples qui soutiendront concrètement le raisonnement, exemples choisis dans « les conditions de la vie moderne », expression du sujet qui indique où ils doivent être puisés.
• Le deuxième point important du libellé est : « ceux qui voudraient se cultiver ».
Que faut-il comprendre par là, si ce n'est : comment ceux qui le désirent peuvent-ils acquérir de la culture, et que faut-il entendre par homme cultivé ?
tours à bureaux, ses échangeurs, ses parkings et sa sonorité particulière, si éloignée de « cette paisible rumeur-là » que percevait Verlaine, par dessus le toit.
Sans doute, notre époque ne se réduit-elle pas à cela : il faut se garder d’une vision nostalgique et déformante du passé qui n’en retiendrait que les éléments pittoresques à nos yeux, alors que tant de servitudes pesaient sur l’homme. Le passé d’un peuple n’a pas toujours les couleurs attendrissantes d’une kermesse flamande ou d’un Angélus de Millet(n.
Mais il n’est pas possible de parler de culture sans parler du réel, de ce qui est vécu par le plus grand nombre de nos concitoyens. Il faut sans cesse rappeler ce qu’est la vie d’un travailleur urbain : un quartier d’H.L.M. sans grâce ; un appartement standardisé ; jusqu’à la gare ou à la station de métro ou d’autobus un itinéraire monotone ; un trajet inconfortable où chacun, muré dans son silence et sa fatigue, ne retrouve le monde que par les faits divers, la publicité martelante et les trompeuses évasions des journaux populaires ; un travail répétitif où le progrès consiste, au mieux, à substituer à la fatigue physique l’ennui d’une tâche émiettée et répétitive ; un repas pris à la hâte, dans le tumulte et l’indifférence ; un retour tardif, suivi d’un repas où la télévision neutralise toute conversation. Où est, dans cet univers, la place de la culture ? Où, à quel moment pourrait-elle bien s’insérer ? L’action syndicale ou politique, la pratique religieuse, ont déjà du mal à s’y faire une place ; à plus forte raison, la culture désintéressée, dans une vie où tout semble commandé par l’intérêt.
II est permis d’en prendre son parti. [ ...] On peut aussi, avec plus de cynisme, considérer que la création culturelle doit suivre sa propre voie sans se soucier d’être comprise par le plus grand nombre, qui finira bien par en tirer un jour profit, grâce à la vulgarisation et à la propagation des modes. On peut enfin estimer qu’il est suffisant que, dans les différentes classes de la société, une minorité consciente, sélectionnée par le mérite ou par la chance, ait la possibilité d’accéder à la culture.
Mais si l’on pense que le sort des hommes de culture est de ne connaître point de repos tant qu’un seul de leurs contemporains sera privé, du fait de l’organisation de la société, du droit d’accéder si peu que ce soit aux valeurs qui sont l’âme même d’une communauté, si l’on partage l’idée de Jacques Duhamel pour qui la culture est « ce qu’il faut pour qu’une journée de travail soit une vraie journée de vie », on doit admettre qu’en dépit des progrès du niveau de vie et de
«
tours à burea ux, ses échangeurs, ses parkings et sa sonorité particu
lière, si éloignée de « cette paisible rumeur-là » que percevait
VERLAINE, par dessus le toit.
Sans doute, notre époque ne se réduit-elle pas à cela : il faut se
garder d'une vision nostalgique et déformante du passé qui n'en
retiendrait que les éléments pittoresques à nos yeux, alors que tant de
servitudes pesaient sur l'homme.
Le passé d'un peuple n'a pas
tou jours les couleurs attendrissantes d'une kermesse Ramande ou
d'un Angélus de Millet1 1).
Mais il n'est pas possible de parler de culture sans parler du réel ,
de ce qui est vécu par le plus grand nombre de nos concitoyens .
Il faut
sans cesse rappeler ce qu'est la vie d'un travailleur urbain : un
quartier d'H.L.M.
sans grâce ; un appartement standardisé ; jusqu'à
la gare ou à la station de métro ou d'autobus un itinéraire monotone ;
un trajet inconfortable où chacun, muré dans son silence et sa
fa tigue, ne retrouve le monde que par les faits divers, la publicité
martelante et les trompeuses évasions des journaux populaires ; un
travail répétitif où le progrès consiste, au mieux, à substituer à la
fatigue physique l'ennui d'une tâche émiettée et répétitive ; un repas
pris à la hâte, dans le tumulte et l'indifférence ; un retour tardif, suivi
d'un repas où la télévision neutralise toute conversat ion.
Où est, dans
cet univers , la place de la culture ? Où, à quel moment pourrait-elle
bien s'insérer ? L' action syndicale ou politique, la pratique religieuse,
ont déjà du mal à s'y faire une place ; à plus forte raison, la culture
désintéressée, dans une vie où tout semble commandé par l'intérêt.
II est permis d'en prendre son parti.
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] On peut aussi, avec plus
de cynisme, considérer que la création culturelle doit suivre sa propre
voie sans se soucier d'être comprise par le plus grand nombre, qui
finira bien par en tirer un jour prof t, grâce à la vulgarisation et à la
propagation des modes .
On peut enfin estimer qu'il est suffisant que,
dans les différentes classes de la société , une minorité consciente,
sélectionnée par le mérite ou par la chance, ait la poss ibilité d'accéder
à la culture.
Mais si l'on pense que le sort des hommes de culture est de ne
connaître point de repos tant qu'un seul de leurs contemporains sera
privé, du fait de l'organisation de la société, du droit d'accéder si peu
que ce soit aux valeurs qui sont l'âme même d'une communauté , si
l'on partage l'idée de JACQUES DuHAMEL pour qui la culture est.
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