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Jean Cocteau, affirme : « Qu'est-ce qu'un poète ? C'est un homme qui change les règles du jeu. C'est un homme qui met les pieds dans le plat. » Vous expliquerez cette formule et vous vous demanderez, en vous fondant sur vos lectures, si elle permet de définir le rôle du poète et la nature de son activité créatrice.

Publié le 17/01/2022

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Ainsi, le poète en optant pour ce genre littéraire, ajoute au langage d'autres fonctions que celle de la stricte communication d'informations. Le poète ne dit pas « il pleut « mais associe le phénomène à son coeur comme Verlaine :

« Il pleure dans mon cœur

Comme il pleut sur la ville. «

ou Baudelaire qui en fait le miroir de son âme spleenétique :

« ... Quand la pluie étalant ses immenses traînées

D'une vaste prison imite les barreaux. « (Spleen.)

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« D'une vaste prison imite les barreaux.

» (Spleen.) La poésie moderne élargit ses audaces langagières, à partir du XIXe siècle, époque à laquelle elle s'affranchit de laprosodie classique, adopte un vocabulaire plus vaste et jongle avec les images.

Le XIXe siècle voit d'ailleurs semultiplier les poètes maudits, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, dont la difficile insertion révèle sur le plan sociall'anticonformisme de leurs oeuvres.

Liaisons hétéro ou homosexuelles, usage de la drogue, alcoolisme, censuregouvernementale ; ces traits ne sont pas uniquement anecdotiques.

Ils témoignent de cette « différence »essentielle du poète par rapport aux stéréotypes ambiants. Le poète est le maître d'un langage propre à son oeuvre, à sa sensibilité, à son courant littéraire éventuellement,dont il est seul à définir les règles.

Cette maîtrise du langage est également liée à une vision toute personnelle dumonde.

Là encore, par sa sensibilité exacerbée, par sa subjectivité et la démultiplication des visions qui en résulte, le poète « change les règles du jeu et met les pieds dans le plat ». Tout artiste peut se définir par une présence au monde exceptionnelle, une sensibilité particulière et une aptitude àla traduire par le langage.

Ces caractéristiques sont particulièrement nettes chez le poète.

Celui-ci peut s'attacherau plus banal, témoin le recueil de Francis Ponge, Le Parti pris des choses, où le poète entreprend la description des éléments les plus banals de notre existence : le pain, le mollusque, la pluie, l'eau, la crevette.

Revivifiés par unregard neuf, ces objets acquièrent une nouvelle présence.

Le pain devient un microcosme en formation, la mie unmilieu tenant à la fois du végétal et du maladif, « la surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurusou la Cordillère des Andes.

[...] Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui deséponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois ».

Selon le tempérament des poètes, les pôles d'intérêt divergent.

La poésie de Saint-John Perse, par exemple, est cosmiquecomme le montrent les titres des recueils Vents, Neiges, Pluies.

Un poème comme Vents embrasse la surface géographique des États-Unis, son histoire également.

Chez d'autres, c'est le sens de l'histoire qui prédomine : parexemple, dans le recueil de La Légende des siècles de Victor Hugo.

D'autres poètes traitent à différentes époques les thèmes lyriques éternels de l'amour, de la fuite du temps, de la mort.

Ronsard, Lamartine, Apollinaire, Aragonsont quelques noms entre beaucoup d'autres à reprendre ces grands sujets dans leurs poèmes complètementimprégnés de leur sensibilité. Cette attention particulière au monde extérieur se double d'une subjectivité particulière qui confère son originalitéau texte poétique, qui le signe et l'authentifie, l'ancre dans l'oeuvre du poète.

Ces visions si particulières expliquentque la représentation du monde soit réfractée dans un univers mental original.

Ainsi, toutes les évocations deBaudelaire dans Les Fleurs du Mal, de l'amour, de la mort, de la grande ville, du vin sont associées à l'univers mental de Baudelaire, nature bivalente partagée entre le Spleen et les différents moyens d'y échapper et l'illusoire Idéal.

Demême, les valeurs de l'amour, de la sensualité, de la force conquérante dominent les textes de Saint-John Perse notamment dans Amers consacré à l'amour et dans Vents poème épopée d'une marche réelle et symbolique vers l'Ouest du continent américain.

Cette imprégnation du monde extérieur par la sensibilité du poète apparaît parexemple dans la plaquette intitulée Rhénanes contenue dans le recueil d'Alcools d'Apollinaire.

La vision de l'Allemagne dans ces poèmes s'explique par le séjour d'Apollinaire dans cette région et ses amours malheureuses avec la jeunegouvernante anglaise Annie Playden.

Des poèmes comme « Colchiques », « La Tzigane » témoignent de cette vision mélancolique, à la douceur amère : « ...

Le colchique couleur de cerne et de lilas Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là Violâtres comme leur cerne et comme cet automne Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne.

» (Les Colchiques) ; « ...

La Tzigane savait d'avance Nos deux vies barrées par les nuits.

» (La Tzigane). Ainsi se constitue pour le lecteur une pléiade de visions fragmentées du monde qui témoignent de la sensibilité et dela richesse intérieure du poète : — fuite du temps vue par Ronsard dans « Quand je suis vingt ou trente mois Sans retourner en Vendômois...

», — par Lamartine dans Le Lac par exemple « Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages,. »

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