«Jean-Baptiste Clamence dans la Chute de Camus
Publié le 10/01/2020
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« nouveau roman » auxquelles on l'a parfois apparenté1.
Nous savons que la même année que La Chute parut L'Ère du soupçon, do Nathalie Sarraute, recueil d'articles qu'on lira presque comme une charte du « nouveau roman ». L'auteur y manifestait sa déception qu'après avoir paru soustraire L'Étranger à la psychologie, Camus fût revenu, à la fin de son roman, à ses «mauvais instincts». Meursault apparaît en effet tout au long du récit comme une conscience brute, qui enregistre les phénomènes du monde extérieur, avant de manifester dans les toutes dernières pages des pensées et des sentiments (révolte, tendresse, haine...) tels qu'on pourrait les trouver dans un roman traditionnel. La Chute, qu’on peut considérer du premier au dernier mot comme un récit psychologique, avait de quoi ruiner les derniers espoirs de Nathalie Sarraute : Camus n'était décidément pas des siens. Mais après tout, puisqu'il se donnait pour but, dans L'Étranger comme dans La Chute, d'étudier des «prises de conscience», il n'avait guère le choix des moyens, et l'analyse psychologique peut n'être pas indigne d'un écrivain moderne.
Psychologue et moraliste. Camus se situe dans la lignée des grands romanciers français, de Mme de Lafayette à François Mauriac. Mais, dans La Chute, l'analyse psychologique est implicite; elle se dégage des propos mêmes de Clamence : Camus n'intervient pas en tant qu'auteur pour l'éclairer, pas plus qu'il ne tire la leçon morale du récit qu'il nous soumet.
Le paradoxe de Clamence
Le paradoxe de Clamence vient de ce qu'il affirme son désir éperdu de sincérité en même temps qu’il s'affirme comme un homme à double face, autant dire un menteur. Mais quand il dit qu’il ment, dit-il la vérité? Ses acrobaties inteilectuelles peuvent servir à montrer que le problème n'est pas simple et qu'on ne saurait jouer à «vrai ou faux» comme on joue à «pair ou impair». Comme La Chute, le mensonge est pour Clamence moins un événement qu'un état. Du jour où il s'est aperçu qu'il était capable de mentir

«
choisi par le héros de La Chute.
Si Clamence rêve de se
faire «décapiter» (p.
152), châtiment que ne justifient nulle
ment ses crimes antérieurs, c'es t parce que dans sa «soif
du martyre», comme dirait Camus1, il veut s'identifier jus
qu 'au bout à saint Jean-Baptiste, décapité en 28 ap .
J.-C.
sur l'ordre d'Hérode Antipas .
Le lecteur ne connaîtra jamais
la vér itable identité du héros de La Chute : s'il la déclinait.
il porterait une étiquette avec laquelle il serait classé une
fois pour toutes (p.
52).
À cette étiquette, il préfère un
symbo le, dont il joue à sa convenance et qui lui perme t
d'entretenir l'ambiguïté .
On peut trouver vra isemblab le que le héros décline son
identité (vraie ou fausse) à un inconnu .
Il est en revanche
moins plausible qu' il se décr ive lui-même physiquement,
pu isque l'autre le voit.
De ce physique, qui diffère de celui
de Camus2, nous savons seulement ce que Clamence met
en valeur pour les nécessités de sa démonstrat ion .
De ses
vêtements, nous savons ce qu'i l en dit pour ma rquer leur différence avec ceux de son inter locuteur (p.
13-14).
Ce
sont là plus ou moins des artifices de !'écrivain, mais ces
artifices sont indispensab les à la curiosité du lecteur :
ce lui-ci a besoin de se représenter concrètement ce per
sonnage omniprésent.
La profession de Clamence pourrait se deviner d'emblée
à des tics d'expression, comme «plaider votre cause»
(p.
7).
Il aime le «beau langage» (p.
10) .
Il est vrai que,
quand il dit pour la première fois qu' il était avocat avant de
devenir juge-pénitent (p.
12), le lecteur ne sait s'il faut
prendre cette confidence au pied de la lettre : le caractère
évidemment fantaisiste de la seconde profess ion (juge
pénitent) jette un doute sur l'authenticité de la première
(avocat).
Mais l'histoire, par son contenu, donne ra crédibi
lité à son affirmation.
Le passé de Clamence
Tout personnage romanesque digne de ce nom est doté
d'u n passé.
Celu i de Clamence forme le tissu même de
1.
Voir ci-dessus, p.
24.
2.
Voir ci-dessus, p.
30-31..
»
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