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Jean Anouilh et Edmond Rostand Ou la magie du théâtre

Publié le 13/03/2011

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anouilh

 

 

« Lignières, sévèrement. Et le théâtre ! vous l’aimez ?

Ragueneau. Je l’idolâtre. «

 

Cyrano de Bergerac, Acte I, scène 2.

 

 

Edmond Rostand[1]  qui a régné sur le théâtre de la « Belle époque «[2],  a exercé une influence  profonde sur   Anouilh, influence dont on commence[3] à peine  à  mesurer toute la résonance dans son œuvre.

Dans sa pièce Cher Antoine ou l’amour raté  (1977) qui  se déroule en 1913, c’est- à -dire à une époque  où la gloire de Rostand est à son zénith, puisque comme le rappelle Pierre Citti « le 3 mai 1913, la Porte-Saint-Martin fête la millième  représentation de Cyrano «[4], Anouilh situe l’histoire  de son héros Antoine de Saint-Flour par rapport  à l’époque d’Edmond Rostand : 

«  Antoine est un « grand auteur dramatique « français en 1913 - cette époque déjà perdue dans la nuit des temps - du temps où les bêtes parlaient...

Du temps où le gérant du Pavillon Henri IV où Rostand, qui y déjeunait chaque jour en famille (le maître, Rosemonde[5], les garçons en culottes de velours, la gouvernante et sans doute quelque secrétaire frémissant) s'étant plaint un jour d'être importuné par ses admirateurs, extasiés, à ses moindres coups de fourchette et ayant exigé un paravent - le gérant atterré, faisait confectionner dans la nuit un paravent de glaces, qui isolait le maître sans le dérober tout à fait aux regards, pour que le culte puisse continuer... Ce que Rostand, d'ailleurs, acceptait sans sourciller, conscient de ses responsabilités royales... «[6]

anouilh

« Anouilh, né en 1910, et dont la vocation théâtrale s'est éveillée à une époque dominée par le génie flamboyant de Rostand.

« On ne possède pas d'information sur la période exacte pendant laquelle Jean Anouilh découvre lepersonnage de Rostand, mais il y a fort à parier que c'est une découverte qui remonte à sa première enfance » [7] , écrit Jean-Marie Apostolidès.

Comme le Cyrano de Bergerac de Rostand été créé le 28 décembre 1897 par Coquelin aîné, qu'il a été édité pour la première fois à la Librairie Charpentier et Fasquelle, à Paris, en 1898, que L'Illustration [8] a rendu compte du succès de cette pièce dans sa livraison du 8 janvier 1898 en reproduisant un portraitd'Edmond Rostand, et que de nombreuses éditions populaires illustrées ont commencé àparaître dès 1899, il est donc fort probable que le jeune Anouilh, qui n'avait pas les moyens d'aller au théâtre [9], ait pris connaissance de Cyrano dans l'une de ces publications populaires comme celle d' Armand Magnier [10] ou de Pierre Lafitte [11] par exemple, qu'il avait l'habitude de feuilleter sur les quais de la Seine, sans doute en 1918, l'année où la mort prématurée d'Edmond Rostand à l'âge de cinquante ans, frappa de stupeur l'opinion publique [12] et relança l'intérêt pour son Cyrano .

La lecture de cette oeuvre semble avoir fortement impressionné le jeune Anouilh puisqu'elle asuscité en lui le désir d'imiter le « Maître », car, évoquant ses débuts d'écrivain, JeanAnouilh se rappelle que dans sa jeunesse, il avait pastiché la célèbre pièce de Rostand :« A dix ans, j'écrivais déjà des pièces en vers où je copiais Rostand.

J'ai refait Cyrano .

» [13] Plus tard, en 1926, alors qu'il n'a que 16 ans, il écrit l'un de ses premiers articles parus dans L'Heure joyeuse , « Coq- à - l'âne dédié aux gens raisonnables », dans lequel il tourne en dérision les « vieilles barbes » [14] qui ne jurent que par ce qui est raisonnable, et leur oppose les élans impétueux de la passion et de l'imagination dont on trouve l'exempleet la source dans le Cyrano : « Vous avez beau leur dire avec Rostand …C'est plus beau lorsque c'est inutile Ils haussent les épaules et s'en vont l'air digne, sans tenir compte de la longueur de leursenjambées. Mettre quand il vous plaît un feutre de travers Pour un oui ou un non se battre ou faire un vers dit encore Rostand qui fut un grand poète, donc un grand ennemi de la raison (…)» [15] Il fait alors l'éloge de la chèvre de M.

Seguin et de Cyrano.

« Je termine par un conseil : soyez insouciant comme la chèvre de M.

Seguin, soyez fou comme Cyrano ; rêvez beaucoup ; méprisez la raison et vous n'auriez pas gâché votre vie.

» [16] Outre cette admiration que le jeune Anouilh a vouée à l'idéal moral qu'a représenté à ses yeux, Cyrano, la pièce de Rostand semble l'avoir également enchanté par le thème des deux amis amoureux de la même femme, mais aussi par la place qu'elle fait au théâtre, aux gens du théâtre, et même au public qui fréquente le théâtre.

Le premier texte dramatique de Jean Anouilh, portant le titre de Mondory et Tabarin [17] - et qui est daté de juin 1924 [18] - aborde le thème obsédant des deux amis [19] amoureux de la même femme comme dans le Cyrano de Rostand.

Mais outre ce thème, c'est le choix de situer cette intrigue parmi les gens de théâtre qui retient notre. »

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