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Jean Anouilh, Antigone (1944). Extrait commenté

Publié le 10/01/2020

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Jean Anouilh, Antigone (1944).

ISMÈNE - Tu sais, j'ai bien pensé, Antigone.

ANTIGONE - Oui.

ISMÈNE - J'ai bien pensé toute la nuit. Tu es folle.

ANTIGONE - Oui.

ISMÈNE-Nous ne pouvons pas.

ANTIGONE, après un silence, de sa petite voix. - Pourquoi ?

ISMÈNE - Il nous ferait mourir.

ANTIGONE - Bien sûr. À chacun son rôle. Lui, il doit nous faire mourir, et nous, nous devons aller enterrer notre frère. C'est comme cela que ç'a été distribué. Qu'est-ce que tu veux que nous y fassions ? ISMÈNE - Je ne veux pas mourir.

ANTIGONE, doucement - Moi aussi j'aurais bien voulu ne pas mourir.

ISMÈNE - Écoute, j'ai bien réfléchi toute la nuit. Je suis l'aînée. Je réfléchis plus que toi. Toi, c'est ce qui te passe par la tête tout de suite, et tant pis si c'est une bêtise. Moi, je suis plus pondérée. Je réfléchis.

ANTIGONE - II y a des fois où il ne faut pas trop réfléchir.

ISMÈNE - Si, Antigone. D'abord c'est horrible, bien sûr, et j'ai pitié moi aussi de mon frère, mais je comprends un peu notre oncle.

ANTIGONE - Moi je ne veux pas comprendre un peu.

ISMÈNE - II est le roi, il faut qu'il donne l'exemple.

ANTIGONE - Moi, je ne suis pas le roi. Il ne faut pas que je donne l'exemple, moi... Ce qui lui passe par la tête, la petite Antigone, la sale bête, l'entêtée, la mauvaise, et puis on la met dans un coin ou dans un trou. Et c'est bien fait pour elle. Elle n'avait qu'à ne pas désobéir !

ISMÈNE - Allez ! Allez !... Tes sourcils joints, ton regard droit devant toi et te voilà lancée sans écouter personne. Écoute-moi. J'ai raison plus souvent que toi.

ANTIGONE - Je ne veux pas avoir raison.

ISMÈNE - Essaie de comprendre au moins !

ANTIGONE - Comprendre... Vous n'avez que ce mot-là dans la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu'on ne peut pas toucher à l'eau, à la belle eau fuyante et froide parce que cela mouille les dalles, à la terre parce que cela tache les robes. Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans ses poches au mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille. (Elle achève doucement.) Si je deviens vieille. Pas maintenant.

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« **** Antigone : fille d' Œdipe, roi de Thèbes, et de la reine Jocaste.

Personnage mythique. Antigone d’Anouilh (1910-1987) : reprise, au XXe siècle, du fameux mythe grec.

Antigone est une héroïne tragique mais Anouilh a présenté ce personnage et son histoire sous un angle différent, en rupture avec la tradition de la tragédie grecque. Pièce écrite pendant la Seconde Guerre Mondiale. Œdipe a eu deux fils, Etéocle et Polynice, ainsi que deux filles, Antigone et Ismène.

À sa mort ses deux fils se sont entretués pour prendre le pouvoir.

Leur oncle, Créon, refuse d'enterrer Polynice qu'il considère comme un traître.

Antigone décide de lui rendre malgré tous les honneurs funèbres. Ismène tente de l'en dissuader. I- Deux s œurs A- Ismène Ismène (présentée par le prologue comme une très belle jeune femme). • Aînée => veut conseiller sa petite s œur, l’empêcher de faire ce que cette dernière avait prévu. • A réfléchi.

Ex : « j'ai bien pensé » ; « J'ai bien pensé toute la nuit ». • Veut apaiser Antigone.

Cf.

« Allez ! Allez !...

» ; « Écoute-moi.

J'ai raison plus souvent que toi ». • Ismène est raisonnable.

Cf.

« II est le roi, il faut qu'il donne l'exemple ». Essaye d’entendre chaque avis.

Cf.

« D'abord c'est horrible, bien sûr, et j'ai pitié moi aussi de mon frère, mais je comprends un peu notre oncle »… Argumentation, connecteurs logiques.

Cf. « D’abord » ; « et » ; « mais » + nuance « un peu »… NB : Ismène parle moins que sa s œur (et au théâtre, celui qui domine, c’est celui qui parle). B- Antigone • « la petite Antigone, la sale bête, l'entêtée, la mauvaise » > cf.

le prologue qui présente Antigone comme une jeune fille laide, maigre… • Parle le plus dans cette scène. • Début > calme.

Cf.

« doucement » ; « de sa petite voix ».

Dans sa dernière réplique, elle s’échauffe puis se calme de nouveau.

« ( Elle achève doucement .) ». • « Tes sourcils joints, ton regard droit devant toi » > tout le physique d’Antigone traduit, reflète ses idées.

Sourcils « joints » > air décidé, sérieux.

« droit devant toi » > sait ce qu’elle veut, ce qu’elle fera.. »

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