« Je crois qu'une oeuvre d'art, quelle qu'elle soit, vit à deux conditions : la première, de plaire à la foule, et la seconde, de plaire aux connaisseurs. Dans toute production qui atteint l'un de ces deux buts, il y a un talent incontestable... Mais le vrai talent, seul durable, doit les atteindre tous les deux à la fois. » Que pensez-vous de ce jugement de Musset ? Vous justifierez vos arguments par des exemples empruntés à la littérature ou au cinéma.
Publié le 21/02/2011
Extrait du document
Dans le corrigé, on a choisi uniquement des exemples empruntés à la littérature. Il conviendrait d'élargir votre devoir par des références au cinéma.
I. Plaire la foule.
II. Plaire aux connaisseurs.
III. Les dangers de ces deux positions.
«
création d'une oeuvre belle (« le but de l'art, c'est le beau avant tout »).
De tels auteurs prêteront une grandeattention à la forme de ce qu'ils composent, même si la subtilité de cette forme n'est pas décelable par tous (cf.
lesraffinements du sonnet en général ; à la pointe de cette tendance, voir les poèmes de Mallarmé, comme ce sonnetqui privilégie la rime rare en « yx », ponctuant les vers de mots aussi peu courants que (« onyx...
ptyx...
nixe...
»).
III.
Les dangers de ces deux positions.
1.
Les excès de la complaisance.Ceux qui ne pensent qu'à « plaire à la foule » peuvent avoir du talent...
Mais ils risquent de succomber à latentation de la facilité.
On constate par exemple que Molière, pour plaire au parterre, n'hésite pas à recourir souventau comique de farce ; que le drame bourgeois du XVIIe siècle qui exploite volontiers la sensiblerie du public, estaffligeant de mièvrerie ; que les romans de cape et d'épée et les romans noirs du siècle dernier ne brillent pas parleur subtilité, et font même souvent jouer des ressorts vraiment gros.
Même des poètes — leur art étant à l'ordinairemoins démagogique que d'autres, parce que de diffusion plus restreinte — se laissent parfois aller à une facilitéexcessive (cf.
certains vers de Victor Hugo : « Mon père, ce héros au sourire si doux »...
« Donne-lui tout de mêmeà boire, dit mon père »).
2.
Les dangers d'une trop grande recherche.Il faut véritablement une aptitude toute particulière pour « plaire aux connaisseurs »...
L'exploitation par l'auteur deson talent le conduit alors quelquefois à une virtuosité extrême, pas toujours heureuse à y réfléchir.
On a pu direpar exemple que Beaumarchais, à certains moments de ses pièces, cède aux « tentations de l'esprit », quand ilemploie des formules un peu trop ingénieuses, ou fait parler ses personnages de façon trop « savante » (cf.
la «tirade de la calomnie » dans Le Barbier de Séville) ; ces moments ne sont pas en effet adaptés aux exigences de lascène.
D'autres fois, des écrivains qui cherchent trop à faire montre de leur virtuosité dans le domaine techniqueperdent, à force de réduire leur audience, tout contact avec les lecteurs.
A la fin du Moyen Age, les GrandsRhétoriqueurs s'adonnent à une poésie faite uniquement, pourrait-on dire, de raffinements de style, d'acrobaties deversification.
Plus près de nous, Mallarmé pratiquera un art de plus en plus hermétique (on a besoin de gloses pourcomprendre ses vers), jusqu'à oublier complètement la notion de la nécessaire communication d'une œuvre à unlecteur.
CONCLUSION
N'est-ce pas Musset qui a raison, dans l'équilibre que suppose sa formule concernant les buts de la productionartistique : « Le vrai talent...
doit les atteindre tous les deux à la fois » ? On a vu que l'une et l'autre des attitudesqu'il envisage se justifient d'une certaine façon, mais qu'elles comportent chacune des dangers.
On apprécie sansréserve les oeuvres qui concilient ces deux formes de talent, les Fables de La Fontaine par exemple, fruit de « cetheureux art...
qui cache ce qu'il est et ressemble au hasard », capables de plaire à « la foule » par leur diversité,leur vie, et aux « connaisseurs.» par leurs nuances et par la, science des ressources du vers qu'y déploie leurauteur.
La seule objection que l'on puisse opposer à Musset, c'est son emploi du mot « foule », qui risque de fairecroire à une démagogie de la part de l'écrivain ; on y préférera celui de « public », qui suppose une certaine notionde la communion entre auteur et lecteurs, condition de la « vie » d'une œuvre d'art..
»
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