James Joyce : sa vie et son oeuvre
Publié le 15/11/2018
Extrait du document

Pola et Trieste
• En 1904, le jeune couple quitte l'Irlande et, via Zurich, s'installe à Pola, en Croatie, où Joyce se fait engager à l'école Berlitz. Joyce continue à rédiger Stephen le héros. Mais il est expulsé de Pola par les Autrichiens, qui le croient impliqué dans un réseau d’espionnage.
• À partir de 1905, Joyce enseigne l'anglais à l'école Berlitz de Trieste. Dans cette ville, il se lie d'amitié avec Italo Svevo (1861-1928), qu'il encourage à écrire.
• Le 27 juillet 1905 naît son fils, Giorgio. Joyce est rejoint par son frère Stanislas, qui est engagé aussi chez Berlitz.
• La vie de Joyce est faite de leçons, de longues beuveries nocturnes et de séances diurnes d'écriture.
• En 1906, il achève sa série de nouvelles Cens de Dublin. Elles sont difficiles à éditer. D'abord, Joyce aborde des thèmes difficiles, comme la profanation ou la pédophilie. Mais, surtout, le caractère très référentiel des noms et des toponymes font craindre aux éditeurs potentiels des procès pour calomnie. Joyce confie Gens de Dublin à l'éditeur anglais Grant Richards, qui lui demande des corrections, puis lui annonce que, malgré leur contrat, il ne publiera pas le recueil.
• En 1906, Joyce a la première idée d'Ulysse. Ce sera l'histoire d’un juif de Dublin qui passe pour cocu.
UNE REVOLUTION DANS LA LITTERATURE MONDIALE
Écrivain irlandais à la personnalité torturée, très tôt expatrié, James Joyce (1882-1941) a créé l'une des œuvres romanesques les plus complexes et les plus éminentes de la littérature européenne.
Cens de Dublin (1914), Ulysse (1922) - une «cathédrale de prose» qui a provoqué des réactions passionnées, depuis les procès pour obscénité jusqu'aux déclarations admiratives des plus grands écrivains contemporains - et Finnegans Wake (1939) forment le cycle joycien, qui a révolutionné la littérature.
LES DÉBUTS IRLANDAIS
Une famille atypique
• James Joyce naît le 2 février 1882 à Rathgar, un faubourg de Dublin, dans une famille catholique de vieille souche. Son père, John Stanislaus Joyce, travaille comme employé à la perception de Dublin puis comme secrétaire dans une distillerie. James est l'aîné d'une fratrie de quinze enfants.
• Son enfance est marquée par les frasques paternelles et les déménagements fréquents. Peu à peu, les dettes s'accumulent, et la famille sombre dans la misère.
La formation jésuite
• James Joyce entre à six ans au collège des jésuites de Clongowes Wood, dans le comté de Kildare.
Des études de mathématiques, de sciences et l'apprentissage du sport complètent l’enseignement traditionnel en rhétorique, en instruction religieuse et en latin. L'enfant souffre de brimades mais reçoit une solide éducation classique.
• L'enfance de Joyce est indissociable de la crise que connaît l'Irlande après la disparition du leader nationaliste Charles Parnell (18461891). Parnell est déconsidéré par un adultère en 1890 et meurt en 1891.
C'est à cette occasion que Joyce écrit son premier poème, Et tu Healy!
• Faute de moyens financiers familiaux, Joyce cesse de fréquenter le collège de Clongowes Wood. Il est envoyé pendant quelques mois à l'école des Christian Brothers de son quartier. En 1893, le collège du

«
UNE
ŒUVRE POLÉMIQUE
• En août-septembre 1909, Joyce
séjourne avec son fils en Irlande et
cherche à faire publier Gens de Dublin.
• En octobre 1909, lors d'un nouveau
voyage à Dublin, Joyce ouvre un
cinéma.
Ille
laisse à un , .�
·' Il associé,
et le
cinéma fait
faillite dès
l'été 1910.
à nouveaux des leçons.
À
son retour
à Trieste,
Joyce donne
• La publication de Gens de Dublin est
retardée de mois en mois.
En février
1911, l'éditeur irlandais Roberts, chez
Maunsel, lui conseille d'enlever tous
les passages relatifs au roi d'Angleterre.
Joyce a alors l'idée d'écrire à George V
pour lui demander de statuer.
Son
secrétaire répond en août "qu'il n'est
pas dans les règles pour Sa Majesté
d'exprimer une opinion en des cas
semblables».
• Joyce relate dans une lettre ouverte à
la presse irlandaise l'épopée éditoriale
des Gens de Dublin.
Cette lettre est
publiée par le Sinn Féin de Dublin et le
Northern Whig de Belfast.
• L'année 1912 est une des plus
misérables de la vie de Joyce.
Il fait un
court séjour -le dernier- en Irlande,
revoit l'éditeur Roberts, qui prétend
maintenant que Gens de Dublin est anti
irlandais et lui demande de nouvelles
coupes.
Les tracasseries ne cessen� et le
bras de fer avec l'éditeur se durcit En
septembre, les épreuves sont détruites
par l'éditeur, qui renonce au projet.
• En 1913, Joyce retrouve à Trieste ses
dettes mais obtient un poste de
professeur à l'École supérieure de
commerce.
li
reçoit alors une
lettre du poète
et critique
américain Ezra
Pound (1885-
1972), qui
s'offre à l'aider.
Joyce lui envoie
Portrait de l'artiste et Gens de Dublin.
Dans la revue tgoïste commence à
paraître par tranches Portrait de l'artiste,
et Ezra Pound publie un article
retraçant l'odyssée éditoriale de Gens
de Dublin.
• En 1914, Gens de Dublin parait à
Londres chez Grant Richards.
Les
commentateurs rapprochent ce recueil
des écrits de Flaubert.
de Maupassant et
des romanciers naturalistes français.
• Joyce achève le Portrait à l'été 1915,
compose une pièce de thé�tre, Exiles
(Les Exilés), sur la peur d'être trompé,
et commence Ulyss e.
Il veut écrire un
roman véritablement polyphonique et
notamment utiliser la technique du
monologue intérieur.
Le contrepoint
du mythe et du fait l'Intéresse aussi
particulièrement Dans Ulysse.
s'il
recourt à la légende homérique et
posthomérique, il ancre aussi le roman
dans sa propre biographie.
• Le 28 juillet 1914, l'Autriche déclare la
guerre à la Serbie.
Comme les Irlandais
entrent en guerre aux côtés des
Britanniques, Joyce est fait prisonnier
sur parole à Trieste.
En 1915, il obtient
l'autorisation d'entrer en Suisse et se
fixe à Zurich jusqu'en 1919.
UNE NOTORIÉTt GRANDISSANTE
• Joyce reprend ses leçons d'anglais.
En août 1915, le Premier ministre
britannique accorde à Joyce 100 livres
sur la liste civile.
Joyce travaille à Ulysse.
• En 1917, ses troubles visuels
s'accentuent (en août, iridectomie sur
l'œil droit).
Il forme une troupe pour
donner des pièces en anglais.
• En 1917, il publie Portrait de l'artiste en
jeune homme à New York.
les éditeurs
anglais ayant refusé le manuscrit.
Sa
réputation grandit dans les milieux
intellectuels.
• En 1918, Les Exilés sont publiés à
Londres et aux États-Unis.
Ulysse paraît
par chapitres dans The Little Review.
un
magazine d'avant-garde.
James Joyce
connaît un mieux financier grace aux
dons de mécènes comme Mlle Weaver
ou Mme MacCormick.
•
En octobre 1919, Joyce regagne
Trieste.
La
rédaction d'Ulysse
continue.
Les
épisodes aux
noms homériques
(Télémaque,
Nestor, Protée,
Calypso ...
)
naissent avec
beaucoup de
difficultés.
Il passe plus de mille heures
sur le chapitre «Les Bœuf5 du soleil».
• En 1920, venu à Paris pour une
semaine, Joyce s'y installe sur les
conseils d'Ezra Pound.
Il fréquente
Valery LariHiud
(1881- 1957), Louis
Aragon (1897-1982),
Paul Eluard (1895-
1952).
Dans un
dîner, il converse
brièvement avec
Marcel Proust (1871-
1922).
Il rencontre
surtout Sylvia Beach, directrice de la
librairie «Shakespeare and Company»,
et Adrienne Monnier, directrice de la
Maison des amis du livre.
• Alors même que sa vie devient plus
rangée, Joyce est l'objet dans la presse
des rumeurs les plus fantaisistes : on
parle de son bain quotidien dans la
Seine, des miroirs qui l'entourent dans
son travail et des gants noirs qu'li porte
pour se mettre au lit.
• En janvier 1920, le numéro de The
Little Review contenant le chapitre
d'Ulysse " Les cyclopes» e� en juillet
août, celui avec «Nausicaa» sont
censurés.
Plainte est déposée par la
Société de prévention du vice.
Le procès
se tient en février 1921.
Les directrices
de la revue, Margaret Anderson et Jane
Heap, sont condamnées à une amende
de 50 dollars.
Les éditeurs américains
de Joyce rejettent alors l'idée de publier
l'ouvrage.
LA PUBLICATION o'UtYSSE
• En 1921, Joyce achève Ulysse.
Sylvia
Beach propose de l'éditer.
Dans sa
librairie «Shakespeare and Company»,
elle organise le 7 décembre une soirée
en l'honneur de Joyce, et c'est Valery
r----------------''---------------1 Larbaud qui présente le livre aux
LE CYCLE JOYCIEN
• Gens de Dublin, ou Dublinois (en
anglais Dubliners, 1914) campe, en
portant sur eux un regard critique, des
types de personnages appartenant à
la bourgeoisie irlandaise du début du
XX' siècle.
Cette suite de nouvelles «où
l'objectivité naît de l'examen attentif
de l'univers intérieur» (y.
Larbaud),
amorce la technique narrative que
développera ukérieurement l'auteur,
celle du monologue secret D'où la
gageure pour les cinéastes qui ont tenté
l'adaptation à l'écran, par exemple John
Huston (The De01J, ou Les GeiiS de
Dublltl.
1987}, avec sa fille Anjelica
dans l'un des rôles principaux.
·U lysse (1922) est un voyage
initiatique, à l'Instar du périple mythique
de L'Odyssée, en «dix-huit
livres et dix-huit langages».
Dans une
unité de temps (un seul jour) et de lieu
(Dublin) rigoureuse, la déambulation
entre bord de mer, rues, écoles,
maisons, cimetières, bibliothèques,
bars, bordels, ouvre sur une infinité
de thèmes (parties du corps, couleurs,
pensées, activités, etc.) et de modes
d'expression (récit éloquence,
rhétorique, etc.) qui justifie l'Image
de «cathédrale de prose» accolèe à
l'œuvre.
Une adaptation cinémato
graphique en a été donnèe par Joseph
Strick en 1967 et par Sean Walsh
(Bioom) en 2003.
• Finnegans Wake (1939), construit
autour du thème du sommeil.
est
complexe, insaississable et riche
comme les rêves.
Des personnages
métaphoriques évoluent dans des
cercles, des cycles autour du Temps,
le temps de la mémoire, le temps du
monde.
250
invités.
• l'action se passe en un jour, à Dublin,
le 16 juin 1904 Gour de la rencontre
James-Nora).
Le personnage d'Ulysse
est transposé en petit employé juif,
Léopold Bloom.
Stephen Dedalus, jeune
irlandais poète, est Télémaque.
Marion,
femme adultère de Bloom, est
Pénélope.
Rien n'arrive d'extraordinaire
au cours de cette journée.
Bloom et
Dedalus errent dans la ville, vaquant à
leurs affaires, et se retrouvent le soir
dans un bordel.
Dublin y est à la fois
minutieusement décrite et
fantastiquement transformée.
Chaque
épisode correspond pourtant à un
épisode de L'Odyssée d'Homère.
Mais la
parodie débouche sur une mise en
cause du monde moderne.
• l'écriture surtout fait d'Ulysse une
hydre absolue.
Joyce mélange tous les
styles et les registres de langue,
multiplie les références et utilise une
syntaxe complètement libérée, apte à
traduire la vie du "moi».
Il développe notamment
la technique du monologue
intérieur, qui lui sert à manifester la
trame ininterrompue de l'existence.
• Le travail d'édition dure près de deux
ans.
Joyce exige cinq jeux d'épreuves
successifs (quand l'usage est d'un seul),
récrit la quasi-totalité du texte en
ajoutant près de deux cents pages au
manuscrit initial.
Plusieurs fois, dactylos
et typographes refusent de taper ou
composer un texte jugé illisible et
subversif.
La première édition contient
d'ailleurs prés de 2500 «coquilles»
(fautes typographiques).
• Le 2 février 1922, Ulysse parait à Paris
chez "Shakespeare and Company».
Sylvia Beach a réussi à publier cette
œuvre dans son intégralité gràce aux
souscriptions de nombreux intellectuels
mobilisés à cette occasion : Ezra Pound,
Paul Valéry, André Gide, Ernest
Hemingway, etc.
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AVEUGU COMME HoMhE
• Joyce continue à consulter dans toute
l'Europe des spécialistes des yeux.
En
1923, on lui arrache dix-sept dents,
opération nécessaire avant une
trabéculectomie de l'œil, ce qui amène
une amélioration sensible mais
temporaire de sa vue.
• Le 11 juin 1924, il se soumet à une
troisième opération : une iridectomie
sur l'œil gauche.
Le 30 novembre,
quatrième opération, pour éliminer une
cataracte secondaire.
Joyce travaille
néanmoins avec acharnement, une
loupe à la main.
Malgré la douleur et la
cécité intermittente, il fait avancer ces
ouvrages.
WORK IN PROGRESS
• Les matériaux d'un nouvel opus
s'amassent lentement dans son esprit.
Le 10 mars 1923.
il commence l'ouvrage
qui va l'occuper seize années, mais dont
il garde le titre secret.
Ce sera le livre
d'une nui� comme Ulysse est le livre
d'un jour.
• En avril 1924, la Transatlantic Review
publie un fragment de ce nouvel opus
sous le titre Work in Progress (Œuvre
en cours), que Joyce approuve, et cela
restera le titre du livre jusqu'en 1939.
• À partir d'avril 1927, des tranches de
l'ouvrage paraissent dans la revue
Transition d'Eugène et Maria Colas.
Mais des critiques de plus en plus
véhémentes s'élèvent.
Beaucoup des
admirateurs initiaux de Joyce, tel Ezra
Pound, trouvent le livre insensé.
Les
mots, les noms, les verbes obéissent à la
technique du phénomène freudien de
«condensation».
DE PLUS EN PLUS INTERNATIONAl.
·En 1927, la revue américaine Two
Worlds Monthly publie des extraits
importants d'Ulysse sans rien avoir
négocié avec Joyce, en se targuant du
fait que les Ëtats-Unis n'ont pas signé la
convention de Berne sur le copyright.
Joyce suscite une protestation
internationale signée par 167 écrivains
de premier plan, dont Gide, Wells, Paulhan,
T.
S.
Eliot, Lawrence,
Maeterlinck, Pirandello ...
• Cette même année 1927 parait sans
grand retentissement un recueil, Dix
Sous de poèmes (Parnes Penyeach),
où il joue sous forme poétique avec
le langage.
• En 1928, Joyce publie à New York
Anna Livia Plurabel/e, un extrait de
Work in Progress, et en 1931, supervise
la fin de sa traduction française.
Commencée par Samuel Beckett et
Alfred Péron, elle est achevée par Paul
Léon, Eugène Colas, Ivan Gall et
Philippe Soupault.
• En 1929, Adrienne Monnier publie la
traduction d'Ulysse en français.
Valery
Larbaud a revu et supervisé entièrement
la traduction d'Augus1e Morel et Stuart
Gilbert.
l'ouvrage rencontre un grand
succès.
• En 1933, le procès pour obscénité fait
à Ulysse en Amérique aboutit à un
verdict d'admission du texte.
Ulysse
parait aux États-Unis.
CRISES FAMIUAUS
• Le 4 juillet 1931, James Joyce épouse
Nora.
Dés cette époque, leur fille Lucia,
à la suite d'une déception amoureuse
(elle s'est éprise de Samuel Beckett)
multiplie les signes de désordre mental
(incendie, fuite, violences).
• Pour Lucia, les consultations de
médecin commencen t ainsi que les
longues périodes en clinique, les
injections et les opérations.
En 1934,
Lucia est examinée par le psychiatre
Carl Jung (1875-1961) .
Selon lui, Lucia
incarne l'élément schizoïde de la
personnalité et de l'écriture de son père.
Joyce, pour sa part.
est persuadé qu'elle
a le don de double vue.
Le traitement
de sa fille lui coûte les trois quarts de
ses revenus.
Et il continue à boire plus
que de raison.
LE «LIVRE MAUDIT»
• Le 13 novembre 1938, le cdivre
maudit» est terminé.
Finnegans Wake
-le titre est dévoilé au dernier
moment- parait simultanément à
Londres et à New York en 1939.
l'angle
irlandais y domine, dans un mélange de
plus de soixante langues et dialectes.
Devant une conception si nouvelle de
l'écriture, même Ulysse parait facile.
Le livre n'est pas très bien reçu par la
critique, qui y voit généralement l'œuvre
d'un fou.
RETOUR À ZURICH
• La guerre et l'Invasion allemande
surprennent Joyce à Saint-Gérand-le-
Puy, dans l'Allier.
Devenu presque
aveugle, il se réfugie à Zurich pendant
l'exode.
• Il meurt un an plus tard, le 13 janvier
1941, d'un ulcère de l'intestin avec
péritonite généralisée..
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