"J'aime le souvenir de ces époques nues", Baudelaire
Publié le 14/05/2022
Extrait du document
«
« J’aime le souvenir de ces époques nues »
Comment s’opposent les deux premières strophes ?
Dans ces deux strophes, Baudelaire oppose à un âge ancien, harmonieux, un âge moderne,
décadent.
La première ère se présente sous la forme d’un « souvenir », tandis que la seconde semble
bien plus récente, marquée par l’adverbe « aujourd’hui ».
Celui-ci semble nous indiquer que cette
seconde ère pourrait être celle du présent de l’écriture du poème, c’est-à-dire le moment où Baudelaire
vit.
L’opposition entre les deux strophe s’observe de manière générale, car chacune dépeint un
« tableau » très différent de l’autre.
La première partie du poème s’attarde à imager un espace idyllique,
chaleureux, tendre, emplie de « tendresses communes » et où le « ciel amoureux » caresse « l’échine »
des hommes.
À ce monde plein de lumière (permise par la présence de Phœbus, dieu du soleil
personnifié, qui « dore[] les statues »), Baudelaire confronte un tableau « noir », « plein
d’épouvantement » et de désolation, où l’on entend les gémissements du poète (anaphore de
l’apostrophe « Ô », « hélas ! ») enveloppé dans un « froid ténébreux ».
Une opposition très nette de ces
deux tableaux se fait également entre pureté et « débauche ».
La première strophe représente des
époques « nues », sans artifices ni « mensonge[s] », tandis que la deuxième s’attarde à décrire un
monde empli de « vice[s] ».
C’est cette impression de corruption que l’on retrouve dans la description
des hommes et des femmes dans cette même strophe.
Alors que ceux-ci étaient dépeints comme
« agil[es] », au corps « noble », « élégant », « robuste » et « fort » dans la première partie du poème, ils
ne sont réduits dans la deuxième qu’à des « monstruosités » n’ayant que des « ridicules troncs »
« tordus » et « maigres ».
Ils passent ainsi du statut de « roi » à celui de « pauvres corps […] ventrus ou
flasques ».
Il est cependant à noter que cette perte de statut pouvait être attendue par le poète, puisque
ces « natives grandeurs », « pur[e]s de tout outrage et vierges de gerçures », semblaient appeler la
corruption, « les morsures ».
Ce changement si radical s’observe également par la présence de deux
dieux distincts dans les deux strophes ainsi que leur relation avec les Hommes.
Dans l’âge harmonieux,
où les Hommes sont désintéressés et ne sont pas « trop onéreux », c’est Cybèle, la Déesse mère qui les
« abreuv[e] » en « produits généreux », qui leur offre ce qu’ils ne quémandent pas.
Mais lorsqu’ils
naissent sous le joug du « dieu de l’Utile », dans la froideur (« implacable et serein »), dans le bronze,
le métal, et tout ce qui a trait à cette image que l’on a de la modernité et du progrès, ils ne peuvent s’en
défaire (« emmaillota »).
À l’image des Hommes « fiers » Baudelaire oppose des Hommes soumis et
destinés à la « débauche » (« hideurs de la fécondité »), rongés par le « vice » de leur temps.
Ces deux
strophes apparaissent ainsi comme un véritable oxymore, et pourraient s’apparenter d’une certaine
manière au titre du recueil, Les Fleurs du Mal, où la première strophe se lierait aux Fleurs, et la
deuxième se rapprocherait du Mal.
Dans quelle mesure la troisième strophe définit-elle son esthétique ?
Il est évident que la troisième strophe doit être analysée au prisme des deux précédentes.
En
effet lorsque Baudelaire continue sa réflexion, il semble se référer aux deux âges que l’on a décrit cidessus : les « nations corrompues » rappellent la débauche et le vice des hommes et femmes de l’âge
moderne, tandis que les « peuples anciens » invoquent une seconde fois Phœbus, Cybèle et « ses fils ».
Ces deux époques se distinguent certes également ici puisque les « nations corrompues » ont de
nouvelles beautés, « inconnues » des peuples anciens puisqu’elles ne correspondent pas à leur idéal de
beauté, mais ces deux âges ne sont cependant pas antinomiques, puisque la liaison des deux
« n’empêcher[a] jamais » le développement de la conscience de la figure du poète, que l’on peut peut
être reconnaître dans « l’œil limpide et clair ».
Au contraire, cette liaison semble être une étape.
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