«J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire ... » : L'Etranger de CAMUS
Publié le 20/11/2012
Extrait du document
Ce sentiment de souffrance charrie avec lui des souvenirs
qui surgissent de manière étrange et inattendue.
Meursault note: «C'était le même soleil que le jour où
j'avais enterré maman. « Les deux scènes du roman se
superposent alors comme si elles entretenaient des connivences
secrètes. En un sens, la mort prochaine de l'Arabe
répond à la disparition récente de la mère de Meursault.
Le soleil réunit et confond ces deux drames dans la même
lumière, semblant nous indiquer qu'il existe entre eux des
relations logiques qui nous échappent: identité? compensation?
détermination?
«
138 1 Etude de L'Etranger
cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire.
J'ai
attendu.
La brûlure du soleil gagnait mes joues et j'ai senti
des gouttes de sueur s'amasser dans mes sourcils.
C'était le
même soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme
alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines bat
taient
ensemble sous la peau.
A cause de cette brûlure que je ne
pouvais plus supporter, j'ai fait un mouvement en avant.
Je
savais
que c'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du
soleil en me déplaçant d'un pas.
Mais j'ai fait un pas, un
seul pas en avant.
Et cette fois, sans se soulever, l'Arabe a tiré
son couteau qu'il m'a présenté dans le soleil.
La lumière a
giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante
qui m'atteignait au front.
Au même instant, la sueur amas
sée dans mes sourcils a coulé d'un coup sur les paupières et les
a recouvertes d'un voile tiède et épais.
Mes yeux étaient aveu
glés derrière ce rideau de larmes et de sel.
Je ne sentais plus
que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le
glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi.
Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux
douloureux.
C'est alors que tout a vacillé.
La mer a charrié
un
souffle épais et ardent.
Il m'a semblé que le ciel s'ouvrait
sur
toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu.
Tout mon
être s'est tendu et j'ai crispé ma main sur le revolver.
La
gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là,
dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a com
mencé.
J'ai secoué la sueur et le soleil.
J'ai compris que j'avais
détruit l'équilibre
du jour, le silence exceptionnel d'une plage
où j'avais été heureux.
Alors, j'ai tiré encore quatre fois sur
un
corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût.
Et c'était
comme quatre coups brefs que je frappais sur la
porte du malheur..
»
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Liens utiles
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- L'Etranger – Albert Camus : Commentaire du chapitre 6, de la page 93 à 95 : J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour... je frappais sur la porte du malheur
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